European Payment Initiative, à la conquête de l’Europe ?
Cette chronique de Pascal Agosti, avocat associé au sein du Cabinet Caprioli & Associés, traite d’une nouvelle initiative en matière de paiement électronique paneuropéen : l’European Payment Initiative.
Qu’est ce que l’European Payment Initiative ? Il s’agit du futur réseau européen de paiement par carte bancaire, dont la création a été officialisée le 2 juillet 2020 par 16 grandes banques relevant de cinq pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, France et Pays-Bas). BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, Crédit Mutuel, La Banque Postale et la Société Générale figurent parmi elles.
Cette initiative d’essence privée a pour objectif d’harmoniser les échanges financiers entre les Etats et de moderniser un marché du paiement encore fragmenté, malgré la mise en œuvre de la Directive sur les Services de Paiement 2. A ce titre, elle vise à substituer aux systèmes nationaux de paiements par carte, en ligne et par téléphone mobile, une carte et un portefeuille numérique unifiés pouvant être utilisés dans toute l’Europe.
A l’heure actuelle, selon la Banque Centrale Européenne (BCE), "Dix pays européens ont encore des systèmes de paiement par carte nationaux qui n’acceptent pas les cartes d’autres États membres de l’UE. Il existe également un nombre croissant de services innovants, tels que les porte-monnaie sur téléphone mobile, qui ne sont proposés qu’au niveau national".
Pourquoi une telle initiative ?
La portée stratégique de ce projet est de pouvoir instaurer une autonomie vis-à-vis des acteurs américains déjà en place comme Visa et Mastercard ainsi que vis-à-vis des GAFAM de plus en plus friands d’opérations de paiement.
Il est fait état d’une autonomie et non d’une concurrence car ce nouveau réseau devait intéresser les paiements "domestiques", effectués en Europe avec des cartes émises par des banques européennes. Ainsi, l’EPI risque surtout de remplacer les actuels réseaux nationaux, comme le réseau CB en France, mais sans modifier les habitudes de paiement, la carte en plastique devant continuer à être le support privilégié pour les paiements en magasin.
Quelles caractéristiques ?
L’EPI s’appuie sur la technologie des virements instantanés, particulièrement pendant cette période de COVID-19 où l’on constate un essor des paiements dématérialisés en Europe. Le virement instantanné possède en effet toutes les caractéristiques nécessaires pour effectuer des paiements en magasin : il est instantané et irrévocable.
A quand le déploiement ?
Jusqu'à la fin de 2020, une période est ouverte pour que les acteurs du marché européen en matière de paiement (établissements de crédit, établissements de paiement, établissements de monnaie électroniques notamment) puissent rejoindre l'EPI en tant que fondateurs. Le 7 octobre dernier, une société provisoire – EPI Interim Company - a été créée en Belgique pour définir les règles de fonctionnement, le business model et la roadmap technique de la future solution. L'entrée en phase opérationnelle est, quant à elle, annoncée pour mi-2022.
Ce délai peut paraître très court pour un projet d'une telle ampleur. Cela s’explique par le fait que l’infrastructure repose sur le système de virements instantanés SEPA (SCT Inst). Elle peut ainsi capitaliser immédiatement sur des infrastructures existantes, puissantes et sophistiquées, telles que le service de règlement des paiements instantanés TARGET (TARGET Instant Payment Settlement – TIPS) de l’Eurosystème. Néanmoins, la mise en œuvre de l'EPI impliquera nécessairement le renouvellement des terminaux de paiement des commerçants, ainsi que le parc des cartes actuellement en circulation. Un chantier de souveraineté financière et numérique à mener pendant une période compliquée.
Pascal Agosti, avocat associé, docteur en droit
Caprioli & Associés, société d’avocats membre du réseau JurisDéfi
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