Avec StarVR, Starbreeze veut créer le parc d'attraction du 21e siècle... et s'imposer sur le marché B2B
S'il faudra encore des années avant que la réalité virtuelle ne pénètre vraiment au coeur de la maison, elle a d'ores et déjà un énorme potentiel sur le marché du divertissement hors du domicile. Starbreeze l'a bien compris. C'est pourquoi le développeur suédois travaille depuis 2 ans sur un concept d'expérience très haut de gamme, articulé autour d'un casque fabriqué en interne par une équipe d'ingénieurs français. Si Starbreeze espère s'imposer comme la référence du parc d'attraction du 21e siècle, il convoite aussi un autre marché : celui de l'entreprise. Il compte s'y imposer face à HTC et Oculus par la supériorité technique de son casque et grâce à la flexibilité qu'il offre à ses partenaires.
Julien Bergounhoux
Il n'y a pas que les géants américains comme Facebook (avec Oculus), Valve, Microsoft ou Google qui cherchent à se développer sur le marché de la réalité virtuelle. Starbreeze, une société suédoise fondée en 1998 qui développe et édite des jeux vidéo, s'y est lancée en 2015 avec le rachat d'InfinitEye. InfinitEye était un projet de casque très haut de gamme développé à Toulouse par trois Français depuis 2013. Il est aujourd'hui connu sous le nom de StarVR et arrivera "bientôt" sur le marché, d'après les représentants de l'entreprise.
L'Usine Digitale a pu s'entretenir avec Bo Andersson, le CEO de Starbreeze de passage à Paris, pour faire le point sur les ambitions de l'entreprise en matière de réalité virtuelle et sur l'avancée de ses projets. Contrairement aux autres fabricants de casques, Starbreeze vise exclusivement les professionnels, et s'intéresse plus spécifiquement à deux marchés : le divertissement hors du domicile et le secteur B2B.
De la salle d'arcade au parc d'attraction
"Nous voulions construire une plate-forme, et l’idée a été, dès le départ de faire du divertissement hors du domicile, explique Bo Andersson. J’ai d’ailleurs commencé ma carrière à construire des machines d’arcade, pour la petite histoire." Pour se différencier face à la concurrence, Starbreeze a cherché à créer quelque chose que les gens ne pourraient avoir nulle part ailleurs.
"Cela a commencé avec le concept Starcade, que nous avons pitché à un certain nombre de partenaires, dont IMAX, rappelle le CEO. Les dirigeants d'IMAX ont été très intéressés par l'idée, à laquelle ils n'avaient pas beaucoup réfléchit auparavant." Starbreeze dispose d'actuellement d'expériences dans deux centres IMAX VR qui sont situés à Los Angeles et New York City. "Nous leur fournissons le matériel et le contenu. C'est un bon client pour nous." Starbreeze a également déployé deux expériences dans des centres commerciaux en partenariat avec Universal Studios.
"Ces pilotes nous ont permis de toucher une base d'utilisateurs qui dépasse le seul milieu du jeu vidéo, reprend Bo Andersson. Cela nous a poussés à aller plus loin que les salles d'arcade : nous nous sommes attaqués très sérieusement au secteur des parcs d'attractions." Le premier d'entre eux sera un espace de 7000 m2 à Dubaï qui va ouvrir prochainement et au sein duquel Starbreeze sera l'acteur principal.
19 expériences prévues, dont Payday VR
Si Starbreeze parle d'établir une plate-forme, c'est aussi parce qu'elle fournit une expérience clé en main : les jeux, le matériel (casques, capteurs, ordinateurs), les accessoires secondaires (fusils, gants, vestes), l'environnement (panneaux vibrants pour le sol, diffuseurs d'odeurs)... "L'idée est de simplifier au maximum le déploiement tout en garantissant une expérience très haut de gamme, détaille le CEO. Nous aurons 7 expériences disponibles au lancement, plus 12 autres de prévues par la suite." Elles seront en rotation afin qu'il y ait du renouvèlement pour les clients. Le temps de jeu moyen sera de 5 à 7 minutes, avec jusqu'à quatre joueurs simultanés, et les thèmes iront du jeu d'action à l'expérience tirée d'un film et au jusqu'au jeu pour enfant. Nous avons pu en tester quatre dont nous rendrons compte dans un autre article publié demain.
