Amazon risque une amende de 170 millions d'euros pour sa gestion des données de productivité des salariés
Depuis quatre ans, la Cnil enquête sur la collecte et l'utilisation par Amazon France Logistics des données liées à la productivité de ses salariés. Son rapporteur vient de requérir une amende de 170 millions d'euros pour sanctionner cette pratique contraire au RGPD.
Alice Vitard
Mis à jour
18 septembre 2023
Le rapporteur de la formation restreinte de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a requis une amende de 170 millions d'euros à l'encontre d'Amazon France Logistics, la filiale française d'Amazon dédiée à la logistique et au transport, pour la collecte et l'analyse massive des données personnelles de ses employés. Une pratique contraire au Règlement général sur la protection des données (RGPD).
2 indicateurs de productivité
C'est David Libeau, full-stack developer, qui a fait un compte rendu des débats ayant eu lieu le 14 septembre devant l'autorité française à la protection des données. Il raconte que deux "indicateurs" utilisés dans les entrepôts du géant de l'e-commerce étaient au cœur des discussions. Le premier, nommé "machine gun", se déclenche lorsque "l'employé range un article en moins de 1,25 seconde". Le second, baptisé "idle time", se déclenche lorsqu'il ne range "aucun article pendant 10 minutes".
Accusé de collecter et d'analyser ces données, Amazon a rétorqué qu'elles étaient utilisées pour "planifier des tâches" et ne concernaient pas "la productivité" de ses employés. Depuis l'enquête, d'après les informations de David Libeau, l'indicateur "machine gun" ne serait plus utilisé et l'idle time serait passé à 30 minutes, au lieu de 10 minutes.
Pour fixer le montant de l'amende, le rapporteur a choisi de prendre en compte le chiffre d'affaires de la maison mère d'Amazon et non pas seulement de sa filiale française. En pratique, les 170 millions d'euros correspondent donc à 22,23% du chiffre d'affaires du responsable de traitement. Il reste à voir si Amazon sera finalement sanctionné et, si oui, quelle amende sera choisie. La décision définitive est attendue "dans les prochaines semaines", d'après David Libeau.
Des demandes d'accès déposées par des employés
L'utilisation par Amazon des données liées à la productivité avait déjà été soulevée par des employés situés en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, en Pologne et en Slovaquie. En coopération avec le syndicat "UNI Global" et l'association de protection des données Noyb, ils ont déposé en mai 2022 des demandes d'accès à leurs données, au titre de l'article 15 du RGPD. "Amazon (...) ne peut pas utiliser nos données pour alimenter un algorithme, puis commencer à licencier les personnes à droite et à gauche ou faire ce qu'elle veut avec nos données. En tant que travailleurs, nous avons le droit à la vie privée et nous avons le droit de savoir", avait déclaré Andreas Gangl, délégué syndical du syndicat allemand "ver.di" et l'un des travailleurs ayant déposé les demandes.
Un porte-parole d'Amazon a souhaité réagir aux accusations du gendarme des données personnelles. Voici sa déclaration : "Bien que nous soyons en désaccord avec les allégations formulées par le rapporteur lors de l’audience d’aujourd’hui, nous nous sommes engagés dans une démarche constructive avec la Cnil. L'amende proposée constitue une rupture injustifiée avec la jurisprudence de la Cnil. La réalité est que nous utilisons la technologie pour accompagner nos salariés et les aider à répondre aux besoins des clients, et que les systèmes de gestion d'entrepôt tels que ceux évoqués sont une pratique courante du secteur. Nous sommes confiants quant à la conformité de nos systèmes avec les réglementations françaises et européennes applicables".
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