Datacenters : les opérateurs peu enclins à "s'effacer"
Les datacenters pourraient bien être contraints cet hiver de "s’effacer", c’est-à-dire de basculer du réseau électrique vers leurs propres groupes électrogènes, plus polluants, en cas de forte tension énergétique. La filière compte bien tout faire pour ne pas en arriver là, et s’engage à réduire sa consommation.
Mathieu Pollet
Le gouvernement français a présenté la semaine dernière son plan de sobriété énergétique avec un objectif clair : une réduction de 10% de la consommation d'énergie du pays d'ici à 2024. Le secteur du numérique – responsable de près de 10% de la consommation d’énergie en France d'après RTE – devra lui aussi contribuer à cette ambition.
La filière des datacenters s’engage notamment à limiter son recours à la climatisation nécessaire au refroidissement des serveurs avec un passage, lorsque c’est possible, de 21 à 23 °C dans les salles. Cette baisse devrait permettre de diminuer leur consommation d’énergie de l’ordre de 7 à 10%, selon les chiffres de France Datacenter, l’association professionnelle qui regroupe la plupart des opérateurs de la filière, dont Amazon Web Services et Orange par exemple.
Forcés à se couper du réseau
Mais, dans le cas où la tension sur le réseau électrique serait insoutenable cet hiver, les datacenters pourraient très bien être forcés à "l'effacement", a rappelé cette semaine le ministre délégué au Numérique, Jean-Noël Barrot, sur Europe 1.
L’effacement est un mécanisme prévu par la loi lorsqu’il y a une “menace grave et imminente sur la sécurité d'approvisionnement en électricité” et qui oblige les entreprises désignées à se déconnecter temporairement du réseau électrique pour le soulager en cas de pic de consommation. À la place, ces entreprises ont recours à des groupes électrogènes, souvent alimentés au fioul ou au biodiesel, pour maintenir leur approvisionnement en électricité.
Pas de "gaieté de coeur"
Une solution contraignante, avant celle, en dernier cours, du délestage, que l’industrie accueille avec frilosité. "L’effacement, ce n’est pas du tout un engagement, ça nous a été imposé", a déclaré Géraldine Camara, déléguée générale de France Datacenter, à L’Usine Digitale, précisant que la demande avait été faite par RTE, le responsable du réseau public de transport d'électricité en France, en juillet dernier.
Si la filière accepte de voir ce dispositif comme une “contribution à l’intérêt général”, elle ne s’exécutera pas "de gaieté de cœur", a souligné Mme Camara, en raison des contraintes techniques lourdes et du recours forcé à une énergie plus polluante. L’industrie est ainsi prête à “tout faire pour réduire la consommation des centres de données plutôt que de les faire tourner sur une énergie fortement carbonée”, a insisté le PDG d’OVHcloud, adhérant de France Datacenter, dans Les Échos.
"Ce n’est pas une solution idéale, de long-terme", a bien voulu reconnaître Jean-Noël Barrot, en raison du bilan carbone de cette “roue de secours”. Les opérateurs des datacenters attendent en revanche deux garanties de la part de l’État : la sécurisation de leur approvisionnement en fioul pour être sûr de faire fonctionner ces “roues de secours” et le maintien du mécanisme d’ajustement qui donne lieu à une contrepartie financière sur les marchés de l’énergie en cas d’effacement.
Souveraineté numérique
Si l’effacement des datacenters est "possible techniquement", Mme Camara regrette que ces infrastructures ne soient pas davantage considérées comme des "outils de souveraineté numérique". Elle précise par ailleurs que la filière n’a pas obtenu la garantie d’être exemptée de délestage, en cas de situation critique, même si certains datacenters devraient vraisemblablement être épargnés, le cas échéant, en raison de leur caractère indispensable au fonctionnement de l’économie et des administrations.
D’ici là, et dans l’espoir que ce scénario ne se produise pas, les opérateurs ne comptent pas relâcher leurs et veulent continuer à innover pour devenir moins énergivores, en électricité et en eau, pour l’hiver qui arrive, mais aussi tous les prochains. France Datacenter mise enfin beaucoup sur la sensibilisation. La semaine dernière, l'association a signé la charte "Ecowatt", proposée par RTE et l’Ademe, pour promouvoir l’adoption d’écogestes parmi ses membres. Sans compter que le secteur lui-même n'est pas épargné par l'explosion des prix de l'électricité.
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