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Airbus peut-il devenir l’Uber de l’aviation commerciale ? Les réponses du patron de l’innovation du groupe
Alors qu’Airbus Group installe un centre d’innovation en pleine Silicon Valley, la stratégie digitale du groupe est en pleine élaboration. Quels partenariats mettre en place ? Quels freins culturels faut-il surmonter ? Interview de Jean Botti, le grand orchestrateur de la digitalisation du groupe.
Olivier James
Mis à jour
13 juin 2015
L’Usine Digitale : Qui a impulsé la stratégie de digitalisation qu’Airbus Group est en train de mettre en œuvre ?
Jean Botti : C’est l’initiative de Tom Enders, le PDG du groupe. Il m’a nommé responsable de cette stratégie. C’était en réflexion depuis longtemps mais qui s’est accélérée en 2014. La stratégie a été initiée dès décembre 2014.
Pourquoi une telle accélération ?
Je pense qu’Elon Musk nous a réveillés avec SpaceX. Il s’est installé rapidement dans les lanceurs. Il s’est aussi attaqué aux satellites, aux trains et va investir dans bien d’autres domaines.
Dans l’aviation commerciale aussi ?
Nous n’en sommes pas encore là. Mais vous avez vu son initiative du train ultra rapide Hyperloop entre San Francisco et Los Angeles… Il le finance en partie par un système de crowdfunding. Il est très actif.
C'est un compétiteur sérieux ?
Ceux qui ne le prendront pas au sérieux vont aller au-devant de beaucoup de souci. Il a créé Paypal puis Tesla et SpaceX. Et il ne va pas s’arrêter là. Il peut donner des idées à d’autres personnes.
"Ceux qui ne prendront pas Elon Musk au sérieux vont aller au-devant de beaucoup de soucis."
Mais en quoi ces entreprises vous menacent ?
La menace existe partout ! La vraie concurrence se trouve en Chine, en Russie, au Brésil et en Inde. Ceux qui maitriseront les données, les data seront les joueurs du monde qui se prépare. Ce n’est pas parce que vous avez des plateformes industrielles pour lesquelles vous avez investi beaucoup d’argent que vous êtes un joueur important sur le marché. Ce qui fait la différence, c’est ce que vous valez sur le marché. Si vous êtes réduit à n’être qu’une plateforme, vos possibilités d’évolutions sont très faibles. Mais si vous avez en plus la maitrise intelligente des données, là vous pouvez vous préparer pour le futur. Nous sommes dorénavant dans une évolution technologique de type exponentiel, plus linéaire.
Ces entreprises de numériques ne possèdent pourtant pas d’usines…
Exact ! Prenez l’exemple d’Uber, ils n’ont pas d’usine ! Les personnes qui croient au fait de pouvoir uniquement se replier sur une industrie avec des investissements lourds se trompent. Quand on se rend dans la Silicon Valley, on se rend compte que c’est un monde différent. Les gens se connaissent tous. Ils vivent et mangent ensemble. Il y a une ambiance dans la Valley qui est complètement différente de ce qu’on connait ici.
Nous sommes en retard en la matière ?
Je ne sais pas, mais je peux vous garantir qu’on ne va pas à la même vitesse. Je pense que c’est ce sentiment qui a poussé Tom Enders à réfléchir sur le concept de digitalisation.
Pourriez-vous, comme certains motoristes vous associer à un géant du numérique ?
Pourquoi pas ! Nous devons mettre en place des partenariats avec des acteurs du numérique. Rester seul serait prétentieux, le numérique n’est pas notre cœur de métier.
Vous savez de qui vous pourriez vous rapprocher ?
Bien sûr, mais je ne peux pas vous le dire.
Avec l’un des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ?
S’intéresser à ce qu’ils font, tombe sous le sens, non ? Les partenariats peuvent être de nature très différente selon la société avec laquelle nous l’effectuons. Certains pourraient se réaliser rapidement...
Il existe dans l’aéronautique des freins culturels forts à l’encontre du numérique…
Absolument. Mais ce n’est pas un phénomène nouveau. L’innovation s’est toujours bâtie à contre-courant. Beaucoup de gens vont vous parler de la technique. Mais la première chose à faire c’est le changement de mentalités. Cette dimension est aussi importante, sinon davantage, que la technologie elle-même. Il faut réussir à convaincre en interne et être des catalyseurs. Nous sommes une entreprise d’ingénieurs, c’est notre ADN. Nous sommes tous similaires. Et c’est là que se situe le danger. Il faut recruter des personnalités d’horizons différents.
Comment parvenir à impliquer vos équipes dans le numérique ?
Il faut créer des concours internes, faire travailler les salariés sur des projets transverses. Cela passe aussi par des initiatives très pragmatiques, comme l’instauration du badge unique ou l’ordinateur en accès libre. Ce n’est pas si évident alors que nous sommes pour beaucoup dans le domaine de la défense. Il faut également susciter des centres d’intérêts. Les salariés doivent se sentir impliqués. Ils s’impliqueront dans le numérique s’ils y voient un intérêt. Regardez l’E-fan, notre avion électrique. Je reçois énormément de demandes et de propositions chaque jour.
Jusqu’où pourriez-vous aller dans le développement des services grâce au numérique ?
Nous explorons toutes les pistes. Il n'y a pas de tabou.
Comme louer des avions ?
Et être l’Uber de l’aviation commerciale? Mais qui serait cet Uber ? Nous ? Ou quelqu’un qui le ferait pour nous ? Est-ce que l’on veut devenir un Uber, au risque de contrarier les compagnies aériennes ? Nous avons des réflexions mais cela reste très embryonnaire.
Le numérique peut-il aussi réduire les temps de cycles de développement ?
C’est l’un des enjeux. La priorité demeure de garantir la meilleure qualité aux meilleurs coûts. Je vais vous raconter une anecdote. Je suis rentré chez General Motors en 1989. En 1992, Toyota annonçait vouloir produire une voiture en 48 mois. Nous les sortions en 78 mois. Nous nous disions que c’était impossible de faire moins. Toyota a réussi son pari en 48 mois. Puis, ils ont annoncé qu’ils visaient un délai de 24 mois. Ils l’ont fait. Et ils sont devenus numéro un mondial. Attention aux croyances dans l’aéronautique, la digitalisation va se généraliser très rapidement.
Propos recueillis par Olivier James
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