Au cœur du 'design process' de PSA : de la réalité virtuelle aux maquettes en argile

Comment naissent les voitures de Peugeot, Citroën ou DS ? Elles prennent forme au sein de l'Automotive design network, l'ADN du groupe PSA. Plongée au cœur de ce centre et du processus de conception des véhicules du groupe, qui va des méthodes les plus high tech aux plus traditionnelles.

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Au cœur du 'design process' de PSA : de la réalité virtuelle aux maquettes en argile
Le CAVE du centre de Vélizy, fleuron du dispositif de création numérique de PSA.

La réalité virtuelle connaît une vraie renaissance depuis quelques années, notamment auprès du marché grand public. Mais les grands industriels de l'automobile, de l'aéronautique ou de la construction navale l'utilisent depuis des décennies pour la conception de leurs appareils. Philippe Deren, en charge des outils numériques au sein de la direction du design du groupe PSA, détaille pour L'Usine Digitale sa place au sein du "design process" du groupe et comment elle cohabite avec des techniques traditionnelles.

Une direction de la conception

La direction du design au sein du groupe PSA compte environ 360 personnes, réparties par marque : Peugeot, Citroën et DS. Chaque équipe a ses particularités et son directeur du design. "Mon équipe et moi-même fournissons tous les moyens liés au design, du stylet pour Photoshop à la fraiseuse pour une maquette en argile, explique Philippe Deren. Entre ces deux usages, il y a aussi beaucoup d’autres outils, comme le logiciel ICEM Surf de Dassault Systèmes, très utilisé pour générer de la surface de bézier dans l’automobile."

Le matériel de visualisation est essentiel parmi ces outils. Le groupe PSA a investi dans ces technologies dès 1999, et a dépensé plus de 7 millions d’euros en la matière au fil des ans. Une somme vite rentabilisée. "Nous avons des systèmes immersifs à Sochaux, à Rennes et à Vélizy," précise Philippe Deren. Le centre de Vélizy, ouvert en 2004, est le fleuron du groupe, et porte le nom évocateur d'Automotive design network (ADN).

L'ADN de PSA

"Le travail commence sur des écrans de travail de 24 pouces, puis nous passons à l’échelle 1:1, reprend Philippe Deren. Nous disposons pour cela d'une quinzaine de salles dotées d'écrans de 5 mètres de large par 2 mètres de haut avec rétroprojecteurs, dont la plupart sont en résolution 4K." Certaines sont installées par l'intégrateur bordelais Immersion, mais la plupart sont gérées directement par le constructeur belge Barco. Une bonne partie de ces salles sont en 2D classique, mais certaines peuvent faire de la stéréoscopie passive ou active.

Ces salles peuvent contenir jusqu'à une vingtaine de personnes. Elles sont utilisées aussi bien pour des séances de travail que pour des présentations aux dirigeants de l'entreprise. Carlos Tavares, le président du groupe, y vient d'ailleurs tous les mois faire des design reviews. "La salle réellement dédiée au patronat compte pour 18 mètres d'écran (avec trois écrans de 6 m x 3 m). Elle permet de projeter trois images ou des banques d’images pour faire les grandes présentations," ajoute l'ingénieur. Ce dispositif est complété par un CAVE (Cave autonomous virtual environment) à cinq faces et un Holospace à trois faces. Ils font de la stéréoscopie traquée et offrent ainsi une forme de réalité virtuelle en salle. "L’intérêt pour nos équipes est d’inspecter un véhicule sous de meilleurs points de vue et à taille réelle."

De la réalité virtuelle... à la sculpture en argile

Les designers valident leurs choix en virtuel et effectuent toutes les modifications techniques nécessaires. Mais la validation finale se fait sur des maquettes physiques, fraisées en polystyrène ou en argile à l’échelle 1:1. "On ne veut pas tout valider en numérique, l'étape physique est essentielle, commente Philippe Deren. Nous utilisons aussi des imprimantes 3D entre temps pour faire des illustrations sur des parties spécifiques, par exemple des intérieurs de véhicules : planches de bord, casquettes, aérateurs, facades radio..."

Une fois le fraisage effectué, les concepteurs font des retouches manuelles qui sont ensuite scannées par stéréophotogrammétrie pour être réintégrées en numérique. "Nous scannons un nuage de points, poursuit-il. Nous validons que c’est stable, que cela s’intègre bien. Certaines mises au point se font sur l’argile plus facilement que sur écran." De la feuille blanche à la commercialisation du produit, le processus prend entre 3 et 4 ans. "La phase purement créative prend généralement 18 mois, confie Philippe Deren. Ensuite, c’est l’industrialisation."

