AR/VR, métavers... C'est maintenant qu'il faut se préoccuper de la souveraineté dans les technologies immersives

Complètement absente du marché des smartphones et des ordinateurs, la France veut se réindustrialiser et ne cesse en parallèle de se lamenter sur son manque de souveraineté dans le cloud. Malgré ces apparentes prises de conscience, elle s'intéresse peu aux technologies immersives, dans lesquelles les géants technologiques américains et chinois investissent pourtant des milliards. Ce manque d'implication à un point critique pourrait nous conduire à répéter l'histoire.

Partager
AR/VR, métavers... C'est maintenant qu'il faut se préoccuper de la souveraineté dans les technologies immersives
La plateforme de collaboration immersive Mesh de Microsoft.

Alors que la scène française continue de s'agiter (dix ans plus tard !) autour de la notion de cloud souverain, alternant discours contradictoires sur l'impérativité de sécuriser des capacités européennes et l'inévitabilité de faire appel aux acteurs américains, elle ignore avec dédain l'une des grandes révolutions technologiques à venir : celle de la réalité virtuelle et augmentée.

Suivez l'argent
Cinq ans après sa renaissance sur le marché grand public, ce secteur ne trouve toujours que peu d'écho dans l'Hexagone, bien que son rebranding en nébuleux "métavers" fasse bouger les lignes. On pourrait rétorquer qu'il n'a, en cinq ans, pas conquis le monde. Certes. Mais il en prend le chemin. L'Oculus Quest 2 s'est retrouvé sous beaucoup de sapins à Noël cette année, représentant un vrai point d'inflexion. Et en entreprise, Accenture en a acquis plus de 60 000 pour ses collaborateurs.

Au-delà de ça, il ne faut pas être devin pour comprendre que si les plus grandes entreprises technologiques du monde (Meta, mais aussi Apple, Google, Microsoft et d'autres) investissent lourdement sur le sujet, il va se passer quelque chose. Pour rappel, Meta (ex-Facebook) dépense plus de 10 milliards de dollars par an sur le sujet.

Réindustrialiser... dans les nouvelles technologies ?
Si la question mérite d'être abordée, c'est parce que la France (et plus généralement l'Europe) a complètement raté le coche sur le marché des smartphones. Le constructeur finlandais Nokia, qui fut un temps un véritable titan dans les téléphones portables, s'est fait sortir de l'arène en quelques années. Ne reste plus alors que des acteurs américains ou asiatiques. Comme sur le marché des PC d'ailleurs.

A l'heure où on s'emballe sur la réindustrialisation, ne serait-il pas pertinent de se pencher sur le sujet ? Il y a peu de produits manufacturés dont la valeur ajoutée soit plus élevée que celle de l'électronique grand public de pointe. D'autant que les talents ne manquent pas en France. Il y a quelques années, trois toulousains s'étaient lancés dans une aventure qui deviendra StarVR suite au rachat par Starbreeze. Projet finalement abandonné faute d'argent.


C'est l'histoire d'une start-up...
Aujourd'hui, le projet français phare est Lynx (voir photo ci-dessus), un casque autonome qui met l'accent sur l'ouverture (aussi bien matérielle que logicielle) et dont les capacités n'ont rien à envier au Quest 2, notamment en matière de réalité augmentée par passthrough.

L'Usine Digitale a pu en tester une version de pré-production et, bien qu'il n'ait pas encore le niveau de finition et l'écosystème applicatif nécessaire pour faire face à Meta sur le marché grand public, il est parfaitement fonctionnel et prêt à être fabriqué à grande échelle. Les premières unités seront livrées au mois d'avril. Pas mal pour une équipe de seulement 15 personnes, emmenée par Stan Larroque, un jeune ingénieur au parcours hors normes.

Seulement, si le Lynx-R1 a fait l'objet d'une campagne de financement participatif à succès, la pépite parisienne n'aura pas les moyens de poursuivre son développement (produire les prochains modèles, construire un écosystème) encore bien longtemps sans investissements externes. Or, si les investisseurs étrangers se montrent intéressés, on ne peut pas dire que l'écosystème tricolore ait répondu présent. Trop occupé sûrement à placer ses billes dans les vendeurs de NFT ou dans des start-up développant des services sur les briques technologiques des acteurs américains du cloud, et dont la stratégie se traduit généralement par un rachat par ces mêmes acteurs.

En finir avec le fatalisme
C'est d'ailleurs le destin qui attend sans doute Lynx à terme si les mécènes français ne se réveillent pas, comme c'est le cas pour de trop nombreuses pépites françaises. Un rachat par un géant chinois pour en faire une tête de pont sur le marché européen ou un acqui-hire furtif par un Américain suivi d'une dissolution parmi des milliers d'autres collaborateurs (avec en bonus dans 5 ans des portraits du genre "ce Français qui dirige l'AR/VR chez BigCorp"). Les talentueux producteurs de contenus français, comme les studios Innerspace VR, Backlight, Wanadev, Ikimasho et bien d'autres, continueront alors à publier leurs œuvres sur des plateformes étrangères.

Et nos industriels, qu'il s'agisse de Thales, Airbus, Bouygues, Saint Gobain, Framatome, EDF ou la SNCF utiliseront du matériel étranger même pour leurs opérations sensibles. Comme c'est le cas pour les smartphones et les ordinateurs aujourd'hui. Le cycle se répète. Il n'est pourtant pas une fatalité.

Une petite start-up peut-elle espérer battre Apple ou Meta alors qu'ils investissent des milliards sans ciller ? Probablement pas. Mais elle pourrait s'imposer comme une alternative viable et durable si elle reçoit un soutien approprié au moment clé, car la demande est là. Et ce, sans avoir besoin de milliards d'euros. D'autres l'ont fait ailleurs, alors pourquoi pas nous ? Quoi qu'il en soit, le moment clé pour assurer la souveraineté nationale et européenne dans le métavers, c'est maintenant.

Sujets associés

NEWSLETTER L'Usine Digitale

Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.

Votre demande d’inscription a bien été prise en compte.

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes...

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes du : Groupe Moniteur Nanterre B 403 080 823, IPD Nanterre 490 727 633, Groupe Industrie Service Info (GISI) Nanterre 442 233 417. Cette société ou toutes sociétés du Groupe Infopro Digital pourront l'utiliser afin de vous proposer pour leur compte ou celui de leurs clients, des produits et/ou services utiles à vos activités professionnelles. Pour exercer vos droits, vous y opposer ou pour en savoir plus : Charte des données personnelles.

ARTICLES LES PLUS LUS