Starbreeze compte exploiter ses activités sur consoles et PC pour la réalité virtuelle, notamment avec Payday VR. Cette expérience sera basée sur le jeu de braquage coopératif Payday 2, grand succès de Starbreeze sur PC avec près de 50 000 joueurs simultanés par jour. "Nous n'utilisons pas juste le nom pour vendre une expérience au rabais, prévient Bo Andersson. Les joueurs pourront directement importer leur profil, leurs armes et leurs compétences. Ils pourront même rejoindre les parties avec d'utilisateurs jouant de chez eux... Sans que ceux-ci le sachent !" Comme il s'agit de VR sur de grands espaces, où les joueurs courent vraiment et ne se téléportent pas, il est impossible de les distinguer.
La VR hors du domicile, un marché prêt à exploser ?
A Dubaï, la monétisation se fera comme pour un parc d'attraction classique, avec un droit d'entrée pour le parc entier qui donnera accès à toutes les attractions. Interrogé sur la viabilité du marché à court terme, Bo Andersson se montre confiant. "Nous avons testé la monétisation avec notre toute première expérience sur "The Walking Dead" et ça a été un succès. L’expérience était gratuite au début et payante ensuite : et les gens payaient. Nous attendons beaucoup de visiteurs à Dubaï, sachant que la ville attire 50 millions de personnes par an. Evidemment, les jeux PC et consoles vont continuer à générer la majorité de nos revenus. La VR est un futur business, qui se développe encore. Ce qui compte pour le moment, ce sont les parts de marché."
Acer, partenaire de Starbreeze pour la fabrication et la distribution du matériel
Starbreeze n'est pas un géant technologique de la trempe de Facebook ou Google, et elle ne dispose pas de moyens de fabrication d'entreprises comme Samsung ou HTC. La société ne compte que 700 employés au total. Pour pouvoir lutter face à cette concurrence, elle s'est alliée en mai 2016 avec le taïwanais Acer. "Starbreeze possède la propriété intellectuelle liée à StarVR, mais la fabrication, la vente et le déploiement des casques sont gérés par une coentreprise dont Starbreeze et Acer possèdent chacun 50%," détaille Bo Andersson, CEO de Starbreeze.
Les équipes en charge de la conception du casque restent en France, où 25 personnes officient dans un bureau parisien. Elles travaillent en étroite collaboration avec les ingénieurs d'Acer. Starbreeze a également une centaine d’employés qui travaille sur la production de contenu VR, plus 12 entreprises externes qui développent actuellement des contenus pour StarVR.
Il ne fait aucun doute pour lui que la réalité virtuelle sera un marché énorme, et c'est pourquoi Starbreeze s'est positionné stratégiquement sur des technologies haut de gamme, sur l’acquisition de connaissances et d’emplacements commerciaux. "Il y a un vrai besoin pour ces expériences dans les centres commerciaux et les parcs d’attraction. C’est un besoin croissant et nous arrivons pile au bon moment pour y répondre grâce au risque que nous avons pris il y a quelques années en investissant dans ce domaine. Nous ne nous reposons plus seulement sur l’innovation, aujourd’hui nous déployons nos expériences, et ça c’est une affaire de capital. En quelque sorte, aujourd’hui, nous achetons des visiteurs." Starbreeze a d'ailleurs déjà d’autres clients et d’autres localités prévus après Dubaï, dont une salle à Stockholm, notamment.
Questionné sur les offres concurrentes comme celle de The Void, Bo Andersson est élogieux. "Je trouve que ce qu'ils font est très bien pour le marché de la réalité virtuelle, ils mettent en avant le côté 'évasion' de la chose, son aspect fantastique. Nous construirons ce marché tous ensemble, il y a de la place pour plusieurs acteurs. Je leur souhaite toute la réussite possible."