Les casques grand public a l'essai

La dynamique du secteur de la réalité virtuelle se situe du côté des casques, ce n'est pas un mystère. C'est donc sans surprise qu'on apprend que PSA suit de près leur évolution. "Nous regardons les casques de réalité virtuelle depuis quelques temps et le HTC Vive a notamment retenu notre attention". Il faut dire qu'un CAVE coûte plusieurs millions d’euros et qu'un Holospace en vaut plusieurs centaines de milliers (tout comme un écran à échelle 1:1). "Et la maintenance des projecteurs a un coût, rajoute Philippe Deren. C’est pour cela que nous passons au laser : il n'y aura plus de lampes et la durée de vie est de 10 ans." En comparaison, un Vive "Edition Business" coûte 1150 euros.

Par ailleurs, les designers et directeurs favorisent le développement des outils numériques, car les maquettes physiques ont un coût non négligeable et mettent plusieurs semaines à arriver, tandis qu'une maquette 3D est tout de suite prête. Le groupe teste trois HTC Vive pour le moment, et en déploiera un plus grand nombre si la phase de test est concluante. Pour autant, les prestations offertes par cette première génération de casques grand public ne répondent pas encore parfaitement aux besoins de PSA d'après Philippe Deren. "Ils coûtent beaucoup moins cher, offrent une bonne immersion, et sont légers et stables. Mais il existe encore des barrières à leur intégration dans notre processus de design."

Une compatibilité logicielle apportée par TechViz

Le premier problème est l'absence de compatibilité native des logiciels avec ces appareils. Si Dassault Systèmes a récemment intégré un module de visualisation VR directement dans Catia v6, ce n'est pas encore le cas pour d'autres applications comme 3DExcite ou ICEM Surf. "Les premières idées et les premiers choix peuvent se faire avec des casques, cela simplifie les choses car nous n'avons qu'un seul CAVE et il a un planning d’utilisation. Mais ça ne peut pas se faire s'il faudra passer par un convertisseur. Nous sommes dans du design automobile avec des modèles très complets et des besoins spécifiques."

Pour pallier ce problème, PSA a adopté fin 2016 une solution du spécialiste TechViz, un fournisseur dont il utilisait déjà le logiciel pour CAVE depuis 2006. Elle permet d'afficher directement dans leurs casques tous les logiciels du marché, et en l'occurrence 3DExcite, ICEM Surf, mais aussi 3DExperience ou Catia v5. Pas de conversion de données nécessaire, ni de préparation spécifique.

Casques et Cave, des outils complémentaires

La seconde faiblesse des casques par rapport aux équipements classiques est leur limitation actuelle en matière de qualité de rendu. La résolution est trop basse pour du design et crée des problèmes de pixelisation sur l'intérieur (grain des textures, netteté des afficheurs) et l'extérieur (affichage de deux ou trois véhicules à une certaine distance) des voitures. "Peut-être qu'avec la seconde génération de casques ça ira mieux, lorsqu'ils auront une résolution 10K. Après, il faudra voir quelle puissance d'affichage est nécessaire pour ne pas avoir de latence sur nos modèles 3D," commente Philippe Deren. Cela limite pour le moment leur champ d'applications.

La collaboration à distance pas assez optimisée

Cette même latence (délai entre un mouvement de la tête et sa répercussion dans l'environnement virtuel) est aussi un problème pour la collaboration à distance, d'après Philippe Deren. "La téléprésence entre sites distants a ses limites. Pour nos designers situés à Shanghai, on partage un modèle 3D sur lequel chacun travaille de son côté, en téléprésence, mais pas en stéréoscopie. Cela pourrait apporter quelque chose, ce serait la prochaine étape, mais les limites de la latence sont déjà présentes sur la France, sur des systèmes classiques, alors qu’on est sur le réseau PSA interne. C’est pour ça qu’aujourd'hui on se limite à du Skype for Business et du Webex."

Quant à la collaboration locale, l'immersion propre aux casques ne la facilite pas. "Nos patrons du design ne sont pas gênés par des lunettes 3D, ils se voient, ils voient le voisin, au pire ils peuvent les enlever et les remettre." Des casques de réalité mixte pourraient être la solution pour ce cas de figure, et PSA teste HoloLens en interne en phase préliminaire. Restera à s'assurer que la fidélité des couleurs, tout comme la résolution, est au rendez-vous.

Si l'intérêt est bien présent, les casques de réalité virtuelle ou augmentée ne remplaceront donc pas les outils existants de sitôt. Ils devraient néanmoins, au fur et à mesure de l'évolution technologique, prendre une part grandissante au sein du "design process". Rendez-vous dans cinq ans pour jauger cette évolution.

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