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"Appeler à un Patriot Act en France, c'est de l'inconséquence totale", affirme Gilles Babinet
Gilles Babinet, ancien président du Conseil national du numérique et digital champion pour la France auprès de l'Europe, rejette l'idée d'un "Patriot Act" à la française, l'exemple américain ayant donné lieu à de nombreuses dérives. Il indique que la dernière loi de programmation militaire votée en France pose déjà des problèmes et que les prochains textes devront se concentrer sur la mise en place de "processus modernes, respectueux de la démocratie et efficaces".
Julien Bonnet
L'Usine Digitale - Comment réagissez-vous à la proposition de Valérie Pécresse de mettre en place un Patriot Act à la française ?
Gilles Babinet - Je pense qu'il y a une profonde méconnaissance du dossier de la part de Valérie Pécresse, parce que le "Patriot Act" aux Etats-Unis a été démantelé. Quand l'administration Obama est arrivée au pouvoir, une cour indépendante appelée FISC (pour "Foreign Intelligence Surveillance Court", ndlr) et composée de magistrats a été mise en place pour compléter la FISA ("Foreign Intelligence Surveillance Act", la loi encadrant les écoutes électroniques, ndlr). Les processus de fonctionnement du Patriot Act ont donc été en grande partie modifiés et ce n'est pas du tout le même esprit, extra-judiciaire, que lorsque l'administration Bush avait fait voter ce texte après le 11 septembre. Toutefois, le Patriot Act reste sans doute une des lois d'exception les plus importantes dans l'ère moderne des démocraties et appeler à de telles mesures en France, c'est de l'inconséquence totale.
Il y a depuis septembre 2014 aux Etats-Unis un débat très intéressant sur les processus d'engagement des drones militaires. On s'est rendu compte que comme il n'y avait pas de régulation, un opérateur pressé devant aller chercher sa fille à l'école pouvait très bien se dire : "je n'ai pas le temps de continuer à espionner ma cible, je l'élimine". Et ce cas de figure qui semble aberrant est une réalité. Dans le cadre du Patriot Act, plusieurs milliers de personnes ont également été détenus de façon arbitraire, et je ne parle pas de Guantanamo, puis relâchés sans explication au bout de cinq jours. C'est pour l'ensemble de ces raisons que les propos de Valérie Pécresse sont scandaleux et sont assimilables à ceux de mouvements extrémistes comme le FN.
Les lois existantes en France sont donc selon vous suffisantes pour lutter contre le terrorisme ?
Je pense que les lois existantes sont dangereuses et montrent la méconnaissance du législateur. L'article 20 de la dernière loi de programmation militaire (LPM) votée en décembre 2013 donne par exemple la possibilité aux services de police de fermer des sites internet de manière arbitraire. Or, un site peut être considéré comme djihadiste alors qu'il ne s'agissait que d'un billet de blog en particulier et que le reste des publications ne posaient pas de problème.
La CNCIS (Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité), instance qui vérifie la légalité les interceptions judiciaires, est rattachée aux services du Premier ministre, ce qui représente également une distorsion des principes démocratiques. Il serait pertinent de mettre en place des analyses contradictoires réalisées immédiatement. On revient aussi à cette idée de modernisation par le numérique, on remplacerait les allers et retours entre services judiciaires et de police par des plates-formes permettant d'agir en temps réel ce qui apporterait beaucoup plus de réactivité pour fermer un site internet par exemple.
Vous vous montrerez donc vigilant concernant les propositions que fera Bernard Cazeneuve à Manuel Valls sur la surveillance d'internet...
Le monde de l'internet n'est pas contre ces mesures, mais il souhaiterait qu'on mette en place des processus modernes, respectueux de la démocratie et efficaces. Il faut comprendre que les mesures telles qu'elles ont été prises, l'article 20 de la LPM ou les lois de sécurité militaire faites par la droite avant, sont complètement à côté de la plaque.
A ce titre, il faut une garantie qu'on ne rentre pas dans des processus arbitraires. Beaucoup de gens, notamment dans la haute-administration, pensent que, comme nous vivons dans une grande démocratie, il n'y a pas de risque d'altérer les principes démocratiques. Or, c'est arrivé plusieurs fois dans l'histoire récente et je ne parle pas de Pétain mais de l'affaire Stavisky dans les années 30 ou du Rainbow Warrior en 1985. Des exemples qui ont montré que le pouvoir pouvait représenter un danger pour nos principes républicains.
Propos recueillis par Julien Bonnet
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