Comprendre "Mon espace santé", le carnet de santé numérique, en trois questions
C'est le grand jour : Mon espace santé est officiellement lancé ce jeudi 3 février. Chaque assuré peut ouvrir un compte lui permettant de stocker ses données de santé (ordonnances, résultats d'examen...) et échanger avec ses professionnels de santé. Un calendrier et un catalogue d'applications certifiées seront disponibles dans un second temps. L'Usine Digitale revient sur ce nouveau service public qui doit encore faire ses preuves sur le terrain.
C'est une petite révolution dans le système de santé français. Ce jeudi 3 février est officiellement lancé "Mon espace santé", une sorte de carnet de santé numérique. "Ce nouveau service public est issu de trois ans de travail avec une volonté des pouvoirs public – l'Etat et l'Assurance maladie – de reprendre la main sur les sujets du numérique en santé en France", a déclaré Dominique Pon, responsable ministériel au numérique en santé. Mon espace santé s'inscrit dans la feuille de route "Accélérer le virage du numérique en santé" présentée en 2019.
Mon espace santé répond à la problématique suivante : les données de santé des Français sont aujourd'hui éparpillées et souvent conservées de manière non sécurisée. "Ces dernières années, nous n'avons pas été capables de rassembler ces données pour les restituer à chaque usager du système de santé", a expliqué Dominique Pon. Ce qui provoque "des ruptures dans les parcours de soin" car les informations circulent mal entre les professionnels de santé qui ne disposent pas de logiciels interopérables.
1- Mon espace santé, c'est quoi ?
Il s'agit d'un espace numérique individuel accessible sur le site https://www.monespacesante.fr/ via smartphone, tablette et ordinateur. Une application mobile devrait être disponible mais sa date de lancement n'est pas encore connue.
L'espace propose deux services : un dossier médical et une messagerie sécurisée. Le dossier médical est le successeur du "dossier médical partagé" (DMP) qui a connu de nombreux échecs. Il permet de stocker et d'accéder aux informations et documents de santé, tels que les ordonnances, les comptes rendus d'hospitalisation ou encore les examens médicaux. Les assurés peuvent également renseigner leur profil médical en inscrivant leurs antécédents familiaux, leur vaccination, leurs allergies…
Concernant l'alimentation de la plateforme, le contenu des DMP (pour les personnes en ayant un) est automatiquement inscrit dans le dossier médical. Pour le reste, il faut distinguer deux cas : lorsque le professionnel de santé a déjà un logiciel compatible avec Mon espace santé, les informations y sont automatiquement versées ; à défaut, le patient doit le faire lui-même à l'issue d'une visite médicale ou d'une hospitalisation.
Dans le cadre du Ségur du numérique en santé, une procédure de labellisation des logiciels métiers est en cours d'élaboration. "L'objectif est de passer de 10 millions de documents échangés annuellement en 2021 en France à 250 millions par an d'ici à fin 2023", a déclaré Laura Létourneau, déléguée ministérielle au numérique en santé. Pour réussir ce pari, les logiciels doivent également être compatibles avec "'l'identité nationale de santé" (INS) et "Pro Santé Connect" (l'équivalent sectoriel de France Connect).
Le second service est une messagerie sécurisée. Elle permet au patient d'échanger avec les professionnels de santé et aux professionnels de communiquer entre eux. L'idée est toujours la même : imposer un seul outil "souverain" pour éviter que les professionnels utilisent des messageries non conformes, "comme WhatsApp", s'est désolé Dominique Pon.
Par la suite, Mon espace santé intégrera deux nouvelles briques : un agenda qui rassemblera les rendez-vous médicaux ainsi qu'un catalogue de services et d'applications de santé référencées par les pouvoirs publics.
2- L'ouverture d'un compte est-elle obligatoire ?
65 millions de courriers et d'emails vont être envoyés aux assurés entre le 3 février et le 28 mars 2022. Sans refus de leur part dans les six semaines à compter de la réception du courrier ou de l'email, un espace sera automatiquement créé. A partir d'aujourd'hui, ils peuvent également en créer un directement sans attendre grâce à leur numéro de sécurité sociale et d'un code provisoire. A tout moment, il est possible de revenir sur son choix initial. Cette stratégie d'opt-out a été choisie pour éviter les refus et convaincre le maximum de personnes.
Une fois le compte créé, pour se connecter, il faut indiquer un identifiant et un mot de passe (préalablement choisis). A chaque connexion, la personne reçoit un code d'accès de 6 chiffres valable pendant 15 minutes, par email ou SMS.
3- Faut-il s'inquiéter d'un tel stockage des données de santé ?
Le spectre du Health Data Hub hantera-t-il Mon espace santé ? Ce n'est pas Microsoft Azure qui a été choisi pour héberger les données de santé mais Santeos, filiale de l'entreprise française Wordline, pour les données du dossier médical partagé (DMP) et Atos pour toutes les autres données de Mon espace santé. Comme la loi l'exige, tous deux sont hébergeur de données de santé (HDS).
A priori, les risques d'accès aux données par des Etats tiers sont donc écartés. Mais ce n'est pas le seul risque à prendre en compte : la centralisation d'informations sensibles soulève la problématique de la sécurité informatique. Pour l'heure, le gouvernement n'a pas publiquement communiqué sur ce sujet (est-ce la messagerie sécurisée bénéficie du chiffrement de bout en bout, qui à accès aux données...).
Les exemples d'incidents de sécurité importants dans la santé ne sont pas rares. En septembre dernier, on apprenait que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) avait été victime d'un vol de données touchant 1,4 millions de patients. Les informations dérobées incluaient l'identité, le numéro de sécurité sociale et les coordonnées des personnes testées pour le Covid-19 ainsi que l’identité et les coordonnées des professionnels de santé chargés de l'examen, les caractéristiques et le résultat du test réalisé.
A l'épreuve du terrain
Mon espace santé doit donc faire ses preuves auprès des patients mais également des professionnels de santé qui devront s'approprier cet outil. L'absence d'interopérabilité entre la plupart des logiciels métiers est également un défi majeur à résoudre rapidement pour que cette plateforme fonctionne. Il serait fortement dommage que Mon espace santé subisse le même sort que le Dossier médical partagé.
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