Comment la réalité virtuelle a transformé les méthodes de travail des designers de Hyundai
Les constructeurs automobiles ont été parmi les premiers à percevoir le potentiel de la visualisation en réalité virtuelle et à s'en emparer. L'Usine Digitale a pu visiter le centre de design de Hyundai à Munich pour découvrir son premier concept car à avoir été conçu de cette manière.
Le constructeur automobile coréen Hyundai nous a ouvert les portes de son centre de design basé à Munich en Allemagne. Il y présentait ses innovations dans la conception automobile grâce à la réalité virtuelle. Le projet qui cristallise cette ambition est le concept car Seven, présenté pour la première fois au salon AutoMobility de Los Angeles en novembre 2021. Ce SUV électrique a pour but d'informer l'avenir de la marque Ioniq, et a été conçu en grande partie en VR.
Mais la voiture n'était pas physiquement présente sur site lors de notre visite fin mars 2022. Elle se trouvait encore aux Etats-Unis. Comment en faire l'expérience malgré tout ? En réalité virtuelle, bien sûr. Hyundai avait prévu deux espaces de démonstration pour l'occasion : l'un dédié à l'intérieur du véhicule et présenté par Thomas Bürkle, Chief Designer du centre de design de Munich, l'autre focalisé sur l'extérieur et dirigé par Simon Loasby, Vice President et Head of Styling pour Hyundai.
Une salle dédiée pour une visualisation "roomscale" jusqu'à 10 personnes
Petit détail supplémentaire : Simon Loasby n'était pas sur place non plus. Il intervenait depuis le centre de design coréen de Hyundai (situé à Séoul). La démonstration se tenait dans une salle nouvellement construite et dédiée à la revue de conception. Elle est équipée d'une quarantaine de caméras OptiTrack qui permettent à jusqu'à 10 personnes de collaborer simultanément en roomscale sur une superficie d'environ 500 mètres carrés.
Lors de notre visite, les participants enfilaient un sac à dos HP VR Backpack G2 et un casque Reverb G2. Ils pouvaient ensuite voir Seven au milieu de la pièce et en admirer les différents détails tout en bénéficiant des explications de Simon Loasby, par exemple sur la signification du "pixel", qui est central au design du véhicule et s'inspire d'un caractère de l'écriture coréenne (hangûl), ou l'inspiration d'une ligne de démarcation sur la carrosserie, basée sur le vêtement traditionnel, le hanbok. Chaque participant, sur place ou à distance, apparaît sous forme d'avatar afin d'éviter les collisions. La maquette 3D de Seven est légèrement interactive, ce qui permet par exemple au guide d'en ouvrir les portes.
Outre ces capacités de réalité virtuelle, la pièce dispose d'un écran géant pour faire de la visioconférence. De quoi permettre aux designers des différents studios d'échanger entre eux. Hyundai possède trois centres sur trois continents (le troisième est à Irvine, en Californie), ce qui rend possible de travailler sur un modèle 24h/24, les concepteurs se passant le relais. Une façon de compresser le temps nécessaire à l'élaboration de nouvelles créations. Simon Loasby nous a aussi précisé qu'il se déplace désormais avec une "valise VR" qui lui permet de faire des revues de conception de plus ou moins n'importe où, même lorsqu'il voyage.
Faire l'expérience d'un concept car depuis un autre continent
La démonstration de l'intérieur de Seven avait lieu dans une autre pièce. Les journalistes pouvaient s'y asseoir à trois et étaient projetés à l'intérieur du concept car via des casque Varjo XR3. On y trouvait là aussi une interactivité basique avec différents éléments de l'habitacle, dont le design futuriste se rapproche d'un salon avec une banquette à l'arrière. La haute résolution de ces casques permettait d'apprécier pleinement la qualité des matériaux utilisés. Il était possible de changer d'environnement extérieur, soit en voyant le monde réelle via la fonctionnalité de passthrough du XR3, soit en testant différentes ambiances auxquelles s'adaptait le plafond de la voiture (par exemple montrant la voute céleste de nuit).
Si la réalité virtuelle est utile pour effectuer ce genre de présentation à la presse sans avoir à déplacer le concept car par bateau d'un continent à l'autre, sa vraie valeur se situe dans la conception elle-même. Les équipes de Hyundai travaillent sur Autodesk VRED et peuvent faire de la visualisation VR à la volée directement dans le logiciel. Cette capacité de revue de conception immersive à l'échelle 1:1 leur fait économiser du temps et de l'argent en remplaçant les traditionnelles maquettes en argile, qui sont longues et coûteuses à produire.
Plus que 20% de la validation faite sur maquettes en argile
Le centre de design de Munich possède toujours une dizaine de stations de fraisage pour créer des maquettes physiques, que nous avons pu voir lors d'une rare visite des locaux (récemment rénovés) dirigée par Thomas Bürkle. Il nous a expliqué que la validation des maquettes se fait désormais à 80% en numérique et 20% en physique. La validation finale nécessite évidemment toujours une maquette en taille réelle (de trois tonnes !), mais la majorité des étapes intermédiaires se font en numérique. Auparavant trois ou quatres maquettes physiques 1:1 étaient produites pour l'intérieur et l'extérieur de la voiture, sans parler des modèles réduits.
En plus de gagner du temps, la revue de conception numérique confère plus de marge de manœuvre aux équipes pour tester des hypothèses et laisser libre cours à leur créativité. Les designers ne sont plus limités par la capacité de production des maquettes en argile, qui sont beaucoup plus difficiles à modifier une fois produites. Elle facilite aussi énormément la collaboration entre les trois centres de design, tout en limitant les émissions de CO² car elle réduit les voyages d'affaires.
Thomas Bürkle, Chief Designer du centre de design de Munich
Cela a d'ailleurs joué un rôle crucial durant la pandémie. L'utilisation de la réalité virtuelle a débuté en 2015 au centre de Munich, et a permis aux designers de continuer à collaborer sans problème même avec les restrictions sanitaires. C'est notamment grâce à cela que Seven a pu être conçu. Hors revue, la conception en elle-même se fait toujours majoritairement sur écran plat, la visualisation VR servant surtout à s'assurer qu'aucun défaut n'est passé inaperçu et que le modèle correspond bien au style recherché sous divers angles de vues.
Il s'agit d'une capacité supplémentaire, au même titre que l'impression 3D (une imprimante haute performance se trouve dans les locaux), mais qui ne remplace pas les méthodes classiques ou la créativité humaine. Composé de 10 personnes à sa création en 2005, le studio de Munich en compte 65 aujourd'hui.