Comment, en cinq jours, la pépite française Front a séduit le fonds légendaire de la Silicon Valley
Klervi Drouglazet, à San Francisco
Alors que la majorité des start-up ont un besoin pressant de levée de fonds, ce n’était pas le cas de Front. Des 10 millions de dollars en série A, récoltés en mai 2016 auprès de Social Capital, la jeune pousse n’en avait même pas dépensé le tiers. Et pourtant, elle vient de signer 66 milions de dollars. "C’était plutôt opportuniste et c’est toujours mieux de lever de l’argent quand on n’en a pas besoin", lance Mathilde Collin, cofondatrice de Front.
"Tout s’est fait en moins d’une semaine (juste avant Thanksgiving, NdlR). J’avais une douzaine d’investisseurs qui étaient intéressés. J’ai choisi Sequoia Capital car c’est un fonds prestigieux”, explique la PDG de 28 ans. Et c’est le moins que l’on puisse dire. Implanté depuis 45 ans dans la vallée, le légendaire fonds de capital risque a financé les étoiles de la tech américaine telles que Google, LinkedIn, Stripe ou encore WhatsApp.
Bryan Schrier, l'un des associés de Sequoia Capital que l’entrepreneuse qualifie de “gentil et intelligent”, a rejoint le conseil d’administration de la start-up. “Front a pris les défauts de l’email pour en faire des forces, et a transformé la boîte de réception en un outil puissant qui améliore l’efficacité, le périmètre et l’autonomie des équipes qui l’utilisent”, salue ce dernier, qui est également au board de Dropbox.
Mathilde Collin got 12 term sheets in one week for the Series B in her popular email app Front. Here's the custom Lego set that Sequoia partners Bryan Schreier, Doug Leone and Jess Lee spent hours building to help close the $66M deal... https://t.co/GjpItRGdQ1 pic.twitter.com/AvWeLGFOyb
— Alex Konrad (@alexrkonrad) 24 janvier 2018
Mathilde Collin adore les LEGO. Bryan Schrier (à gauche) lui a offert une construction LEGO représentant la Tour Eiffel et le Golden Gate Bridge ainsi que les logos respectifs de Front et de Sequoia Capital.
Rendre l'e-mail collaboratif
Contrairement à Slack qui veut remplacer l’email en entreprise, ce logiciel en mode SaaS veut “rendre l’email plus collaboratif, plus simple et plus efficace”, souligne Mathilde Collin. "Front centralise différents canaux de relations client (emails, tweets, messages facebook, SMS) dans une même interface". Ainsi, les adresses partagées de type “contact@company.com” ou “sales@company.com” sont visibles et gérés par l’ensemble des membres d’une même équipe directement sur Front.
Sans jamais quitter leur boîte de réception, les utilisateurs peuvent accéder en un clic à toutes les conversations passées avec un client et aux notes internes relatives à ces conversations, ou encore accéder aux données d’outils CRM (Salesforce, Jira…). L’une des fonctionnalités de la plateforme permet notamment d’assigner une conversation à un collaborateur.
"Une boîte où les gens sont contents d'aller travailler"
“J’ai toujours voulu créer une boîte depuis que je suis toute petite pour une raison assez simple : beaucoup de gens autour de moi n’aimaient pas leur boulot”, retrace la diplômée d’HEC. “Avant même de savoir dans quel domaine, je savais juste que je voulais créer une boîte où les gens sont contents de venir travailler”. Mathilde Collin découvre la planète software lors de son premier emploi chez Concord, une start-up de logiciel de gestion de contrats. “J’ai réalisé à quel point un logiciel, mis au point en quelques mois seulement, pouvait littéralement changer la manière dont les gens travaillent. Les logiciels, c’est fantastique !”
En partant du constat que “l’email a été créé pour les individus et non pas pour les boîtes”, la Française démissionne et décide de “créer un outil collaboratif et automatisé qui fait évoluer l’email en entreprise”. Front voit le jour en octobre 2013 et six mois plus tard, les deux cofondateurs Mathilde Collin et Laurent Perrin s’envolent pour San Francisco où ils rejoignent la promotion été 2014 du célèbre accélérateur Y Combinator. La suite se déroule sans accroc : une levée de fonds de 3,1 millions de dollars, auprès de SofTech, en septembre 2014 leur permet d’installer toute l’équipe dans la Silicon Valley.
Trois ans et demi plus tard, Front est utilisé par 2 500 entreprises à travers 88 pays. Parmi eux : Cisco, Shopify, General Assembly, Convoy, HubSpot ou encore LVMH. “50 % de nos utilisateurs passent exclusivement par l’interface de Front pour consulter leurs emails, à la place de Gmail ou Outlook”, note la CEO de la jeune pousse. "La moitié de nos clients sont aux Etats-Unis”. L’année passée, la start-up a traité 353 millions d’emails et de messages et a connu une forte croissance de son chiffre d’affaires (non communiqué pour le moment). “On cherche à être proche de la rentabilité tout en réinvestissant les profits pour accélérer notre croissance", affirme Mathilde Collin qui évoque une éventuelle introduction en bourse dans les années à venir.
"Recruter aussi vite que possible"
Cette dernière levée de fonds, qui porte à 79 millions de dollars le montant total des investissements, a permis à Front d’étendre ses opérations. Depuis octobre dernier, la start-up a déménagé dans des locaux san franciscains plus spacieux, situés dans le quartier de SoMa où cohabitent bon nombre de licornes californiennes telles que Pinterest ou encore Planet. Et elle a annoncé l’ouverture d’un bureau parisien le 2 janvier dernier, dirigé par Laurent Perrin, actuel CTO.
Au total, la start-up compte désormais près de 60 employés. Des effectifs qui ont doublé en à peine un an. "On a une équipe de six personnes à Paris et on essaye de recruter aussi vite que possible : entre 20 et 30 personnes d’ici la fin de l’année", précise l'entrepreneuse originaire de Palaiseau pour qui cette levée de fonds ne doit pas être vue comme "un trophée mais plutôt comme un ticket pour faire quelque chose de mieux".
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