Le B2B, l'autre grand marché à saisir
L'autre marché que convoite Starbreeze est celui de la réalité virtuelle en entreprise. "Je suis très enthousiaste vis-à-vis du marché B2B, confie le CEO. Il y existe d'énormes besoins en matière de simulation et de visualisation, et je pense qu'ils nous surprendra à long terme." L'entreprise y est naturellement bien positionnée de par la nature très haut de gamme de son casque, qui possède deux écrans de 2560 x 1440 pixels et un champ de vision de 210° de large et 130° de haut. En comparaison, le casque VR actuellement le plus utilisé en entreprise, le HTC Vive, fait pâle figure : des écrans de 1080 x 1200 pixels et un champ de vision de 110° x 100°. S'il reste humble, Bo Andersson nous a quand même laissé entendre : "sachant que nous serons compatibles avec le système de tracking Lighthouse, je pense que de nombreuses entreprises vont remplacer leurs casques Vive par des StarVR."
Et cela se confirme. Lors d'un autre évènement quelques semaines auparavant, l’entreprise Optis, spécialiste de la simulation de la lumière, nous avait confié qu'elle recommande déjà StarVR à ses clients. Et peu importe qu'un StarVR coûte 10 fois plus cher qu'un Vive : les échelles de valeur ne sont pas les mêmes pour le grand public et pour les entreprises. Les secteurs visés par Starbreeze sont multiples : industrie automobile, aéronautique, architecture, milieu du luxe, publicité... plus d'autres secteurs où apparaissent des opportunités, comme le médical. "Nous parlons à tout le monde, confirme le dirigeant. L'industrie automobile en particulier est très intéressée." Il met aussi en avant la flexibilité de son offre. "L'avantage d'être partenaire d'Acer pour la fabrication du casque, c'est que les caractéristiques techniques ne sont pas inscrites dans le marbre. Si un constructeur automobile a un besoin particulier, nous pouvons nous adapter." Quant à l'ampleur de la demande, elle justifie largement l'investissement à ses yeux. "Je peux vous confirmer que certaines entreprises cherchent à mettre un casque sur chaque bureau."
Partenariat avec ZeroLight et double usage de PRESENZ
La première démonstration B2B de Starbreeze a été réalisée en partenariat avec ZeroLight, un spécialiste de la visualisation 3D pour l'automobile. Elle permet d'explorer le modèle 3D d'une voiture de sport. Mais Starbreeze veut aussi tirer parti d'une technologie qu'elle possède en interne appelée PresenZ. Elle a été développée par Nozon, que l'entreprise a racheté en mai 2016. PresenZ permet de créer des films immersifs avec une qualité visuelle très élevée car elle utilise de la 3D précalculée. Traditionnellement seule la 3D calculée en temps réel permet à l'utilisateur de changer de point de vue, mais PresenZ rend possible de se déplacer dans un espace d’environ 1 m2.
"Cette technologie a un grand intérêt pour les expériences tirées du cinéma. Si vous donnez les modèles 3D utilisés dans un film hollywoodien à un studio de jeu vidéo, ils vont en réduire la qualité considérablement pour pouvoir s’en servir. Avec PresenZ ce n’est pas nécessaire, nous récupérons les éléments tels quels, sans avoir à les retraiter." Bo Andersson y croit beaucoup. "Nous travaillons depuis 20 ans avec Hollywood. Nous avons des bureaux à Los Angeles. Et nous avons déjà exploité des propriétés intellectuelles comme Riddick, John Wick ou The Walking Dead. PresenZ va permettre aux studios de cinéma de mieux monétiser leur catalogue de titres existants." Et cette même technologie a aussi un vrai potentiel pour le B2B, pour obtenir une visualisation immersive extrêmement réaliste lors des phases de conception.
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