Cinq éditeurs juridiques condamnés pour procédure abusive contre la legaltech Doctrine
Dalloz, Lextenso, LexisNexis, Wolters Kluwer et Lexbase devront verser 125 000 euros pour frais juridiques et 50 000 euros d’amende pour procédure abusive, après avoir assigné la legaltech en justice en 2020 pour "concurrence déloyale". La start-up revendique "une victoire éclatante" et appelle les acteurs du droit à collaborer à l'avenir.
Le tribunal de commerce de Paris donne raison à la start-up Doctrine, le moteur de recherche des décisions de justice. Le tribunal a confirmé le caractère légal de sa collecte de décisions juridiques et condamné à 50 000 euros d’amende pour procédure abusive les éditeurs juridiques Dalloz, Lextenso, LexisNexis, Wolters Kluwer et Lexbase.
Ces derniers avaient assigné la start-up devant ce même tribunal en mars 2020 pour "concurrence déloyale", "publicité trompeuse" et "paritarisme", soit une usurpation de notoriété. Ils demandaient également 2,5 millions d’euros à la société éditrice de Doctrine, Forseti. Les éditeurs juridiques ont en outre été condamnés à verser 125 000 euros pour frais juridiques.
"Doctrine s’engage depuis 2016 pour l’accessibilite et la transparence du droit. Là où les éditeurs juridiques voyaient de la concurrence déloyale, le tribunal de commerce a constate la licéité de la collecte de plus de 10 millions de décisions opérée par Doctrine, auxquelles s’ajoute toute l’information juridique disponible", revendique la start-up dans un communiqué. L’entreprise rappelle qu’elle emploie plus de cent salariés et que 11 000 professionnels du droit lui font confiance.
Un domaine historiquement fermé et difficile d'accès
A l’époque de l’assignation de Doctrine devant le tribunal de commerce, dévoilée par Notre Temps, l’avocat des cinq éditeurs assurait que l’objectif de cette action était "de faire en sorte que dans le domaine des décisions de justice, la société Forseti respecte enfin une concurrence saine, loyale et conforme à une éthique du droit des affaires". Seules 1% des décisions de justice sont en effet disponibles en libre accès sur le net.
Les éditeurs reprochaient également à la legaltech de collecter de façon "déloyale" les décisions de justice. Une enquête du journal Le Monde en 2018 avait forcé Doctrine à reconnaître s’être adonnée au "typosquatting", c’est-à-dire l’utilisation d’adresses mails trompeuses, très ressemblantes à celles de véritables professionnels du droit, pour obtenir des décisions de justice auprès des tribunaux. Sur son site, Doctrine indique "parcourir le web en permanence" pour trouver de nouvelles décisions, disposer de partenariats avec plusieurs juridictions et collecter les décisions directement envoyées par les avocats.
L'innovation technologique n'est pas déloyale
"L'avantage concurrentiel dont a disposé Forseti résulte ainsi de son avance technologique et ne saurait être qualifié de déloyal, estime pourtant le tribunal de commerce de Paris dans son jugement. Selon Forseti, la collecte auprès des tribunaux est en outre le résultat d'un travail de terrain que les demanderesses n'ont quant à elles pas toutes engagées." Le tribunal "écarte dès lors le reproche de collecte de masse illicite auprès des tribunaux".
La legaltech voit dans la décision du tribunal de commerce une "immense victoire pour l’ouverture et la transparence du droit". "Par cette décision, le tribunal rappelle que la concurrence ne doit se faire que par les mérites et que les voies de droit ne peuvent être dévoyées pour empêcher l’arrivée de nouveaux entrants", estime la start-up. Doctrine appelle maintenant tous les acteurs du monde de la justice à tourner la page. "La justice et le droit traversent une grave crise. Il est nécessaire que tous les acteurs de ce marché collaborent pour apporter de nouvelles solutions aux défis que les professionnels du droit rencontrent", déclare la start-up.
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