En Pologne, le logiciel Pegasus aurait été utilisé pour espionner des membres de l'opposition
Le gouvernement polonais est accusé par les médias nationaux d'avoir acheté le logiciel Pegasus pour espionner certains membres de l'opposition. Des accusations graves qui sont réfutées par Varsovie.
Les révélations sur le logiciel espion Pegasus, commercialisé par l'entreprise israélienne NSO Group, continuent. Le gouvernement polonais est accusé d'avoir utilisé 5,4 millions d'euros de fonds judiciaires pour acheter ce logiciel afin d'enquêter sur une personne soupçonnée d'avoir commis des activités criminelles, d'après les informations du quotidien Gazeta Wyborcza, relayées par Euractiv.
Dans les détails, le logiciel a été acheté avec les ressources du Fonds de la justice, regroupant l'argent des amendes des tribunaux et est destiné à aider les victimes de crimes. La décision d'Israël de vendre à la Pologne ce logiciel a été prise quelques mois plus tôt après la rencontre entre les Premiers ministres de l'époque, Beata Szyd?o et Benjamin Netanyahu, au sommet du groupe de Visegrad, précise Gazeta Wyborcza.
Le ministère de la Justice a réfuté ces accusations de détournement de fonds publics et a déclaré que ces fonds pouvaient être utilisés pour lutter contre la criminalité au sens large. En revanche, Marian Banas, le président de la Cour des comptes, a confirmé l'achat du logiciel par ses services s'appuyant sur une facture datant de 2019.
Les téléphones de membres de l'opposition infectés
Ces révélations s'inscrivent dans un contexte d'accusation d'espionnage de certains membres de l'opposition par le gouvernement. Fin décembre, Citizen Lab – un laboratoire de recherche pluridisciplinaire de l'Université de Toronto au Canada – a révélé que le téléphone portable du sénateur d'opposition Krzysztof Brejza avait été espionné par le logiciel Pegasus lors de la campagne des élections législatives de 2019. Cet élu était en charge de la coordination de la campagne du parti centriste polonais "Plateforme civique" dirigé par l'ancien chef du Conseil européen Donald Tusk. Un espionnage qui aurait biaisé les élections, d'après le laboratoire canadien spécialisé dans les logiciels espion.
Roman Giertych, un avocat ayant défendu plusieurs membres de l'opposition dont le parti national-populiste Droit et Justice (PiS) au pouvoir, et Ewa Wrzosek, une procureure opposée aux réformes judiciaires en Pologne, auraient également été espionnés par Pegasus. Le rythme intense des intrusions dans le portable des opposants "indique un niveau de surveillance extrême", d'après John Scott-Railton, le chercheur principal au Citizen Lab, cité par Les Echos. Il ajoute immédiatement que ce n'est que "le sommet de l'iceberg. Il y aura d'autres découvertes à venir".
Des fake news d'après le Premier ministre
Les affirmations selon lesquelles l'opposition aurait été espionnée par le gouvernement sont des "fake news", a réagi le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki. Il refuse donc l'ouverture d'une enquête sur ce qui est "la plus profonde crise démocratique depuis 1989", d'après Donald Tusk.
La police fédérale allemande est également accusée d'avoir utilisé Pegasus. Or, cette pratique – si elle s'avère vraie – est à la limite de la légalité puisque la Cour constitutionnelle allemande a estimé que la surveillance des télécommunications à l'étranger devait être mieux encadrée.
Le logiciel Pegasus permet d'accéder aux informations contenues dans un téléphone sans que son détenteur ne puisse s'en rendre compte. Une fois installé, il permet de lire les messages, regarder les photographies, écouter les appels téléphoniques, accéder aux mots de passe ou encore déclencher le suivi de la géolocalisation. Il est commercialisé par NSO Group, basée à Herzliya dans la banlieue de Tel Aviv ainsi qu'en Bulgarie et à Chypre. Il est présenté comme un outil permettant de "détecter et prévenir le terrorisme et la criminalité", peut-on lire sur le site de l'entreprise.
Connu depuis plusieurs années, Pegasus a été propulsé sur le devant de la scène à l'occasion d'une enquête publiée en juillet 2021 et menée par un consortium de plus de 80 journalistes de 17 médias, dont la cellule investigation de Radio France et Le Monde, coordonné par Forbidden Stories avec le soutien du Security Lab d'Amnesty International. Depuis, les révélations se multiplient. C'est ainsi que Pegasus aurait été utilisé par les autorités marocaines pour espionner plusieurs personnalités politiques françaises, dont Emmanuel Macron.
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