"Einstein, c'est le data scientist que les entreprises ne peuvent pas forcément s’offrir", Jim Sinai (Salesforce)
Depuis 6 ans chez Salesforce, Jim Sinai s’occupe du marketing de la plate-forme. Il a décrypté en exclusivité pour L’Usine Digitale la stratégie de Salesforce en matière d’intelligence artificielle qui a pris le nom d’Einstein.
L’Usine Digitale : Comment décririez-vous votre offre Einstein d’intelligence artificielle ? Est-ce une plate-forme supplémentaire dans l’offre de Salesforce ?
Jim Sinai : Non, ce n’est pas une plate-forme de plus. il s’agit vraiment de proposer un ensemble de technologies d’intelligence embarquées dans la plate-forme Salesforce, en commençant par le Service Cloud. Einstein a deux objectifs principaux. D’abord, fournir des applications les plus intelligentes possibles à nos clients. Et ensuite, leur ouvrir les technologies pour qu’ils construisent eux-mêmes des applications à haut potentiel,
Beaucoup d’entreprises, en particulier ici, dans la Silicon Valley, ont des plates-formes d’intelligence artificielle de haut niveau. On pense à Google, Facebook, Amazon, Netflix… Il y a aussi IBM avec Watson. Qu'est-ce qui vous différencie véritablement des autres ?
J. S. : Eux utilisent l’intelligence artificielle comme background pour leurs produits, et de façon globale, sans objectif particulier. Nous l’utilisons dans le contexte précis de la relation client, qui est notre expertise. C’est pour cette raison que l’on développe un machine learning "automatisé", c’est-à-dire personnalisé et prêt-à-l’emploi, client par client. Toutes les prédictions sont faites dans un certain contexte, celui d’une entreprise donnée. 100% de l’IA que l’on développe va dans la plate-forme Salesforce, pour aider les entreprises dans la relation clients, le marketing et les ventes. Et dans ce cadre, nous nous focalisons sur la data science. L’idée d’Einstein est de faire bénéficier les entreprises d’un data scientist qu’elles ne peuvent pas forcément s’offrir.
Pourquoi avez-vous décidé d’aller dans cette direction ?
J. S. : L’IA est un changement aussi important, voire encore plus important que le cloud. Cela va être une extraordinaire rupture dans nos vies-mêmes. Il est donc essentiel de se demander comment on la démocratise, comment on rend la technologie accessible.
Vous proposez des applications à vos clients qui utilisent leurs données pour identifier de nouveaux modèles. Envisagez-vous de leur demander de partager, de façon anonyme et sécurisée, leurs informations, leurs comportements, pour contribuer à l’amélioration d’Einstein ?
J. S. : Oui, bien sûr. Dès la première version qui sera intégrée à la mouture Winter 2016 de notre offre, en octobre, ce sera possible. Sur volontariat uniquement, nos clients pourront proposer que leurs données servent à notre technologie à apprendre et à s’améliorer. Ce qui leur bénéficiera ensuite. Les entreprises ont désormais atteint ce degré de maturité, où elles savent que partager ses informations n’est pas toujours un risque mais peut leur bénéficier au final.
Quelles technologies utilisez-vous ?
J. S. : Il y a différents parfums d’IA. Du machine learning, du deep learning, du predictive analytics, de la reconnaissance en langage naturel, et du smart data recovery. Avec la reconnaissance en langage naturel, on identifie des modèles récurrents dans les données. Avec le machine learning, on observe les données structurées et on va, par exemple, chercher à comprendre quand et dans quelles conditions un prospect est converti en client. Avec le deep learning, on travaille plutôt sur les données non structurées pour que l’application apprenne à apprendre de ces données et des comportements.
Le machine learning, ce sont des technologies open source. Mais pour nos focus qui sont la relation avec les clients, le marketing et les ventes, nous devons résoudre des centaines de milliers de problèmes. Donc, nous avons créé une forme de machine learning automatisé, un modèle adapté à chaque client, personnalisé, qui lui permet d’identifier les meilleurs modèles pour ses process en particulier. Par exemple, pour une campagne marketing par mail, on va chercher à prédire le mieux possible qui va ouvrir un mail, qui va cliquer sur un lien, etc.
Le projet à moins de deux ans. Comment avez-vous fait pour bâtir Einstein dans ce délai court ?
J. S. : Il y a deux ans, nous avions déjà une petite équipe interne qui travaillait sur l’intelligence artificielle. Mais rapidement, elle s’est rendu compte qu’il fallait accélérer pour arriver à ce que l’on voulait, à ce qui est devenu Einstein. Et pour ce faire, il fallait acheter les pièces manquantes. On a regardé qui avait la meilleure IA pour les ventes, qui avait le meilleur analyseur de messagerie, etc. Et on a acheté des technologies et des équipes haut de gamme. (Depuis 18 mois, Salesforce a absorbé Prediction IO pour le développement simplifié en machine learning, RelateIQ pour le CRM, la BI matinée d’IA de Beyondcore, le deep learning Metamind, le calendrier TempoAI, l’assistant marketing virtuel Minhash…., pour un total de 700 millions de dollars, NDLR)
D’habitude, en IA, on prend un algorithme, des données, et on construit le modèle. Mais c’est une démarche qui ne permet pas le passage à l’échelle avec toutes les entreprises. Là, nous avons un ensemble d’approches technologiques différentes qui permettent de choisir des algorithmes différents, en fonction du besoin.
Vous avez 170 data scientists au sein d’Einstein. Comment est organisée l’équipe de développement de l’offre ?
J. S. : En fait, il y a une équipe produit, une équipe ingénierie et, ce qui est nouveau, une équipe recherche. Cette dernière identifie et teste très rapidement toutes les technologies qui peuvent nous servir. Elle est dirigée par le professeur Richard Socher de l’Université de Stanford, ancien CEO de Metamind, devenu CTO de Salesforce. Il s’intéresse tout particulièrement au deep learning et aux réseaux neuronaux, et à la vulgarisation de l’intelligence artificielle. L’intérêt de ces trois équipes, c’est que dès qu’ils ont identifié une technologie et démontré son intérêt pour Salesforce, elle passe dans l’équipe produits. Et celle-ci transmet à son tour les questions et problèmes que nos clients doivent résoudre. Même chose avec les ingénieurs du développement. Les trois fonctionnent en interaction, de façon itérative, en permanence.