Comment La Poste veut gagner 1 milliard d'euros grâce au numérique
Le 7 octobre, La Poste présentait les prochains projets de sa stratégie numérique.
L’occasion de confirmer qu’elle espérait tirer un milliard d’euros de chiffre d'affaires de cette transformation.
La mutation de ses process est déjà engagée, mais pour aller plus vite, La poste pourrait acheter des pure players, dans la livraison express par exemple.
Emmanuelle Delsol
La Poste est à l’unisson d’autres grandes entreprises françaises, lancée dans sa transformation numérique. Le 7 octobre, une grande partie de son comex tenait conférence de presse autour de sa stratégie et de son "accélération". Un mot martelé par le PDG Philippe Wahl, enclin à rappeler que la transformation de l’entreprise n’en est pas à ses débuts. Et de préciser, au détour d’une question, qu’il avait donné à la nouvelle branche numérique, dirigée depuis six mois par Nathalie Collin, un impressionnant objectif de chiffre d'affaires d’un milliard d’euros dans les trois prochaines années. Pour ce faire, il va investir plus de 500 millions d'euros en équipements et de 400 millions d'euros en formation des employés.
Un identifiant unique sécurisé pour tout un chacun
Si la présentation a davantage tenu de l’inventaire à la Prévert : smartphones pour 95000 facteurs d’ici à la fin de l’année et pour les guichetiers, dispositifs Beacon dans les bureaux de Poste, nouvelles apps… La Poste souhaite aussi que ses usagers utilisent directement leur propre boîte aux lettres pour l’expédition et le retour de colis de e-commerce, avec leur compte Laposte.fr.
Elle veut aussi devenir un tiers de confiance, neutre, avec un identifiant unique sécurisé (Loggin) donnant à ses usagers accès à un coffre-fort numérique. A l’intérieur, des documents à conserver longtemps, des preuves d’identité, des mots de passe. L’identifiant unique fait partie de ceux choisis par France Connect pour l’accès aux services publics.
Au premier abord, une transition numérique qui passe par l’équipement en mobiles des facteurs et guichetiers apparait de l’ordre du gadget, ou de l’anecdotique effet d’image. Mais en grattant la surface, la conception des services et produits et le process qui a abouti au déploiement des smartphones, laissent apparaître une transformation déjà en cours de La Poste.
Processus transversaux, design, études d’usage, identité numérique
Le smartphone destiné au bureau de poste, Smarteo, est un Galaxy de Samsung, tout à fait standard. En revanche, son apparence, les apps, les usages, et même la posture des postiers dans le bureau de Poste avec cet équipement, ont été étudiées. Et c’est un process transversal entre la branche numérique et la branche réseau de l’entreprise qui est à l’origine du résultat et semble être déjà familier à l’entreprise et à ses employés.
Si le Smarteo est revêtu d’une coque jaune renforcée aux couleurs et logo de la Poste, par exemple, c’est le résultat d’une réflexion transverse sur ce nouveau poste de travail mobile, qui doit être identifié en tant que tel par les clients. Un parcours le plus fluide possible est proposé à ces derniers entre espaces numérique et physique. L’usager peut suivre son colis en ligne, par exemple, puis se rendre à La Poste où le guichetier "mobile" scanne le reçu destiné à récupérer son colis et sa pièce d’identité. Une opération qui se fait dans le bureau de poste ou dans la file d’attente, mais pas forcément au guichet physique, comme dans certains commerces où il n’est plus besoin de se rendre à la caisse pour régler car les vendeurs sont équipés de smartphones utilisés comme terminaux points de vente.
L’équipe projet a travaillé sur la redéfinition du parcours client autour de ce smartphone, mais aussi réorganisé l’espace physique du bureau de Poste… Trois bureaux parisiens ont testé le pilote durant plusieurs mois. De la même façon, l’app La Poste refondue à partir de 2013, a été simplifiée. Elle regroupe un ensemble de services comme le pré-affranchissement de colis, l’achat de timbres, etc. Mais elle a aussi servi de point de départ pour la définition d’une identité visuelle numérique pour l’ensemble du groupe et de ses services.
Des start-up incubées, des start-up accompagnées, des start-up achetées
Les jeunes pousses technologiques semblent aussi désormais faire partie intégrante de la démarche. Comme d’autres grands, La Poste est déjà dotée d’un incubateur. Elle a aussi lancé un concours dont les 15 start-up gagnantes feront partie du voyage désormais rituel au CES de Las Vegas en janvier (un concours entre facteurs est d’ailleurs également organisé. Ceux d’entre eux dont les idées auront interpelé le jury partiront dans les valises de l’expédition américaine).
La Poste n’exclut pas non plus d’acquérir des jeunes pousses pour progresser. Paul-Marie Chavanne à la tête de Geopost, filiale livraison express du groupe, explique que dans les semaines à venir, l’entreprise pourrait annoncer l’absorption d’une start-up "de type Uber". Et il s’explique. "Bien sûr, l’uberisation est en marche dans notre métier. Il n’y a aucun doute". Uber a par exemple lancé son service de livraison à vélos Uber Rush. "C’est du crowd shipping (livraison par la multitude, ndlr), explique le patron de Geopost. De la mise en relation de personnes prêtes à réaliser des petites livraisons de façon personnalisée, répondant à des demandes précises. L’opposé des Postes, en général, et des "expressistes" (spécialistes de la livraison express, ndlr), qui massifient le traitement des colis, la collecte, le tri et la distribution. Bien sûr, c’est une menace, mais aussi une opportunité ! A nous d’aller à la conquête de marchés nouveaux." En achetant un Uber de la livraison express, peut-être donc.
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