Apple à nouveau critiqué pour ses pratiques de "pillage" technologique
Racheter de petites entreprises ou copier leurs technologies prometteuses : la méthode est très régulièrement utilisée par Apple, ce qui lui vaut plusieurs procès pour vol de brevet, intentés par celles ayant les moyens, et une nouvelle enquête délatrice du Wall Street Journal.
"Quand Apple vient vous voir, c'est le baiser de la mort". C’est le titre d’une enquête du Wall Street Journal publiée ce 20 avril 2023, qui recense une douzaine de témoignages racontant comment le géant à la pomme repère les technologies prometteuses développées par des entreprises plus petites, puis les copie et les intègre dans ses propres applications, leur infligeant une concurrence face à laquelle ils font rarement le poids.
La pratique est tellement populaire qu’elle porte un nom : le "Sherlocking", en référence à l’outil de recherche sur ordinateurs Mac lancé en 2002, et inspiré d'un service développé à l'origine par une autre entreprise.
L’exemple de Masimo
Elle est facilitée par l'App Store, un formidable outil de benchmark permettant à Apple d’avoir accès à toutes les données d’utilisation des applications et ainsi de voir quelles fonctionnalités sont les plus appréciées. Une fois reprises par le géant (et parfois proposées gratuitement), les développeurs tiers les ayant initialement conçu ont évidemment du mal à rivaliser.
Illustration concrète, le témoignage de Joe Kiani, confié au Wall Street Journal. Il est le fondateur de Masimo, une société qui fabrique des appareils de mesure de l'oxygène dans le sang. "Lorsqu'Apple s'intéresse à une entreprise, c'est le baiser de la mort", a-t-il déclaré. "D'abord, on s'enthousiasme. Puis on se rend compte que le plan à long terme est de tout faire soi-même et de tout prendre".
Débauchage de salariés et violation de brevet
Apple l’aurait contacté pour lui parler d’un partenariat potentiel en vue de l’intégration de sa technologie dans l’Apple Watch, puis les discussions se seraient arrêtées. Le géant américain aurait alors débauché le directeur médical de Masimo, lui proposant de doubler son salaire et d’y ajouter des millions d’euros sous forme d’actions. Il aurait ensuite publié des brevets similaires à ceux de Masimo sous son nom, débauché une trentaine d’autres de ses employés (des ingénieurs notamment), et lancé la fonctionnalité.
En 2020, Masimo a intenté un procès à Apple devant le tribunal fédéral de district du sud de la Californie, accusant la société d'avoir eu accès à des informations exclusives en embauchant ses employés. Le procès est toujours en cours.
En 2021, la société a également déposé une plainte pour violation de brevet contre Apple devant la Commission du commerce international. En janvier dernier, un juge de la commission a émis une première conclusion selon laquelle certains modèles de l'Apple Watch avaient effectivement enfreint l'un des brevets de Masimo. L'enquête devrait s'achever le mois prochain.
Des recours en justice coûteux pour les petites entreprises
Joe Kiani a déclaré que Masimo avait jusqu'à présent dépensé 55 millions de dollars pour ses procès contre Apple et estime que cela coûtera probablement plus de 100 millions de dollars au total. Des sommes astronautiques que toutes les entreprises ne peuvent pas se permettre d’investir pour se défendre.
Plusieurs autres développeurs se sont plaint de ce genre de méthodes anti-concurrentielles. Blix a allégué qu'Apple avait volé sa technique d'anonymisation des adresses électroniques lors de l'inscription à des services en ligne en lançant la fonctionnalité "Sign in with Apple" en 2019. Tile, le fabricant de dispositifs de suivi d'objets qui s'intégraient autrefois de manière transparente à l'iPhone, s'est opposé à Apple après que la société a lancé un produit similaire appelé AirTag en 2021.
Et les plus grosses entreprises sont aussi concernées. En janvier 2022, l'équipementier télécom suédois Ericsson a accusé Apple d'utiliser ses brevets relatifs à la 5G. L'entreprise de Tim Cook s'est aussi durement fâchée avec Qualcomm à propos du coût de ses droits de licence, un contentieux qui s'est soldé en justice par une victoire de Qualcomm en 2019.
Plus de contentieux sur les brevets que n'importe quelle autre entreprise
Selon la société de recherche en propriété intellectuelle Patexia, depuis 2012, Apple a tenté de faire invalider plus de brevets technologiques devant la Commission de première instance et d'appel que n'importe quelle autre entreprise. Apple nie les accusations, assurant payer des droits de licence à de nombreuses sociétés de tailles différentes et expliquant que les entreprises ayant porté plainte contre lui avaient en fait déposé des brevets couvrant des domaines trop larges.
En 2019, une enquête du Washington Post avait déjà soulevé le problème, citant les exemples de Clue, une application permettant aux femmes de gérer leurs cycles menstruels, ou de MyLite et DoApp, des applications proposant une fonctionnalité de lampe torche, devenues immédiatement obsolètes lorqu’Apple a intégré la fonction à son système d'exploitation en 2013.
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