Dans le conflit commercial entre la Chine et les Etats-Unis, les puces électroniques sont le nerf de la guerre

Alibaba a présenté mercredi 25 septembre 2019 une nouvelle puce, pensée pour l'IA. Symptomatique de l'appétit grandissant des entreprises chinoises pour la conception électronique, cette annonce découle aussi des pressions de l'administration américaine pour prendre le dessus sur Pékin au travers d'interdictions commerciales. Les Etats-Unis, qui cherchent à lui bloquer l'accès aux brevets occidentaux, pourraient voir cette stratégie se retourner contre eux.

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Dans le conflit commercial entre la Chine et les Etats-Unis, les puces électroniques sont le nerf de la guerre

Si la guerre commerciale Etats-Unis/Chine était un jeu d’échecs, les puces électroniques en seraient le roi. La pièce maîtresse à abattre, tant elle est stratégique. En matière technologique, cette dernière représente l’élément sans lequel il est impossible de concevoir – et, donc, de vendre – des appareils électroniques. Huawei l’a bien compris.

Depuis l'annonce de l’administration Trump de son intention d’interdire aux entreprises américaines de commercer avec lui, au printemps, le fabricant traverse une période de turbulences. Les Etats-Unis semblent vouloir maintenir la distance avec un pays qui s’affirme chaque jour un peu plus comme leur principal concurrent pour les décennies à venir.

UNE LENTE PRISE DE CONSCIENCE

L’attention s’est à l’époque largement portée sur le risque pour le constructeur de perdre le droit d’utiliser Android, le système d’exploitation mobile de Google. Pourtant, c’est bien au niveau de l’électronique que Huawei a eu un coup de chaud – le Chinois a depuis présenté un OS maison, baptisé Harmony. Maillon essentiel à sa chaîne de fabrication, le concepteur britannique ARM a, un temps, décidé de se conformer à la décision américaine. Or, sans le droit d'exploiter les micro-architectures de ce dernier, la marque au lotus aurait été dans l’incapacité de produire ou de faire tourner un smartphone. Littéralement de quoi sonner l’hallali.

Cet épisode a participé à une prise de conscience chez les entreprises chinoises. Malgré leurs récents efforts en la matière, elles restent extrêmement dépendantes des technologies occidentales. Ces dernières ont, pour la plupart, demandé des années de développement. Un lourd investissement qui, naturellement, est par la suite protégé par le biais de brevets. Si les entreprises chinoises se sont laissé "piéger" en se contentant d’accords au cas par cas sur le partage de technologies, le déclic a finalement eu lieu.

Les puces chinoises se multiplient

Depuis quelques mois, elles annoncent à tour de rôle de nouvelles puces électroniques de leur propre conception. Une manière de prendre de la distance avec un système, devenu historique, qui ne leur apporte pas les garanties nécessaires pour soutenir leur croissance de manière pérenne à l’heure de l’affrontement avec les Etats-Unis. Pas plus tard que ce mercredi 25 septembre, Alibaba a levé le voile sur Hanguang 800.

Cette puce, pensée pour accélérer les calculs liés au machine learning, affiche d'après l'entreprise une puissance théorique jamais atteinte par l’industrie. Le géant du net assure que sa dernière invention permet de "réduire le temps nécessaire pour trier un million d’images à cinq minutes" – contre une heure auparavant. De quoi optimiser ses services cloud, des sites e-commerce à la recommandation personnalisée ou la traduction automatique.

Trois semaines plus tôt, Huawei profitait de l’IFA de Berlin pour présenter son processeur Kirin 990. Si ce dernier repose encore sur l’architecture ARM, il vient consolider un peu plus l’expertise du fabricant – qui n’en est pas à sa première dans le domaine – en matière de puces électroniques. Et lui permet de prendre de la distance par rapport aux technologies occidentales, notamment celles de l'Américain Qualcomm. Kirin 990 équipe notamment le nouveau flagship de la marque au lotus, le Mate 30, présenté il y a tout juste une semaine.

L'arroseur sera-t-il arrosé ?

Et les Chinois n’entendent pas partager le fruit de leurs efforts. Alibaba a annoncé qu’il n’était pas question pour lui de "vendre [sa] nouvelle puce" à d’autres acteurs du marché, mais plutôt de s’en réserver l’usage pour "renforcer son cloud computing". Une stratégie similaire à celle de Google et ses TPU, et qui tranche avec l'approche de Microsoft ou Baidu, qui préfèrent s'appuyer sur des partenaires spécialisés. En l'occurrence, Baidu, grand rival d'Alibaba dans le cloud, est un proche partenaire d'Intel Nervana pour l'accélération du deep learning dans le cloud.

Les décisions prises par la Maison-Blanche pourraient déstabiliser un peu plus encore une filière en proie aux difficultés – avant la crise, le cabinet IDC anticipait déjà une baisse du marché de 7,4 % en 2019. Et les ressources en métaux contenus dans les terres rares, indispensables à la fabrication des composants, proviennent aujourd'hui à 90 % de Chine. La situation n’est clairement pas figée. Et la stratégie de Donald Trump pourrait peut-être même finir par se retourner contre lui.

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