Comment TeQuantS prépare la cybersécurité des communications quantiques

Initiateur et coordinateur du programme TeQuantS, Cyrille Laborde, responsable des communications optiques et quantiques de Thales Alenia Space, est intervenu sur les usages de l’internet quantique le 14 mars à La Haye (Pays-Bas) lors de la 8ème conférence "Inside Quantum Technology". Il nous explique les objectifs de ce projet en matière de cybersécurité et des communications de demain entre les satellites et la Terre.

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Comment TeQuantS prépare la cybersécurité des communications quantiques

L'Usine Digitale : Comment est né le projet TeQuantS, piloté par Thales Alenia Space ?

Cyrille Laborde
: TeQuantS vise deux cas d’usages fondamentaux pour les communications quantiques du futur. Le premier concerne les clés cryptographiques qui sécuriseront et rendront inviolables les échanges grâce à la physique quantique. De plus en plus d’études démontrent que les protections classiques deviendront vulnérables aux attaques potentielles d’ordinateurs quantiques. Cet axe de cryptographie est le plus poussé par l’Europe car il doit aider à défricher tous les principes de fonctionnement terrestres ou spatiaux des flux d’informations quantiques.

Le deuxième cas d’usage découle du besoin de créer des réseaux d’information quantiques pour accompagner la généralisation prochaine des ordinateurs et capteurs quantiques et leur permettre de communiquer entre eux… Ce champ d’application reste à construire. Mais on sait d’ores et déjà qu’il correspondra à un besoin chez tous types de clients finaux, d’abord, vraisemblablement à des fins de recherche, puis à terme pour des applicatifs commerciaux. Ce réseau nécessite des technologies. La plupart existe déjà en laboratoires. L’enjeu de TeQuantS consiste à les faire monter en maturité pour qu’elles deviennent opérationnelles et compatibles dans leurs environnements d’utilisation, dans l’espace et sur la Terre.

En quoi TeQuants peut-il accélérer le pas vers cet objectif ?

Sur les clés quantiques, il y a eu beaucoup d’investissements et de développements dans le cadre des coopérations européennes. On peut aboutir assez rapidement, en quelques années, à des systèmes sécurisés de distribution quantique. Pour les communications sécurisées longue distance par satellite sur un réseau internet quantique, l’échéance se situe plutôt autour de 2030. Le consortium travaillera simultanément sur les deux sujets.

Comment avez-vous repéré les acteurs porteurs de solutions dignes d’intégrer ce consortium ?

Le projet est né sous l’impulsion du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES). TeQuantS rassemble essentiellement des entreprises et structures de recherche françaises. Thales Alenia Space a mobilisé les ressources repérées dans le cadre de nos travaux sur les communications optiques par laser. Nous avons intégré à peu près tous les acteurs de cet écosystème dont plusieurs basés en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Bertin Technologies, Miratlas, Sigmaworks, OGS Technologies, Université Côte d’Azur…). Il a simplement fallu trouver un équilibre sur la répartition des rôles.

Comment s’organisent les différentes phases du projet ?

La première phase, en cours pour une durée d’un an, consiste à définir et inventorier les besoins concrets des industriels associés et notamment des deux maîtres d’œuvre Thales Alenia Space et Airbus Defence and Space. Nous les mettrons en commun et les communiquerons aux start-ups et PME du consortium afin qu’elles disposent d’une feuille de route précise pour concevoir et construire les différentes briques technologiques. Tout le monde est déjà en ordre de bataille. La deuxième phase de 18 mois visera à atteindre le degré de qualification et d’industrialisation qui permettra d’embarquer sur satellite ces solutions technologiques.

Vous ambitionnez donc de parvenir à un système opérationnel à l’issue de cette collaboration ?

L’objectif post-TeQuantS est de lancer un programme Quantum Information Network (QINs) Satellite pour réaliser les premières distributions de ressources quantiques sur des récepteurs au sol. C’est le premier volet. Le deuxième est de servir les objectifs européens de constellation européenne de satellites de sécurisation des communications et de l’internet, comme Saga (Security And cryptoGrAphic) ou Iris2 (infrastructure de résilience, d'interconnectivité et de sécurité par satellite). TeQuantS aidera à positionner les industriels français à la pointe de ces technologies au moment où elles seront embarquées sur les satellites européens.

Combien de personnes travaillent sur le projet ?

Sur l’ensemble des acteurs, une cinquantaine de personnes interviennent. En 1ère phase, le budget s’élève à environ 10 millions d’euros dont 7,5 millions d’euros apportés par l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et 2,5 millions d’euros représentant les 25% de contributions autofinancées de chaque membre du consortium. D’ici un an, nous communiquerons les premières avancées de nos travaux.

Qu’attendre des développements à plus long terme en termes d’applications ?

Aujourd’hui, les ordinateurs quantiques sont des machines de très grande taille, à l’image des premiers ordinateurs des années 60. Réussir à les mettre en réseau va démultiplier leurs capacités pour des applications dans la chimie, la médecine, l’énergie… Certaines problématiques scientifiques actuelles demeurent difficiles à résoudre en raison de l’impossibilité de modéliser des réactions chimiques de molécules les unes avec les autres ou, dans le médical, des interactions de cellules...

L’informatique quantique permettra de les anticiper au lieu de passer par l’expérience. C’est un champ exceptionnel de recherche qui s’ouvre. Quant à la cybersécurité quantique, elle va se déployer dans les institutions, la défense, les transactions financières… bien avant qu’elle ne concerne le simple citoyen.

TeQuantS en quelques mots

TeQuantS est l’acronyme de Technological development for space-based Quantum reSource Distribution. Il fait l’objet d’un contrat entre l’Agence Spatiale Européenne et Thales Alenia Space pour développer les technologies de communications quantiques entre l’espace et la Terre qui permettront demain au groupe de réaliser des satellites et stations sol optiques. Le consortium réunit aussi les expertises de Airbus Defence and Space (systèmes quantiques), des start-ups et PME Alpao (optique adaptative), Aurea Technology (équipements et composants quantiques), Bertin Technologies (systèmes optomécaniques), Miratlas (métrologie du canal atmosphérique), OGS Technologies (stations sol optiques de communications), QTLabs (distribution de clés quantiques), Sigmaworks (synchronisation du canal quantique) et les laboratoires LIP6/Sorbonne Université (systèmes quantiques) et INPHYNI – Université Côte d’Azur/ CNRS (systèmes quantiques).

 

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