Carrefour, Monoprix, Leclerc, Auchan… Sept questions pour comprendre les convoitises d'Amazon en France
D'abord des rumeurs d'acquisition de Carrefour, puis un article du jounal Le Monde qui confirme l'appétit d'Amazon pour un distributeur tricolore... Et voilà que la distribution française bruisse de rumeurs. Pourquoi une telle effervescence ? Un scénario d'acquisition est-il bien plausible ? Quelle cible vise Amazon ? Pourquoi le géant du e-commerce a-t-il besoin d'un acteur traditionnel ? La rédaction a interrogé deux experts du secteur (Yannick Franc et un consultant souhaitant rester anonyme) pour y voir plus clair. Explications.
D'où viennent ces rumeurs de rachat d'un distributeur français par Amazon ?
"Ces rumeurs sont liées au big bang qu'a provoqué le rachat de Whole Foods par Amazon. Personne n'avait vu venir cette acquisition. Depuis, aux Etats-Unis, toutes les banques d'affaires étudient qui pourrait être la prochaine cible et proposent des dossiers de rachat à Amazon. Sur les deals de cette taille-là, les banques d'affaires ont beaucoup à gagner", explique Yannick Franc, directeur stratégie retail et e-commerce au sein du cabinet de conseil Equancy.
Un scénario de rachat est-il probable ?
Les ambitions d'Amazon, sa puissance économique et les contraintes du marché combinées font qu'un tel scénario ne serait pas si farfelu. "On ne peut pas dire que c'est impossible. La réalité économique fait qu'Amazon a cette capacité-là", admet Yannick Franc. "Depuis quatre ou cinq ans, il y a des communications claires d'Amazon sur le fait de vouloir être présent sur le marché de l'alimentation et de la consommation au sens large", ajoute un autre expert du secteur. Or, pour pénétrer ce marché un nouvel acteur doit disposer d'une puissance d'achat suffisante pour pouvoir obtenir les meilleurs prix possibles auprès des fournisseurs. Ensuite, la distribution alimentaire nécessite de disposer d'un maillage logistique très important. Deux éléments dont ne dispose pas Amazon.
"Ce qui est certain, c'est qu'Amazon va enclencher une stratégie pour développer des points de ventes physiques", assure Yannick Franc. L'alimentaire, de par sa fréquence d'achat, permet d'être en contact permanent avec les clients. Ainsi, plus Amazon aura la capacité de démultiplier les points de contact, plus il vous connaîtra, et plus sa puissance de recommandation sera extrêmement forte. "La première solution c'est le partenariat", expose Yannick Franc. "Tous les distributeurs reconnaissent avoir été approchés par Amazon mais, a priori, tous aujourd'hui ont décliné l'offre", poursuit-il. Si l'approche partenariale n'est pas retenue, la seconde solution serait celle du rachat. Cette option est envisageable pour une entreprise cotée en Bourse, mais beaucoup plus complexe pour des acteurs indépendants comme Leclerc, System U ou encore Intermarché car cela nécessite de négocier avec tous les chefs d'entreprise qui dirigent leurs propres magasins et qui adhèrent au groupe.
Quel intérêt aurait un distributeur de se vendre à Amazon ?
"La puissance d'achat, répond l'autre expert du secteur. Amazon vous donne accès à un volume d'achat très important. C'est le plus grand distributeur du monde. Avec des lessiviers, par exemple, il négocie avec une puissance de négociation parfois supérieure à certains distributeurs français. Cela permettrait donc d'avoir de meilleures marges et d'investir davantage. De tout temps, la distribution est une course à la taille sur le volume d'achat. Une association avec Amazon donnerait l'opportunité de travailler différemment à l'achat. Par ailleurs, pour un distributeur peu en avance sur sa capacité à appréhender la livraison à domicile cela peut avoir un intérêt".
La France est un petit marché. Un rapprochement (acquisition ou partenariat) reste-t-il malgré tout pertinent pour Amazon ?
La présence de champions mondiaux sur le territoire rend l'Hexagone particulièrement attractif. "Carrefour est le numéro 5 mondial. Auchan est dans le top 20. Il est par ailleurs très présent en Chine quand Casino est important en Amérique du Sud. Ce sont des réseaux mondiaux", détaille Yannick Franc.
Quelle est la cible d'Amazon ?
"La cible qui correspond le mieux à Amazon est une cible urbaine. Car c'est en ville qu'il peut mieux attraper son client via son concept Amazon Prime, son service de livraison ultra-rapide. Ce sont les urbains qui valorisent la fonction temps par rapport à la fonction argent. En ville, on cherche des solutions pour gagner du temps. Et si Amazon réussi à vous capter avec une gamme de produits équilibrée combinée à son offre Prime, vous serez tenté de tout acheter chez Amazon", estime l'expert du secteur.
Amazon peut-il développer un réseau de distribution physique seul en France ?
"La barrière à l'entrée est très élevée, juge ce même expert. C'est un process très long, mais envisageable compte tenu de ses moyens". "L'américain Costco a bien cette ambition mais il n'a aujourd'hui qu'un magasin et même si l'ouverture d'un second est bien prévue, cela va prendre une décennie avant de prendre et je ne pense pas qu'Amazon ait cette patience", poursuit-il.
Amazon peut-il déployer à court terme son concept Amazon Go (magasin connecté et sans caisse) en France ?
Cette option semble peu probable. En effet, le concept de ce magasin connecté sans caisse nécessite de maîtriser une batterie de technologies de rupture (deep learning, vision par ordinateur). Et, à Seattle, là où se trouve la boutique pilote, Amazon aurait fait face à différents problèmes techniques l'obligeant à repousser l'ouverture de la première boutique de ce genre dédiée au grand public. De son côté, Monoprix tente de proposer une expérience similaire avec une solution de paiement mobile. Avec son smartphone, le client scanne les articles puis règle son panier d'achat. Plus besoin de passer en caisse. L'application, baptisée "Monop'easy" est actuellement testé à Clichy et dans son magasin de Madeleine, à Paris.
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