Contre les soupçons de corruption, l'Argentine vote le libre accès à ses données publiques
Le gouvernement du président argentin Mauricio Macri se donne quinze mois pour mettre en place une plateforme numérique de traitement des requêtes citoyennes concernant son emploi du budget.
La province de Jujuy, qui a réglementé sa propre loi sur l’open data administrative en juin dernier, sert de pilote au pouvoir exécutif national.
Quinze ans de travail parlementaire et associatif à Buenos Aires ont abouti à la promulgation d’une loi de libre accès aux données publiques. Celle-ci a été votée par les députés et sénateurs argentins, le 14 septembre 2016. Un décret datant de 2003 en avait déjà établi le principe, même si le libre accès s’avérait tortueux dans les faits et circonscrit à l’action du gouvernement national.
Rendre des comptes aux citoyens
Ce sera toujours le cas. Mais, révolution numérique oblige et aussi parce que le dicton "Dieu est argentin mais reçoit à Buenos Aires" circule toujours, c’est l’ensemble des administrations publiques de l’Argentine, soit 2 296 municipalités, 22 provinces et la ville de Buenos Aires, qui sont appelées, tôt ou tard, à rendre des comptes à un citoyen encore souvent obnubilé par l’image du politique corrompu. Le gouvernement national, lui, se donne un an pour appliquer la loi, c’est-à-dire créer une plate-forme numérique de traitement des requêtes citoyennes, et trois mois supplémentaires pour son rodage technique, selon diverses sources consultées lors du forum "Argentine ouverte" organisé le 28 septembre par le ministère de la Modernisation de l’État au parc d’exposition Tecnópolis, situé en périphérie de Buenos Aires.
Pionnière en matière d’open data dans le secteur public, la province de Jujuy, située tout au nord du pays, sert de test au parti de centre-droit au pouvoir, Cambiemos, avant l’implantation au niveau national. Le gouverneur de Jujuy, Gerardo Morales, y a entériné une loi de libre accès aux données publiques immédiatement après son élection en décembre dernier. La jeune directrice de l’organisme de Transparence et Gouvernement ouvert de Jujuy, Florencia Ovejero, chargée d’appliquer cette loi, révèle qu’elle a déjà reçu "une cinquantaine de requêtes citoyennes concernant les salaires des élus et salariés, le budget et le statut juridique des organisations."
Son service travaille conjointement avec une "Unité d’informations de gouvernement ouvert" constituée par un représentant de chacun des treize organes du pouvoir exécutif de la province, ainsi que de quinze organismes décentralisés, dont la Cour des comptes de Jujuy. "Nous avons simplifié les procédures administratives mais le papier n’a pas pour autant disparu, précise-t-elle. Notre délai pour y répondre est de quinze jours, au-delà duquel le demandeur peut porter plainte."
Le président reste souverain
Si le président de la République, Mauricio Macri, n’a pas pu ou pas voulu opposé son veto à une telle loi, il restera cependant maître à bord. La député rapporteur de la loi nationale, Karina Banfi, raconte en effet que lors des débats parlementaires ayant abouti à son vote, les pierres d’achoppement ont été l’idonéité du titulaire de l’organe de contrôle de la future plate-forme numérique nationale, le régime des exceptions (sécurité, secret financier, etc.) et le rôle du Sénat dans l’accès aux données publiques et leur définition. La loi prévoit aussi la création d’un Conseil fédéral d’accès à l’information comme organisme de garantie.
Marc-Henry André, à Buenos Aires
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