Comment Amazon espère se relancer dans le commerce alimentaire
Le géant américain du commerce en ligne va se reposer davantage sur les codes traditionnels de la distribution que sur la volonté de mettre en avant des innovations technologiques.
Plus de quinze ans après ses premières initiatives dans le domaine, Amazon reste toujours un petit acteur sur le marché des produits alimentaires. Mercredi 2 août, le géant américain du commerce en ligne lance une nouvelle offensive, annonce Tony Hoggett, le vice-président chargé du commerce physique, interrogé par Bloomberg Businessweek. La tentative de la dernière chance, comme l’indique un employé au Washington Post ?
Progrès limités
Depuis 2007, Amazon a beaucoup investi pour prendre pied sur cet immense marché. D’abord en ligne, avec un service de livraison. Puis en ouvrant ses propres magasins (les supérettes Go puis les supermarchés Fresh). En 2017, la société alors dirigée par Jeff Bezos avait aussi signé un chèque de 13,7 milliards de dollars pour racheter la chaîne américaine de supermarchés Whole Foods.
Ses progrès ont pourtant été très limités. Selon les estimations du cabinet Euromonitor, sa part de marché dans les courses du quotidien ne s’élevait l’an passé qu’à 1,2% aux Etats-Unis, très loin derrière Walmart, le leader incontesté du marché. Depuis 2018, ses ventes physiques n’ont progressé que de 10%, représentant moins de 4% de son chiffre d’affaires.
Panier unique
Face à ce constat, Amazon va mettre en oeuvre plusieurs changements. Le premier va permettre, dans quelques villes américaines, à tous les internautes de passer une commande alimentaire sur ses différentes plateformes en ligne et de se faire livrer. Jusqu’à présent, ce service était réservé aux clients abonnés à son offre payante Prime, limitant donc son potentiel. La livraison sera facturée entre 8 et 14 dollars, selon le montant des achats.
À plus long terme, la société souhaite aussi unifier les paniers de ses différentes plateformes, permettant d’effectuer une seule commande en ligne, et donc une seule livraison, contenant des produits vendus par Amazon, son service Fresh ou Whole Foods. Mais cette évolution requiert une intégration poussée de plusieurs chaînes logistiques pour le moment séparées.
Nouveaux magasins
Dans ses magasins physiques, Amazon cherche une nouvelle formule. Le groupe est en train de rénover 4 de ses 44 supermarchés Fresh, en opérant un changement radical de philosophie puisqu'il se reposera davantage sur les codes traditionnels de la distribution que sur la volonté de mettre en avant des innovations technologiques (comme le paiement automatisé sans caisse).
"L'ambiance et le design sont très différents de nos magasins existants”, explique Tony Hoggett, reconnaissant que “les clients apprécient davantage une expérience lumineuse, aérée et légère". Symbole de cette nouvelle orientation : les chariots intelligents développés par Amazon, qui détectent automatiquement les articles achetés par les clients, y occuperont une place moins importante.
Licenciements
Ces annonces interviennent une semaine après une nouvelle vague de licenciements au sein de ses magasins Fresh. Selon le Washington Post, plusieurs centaines d’employés auraient été touchés, un chiffre que ne confirme pas Amazon.
En début d’année, la distribution physique avait déjà été particulièrement touchée par un vaste plan social, touchant 18 000 employés au total au sein du géant de Seattle. Amazon a également fermé plusieurs supérettes Go, son concept de points de vente sans caisse lancé en 2018. Et mis en pause l’ouverture de nouveaux magasins Fresh, même si leur construction était déjà entamée voire terminée.
Amazon se dit toujours ambitieux
"Nous n’allons pas étendre notre réseau tant que nous n’aurons pas résolu l’équation nous permettant de nous différencier et d’offrir la bonne proposition de valeur", expliquait en février Andy Jassy, son directeur général, en marge de la publication des résultats annuels. Ces mesures s’inscrivent dans la volonté de faire des économies, face au net ralentissement de la croissance du chiffre d’affaires d’Amazon.
Mais le dirigeant assurait ne pas avoir abandonné toute ambition dans le commerce physique. Interrogé par le Financial Times, il se disait toujours prêt à "mettre le paquet", à condition toutefois de trouver un bon concept lui permettant de s’imposer face aux géants de la grande distribution. Depuis le début, Amazon a surtout mis en avant ses innovations technologiques, sans parvenir à faire changer les habitudes des consommateurs.