Covid-19 : Le Conseil d'Etat interdit l'usage des caméras thermiques dans les écoles

La commune francilienne de Lisses doit immédiatement retirer les caméras thermiques installées dans plusieurs écoles pour sécuriser le déconfinement. Saisi par la Ligue des droits de l'Homme, le Conseil d'Etat estime que ces dispositifs violent la vie privée des élèves et du personnel qui n'ont pas le choix de se soumettre à une prise de température pour rentrer dans les locaux.

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Covid-19 : Le Conseil d'Etat interdit l'usage des caméras thermiques dans les écoles

Le Conseil d'Etat a ordonné le 26 juin à la commune de Lisses dans l'Essonne de cesser l'usage des caméras thermiques déployées dans les écoles dans le cadre du Covid-19. Il estime que la collectivité porte une atteinte disproportionnée à la vie privée des élèves et du personnel qui comprend le droit à la protection des données et la liberté d'aller et venir. Le juge administratif avait été saisi par la Ligue des droits de l'Homme.

La collectivité territoriale avait installé une caméra thermique fixe à l'entrée d'un bâtiment municipal et des caméras thermiques portables dans les bâtiments scolaires et périscolaires. La prise de température devait permettre de détecter les usagers potentiellement infectés par le Covid-19.

Le refus conditionne-il l'entrée ?
Dans son ordonnance, la plus haute juridiction administrative applique un raisonnement différent à chacun de ces dispositifs. En effet, il note que dans le bâtiment principal, les personnes n'ont pas à se soumettre à la prise de température car elles ont le choix de "se placer ou non dans l'espace" dédié et le refus n'empêche pas l'accès aux locaux. En conséquence, l'usage de cette caméra est légale.

A contrario, les caméras thermiques placées dans les écoles doivent immédiatement être retirées. Le Conseil d'Etat constate que la prise de température conditionne l'entrée dans l'établissement pour les élèves, les enseignants et les personnels. "Un résultat anormal entraîne l’obligation pour eux de quitter l’établissement", note le juge.

Il en déduit que cette collecte de données de santé constitue un traitement automatisé de données personnelles au sens du Règlement général sur la protection des données (RGPD). En l’absence de texte justifiant l’utilisation de ces caméras pour des raisons de santé publique et en l’absence de consentement des élèves et du personnel, les conditions ne sont pas remplies pour permettre un tel traitement des données.

Un déploiement incontrôlé
Le déploiement des caméras "intelligentes" s'est accéléré avec la pandémie de Covid-19. La Régie des transports parisiens (RATP) en a installé à la station Châtelet pour quantifier le nombre de voyageurs porteurs de masque. La ville de Cannes utilisait un dispositif similaire dans trois de ses marchés. De son côté, l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle s'est doté de 12 caméras thermiques installées à l'arrivée des vols internationaux pour détecter les passagers fiévreux.

Notons premièrement que la température corporelle n'est pas un indicateur fiable d'une contamination car la fièvre n'est pas toujours présente chez les malades et elle peut être masquée par des médicaments. Le Haut Conseil de la Santé Publique s'est même prononcé contre ce type de contrôle à l'entrée des lieux accueillant du public.

Au-delà de son inefficacité, ces dispositifs soulèvent des problématiques liées à la protection de la vie privée. Consciente des risques, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a publié une alerte. Elle explique que la majorité de ces caméras ne respecte pas le cadre légal applicable à la protection des données personnelles bien que leurs finalités soient "légitimes". Curieusement, le gendarme de vie privée n'ouvre aucune procédure ni ne menace de sanctionner. Quelques jours plus tard, la RATP et la ville de Cannes ont néanmoins mis fin aux expérimentations.

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