Face au contexte économique, Ynsect licencie 70 employés pour atteindre la rentabilité
Ynsect, la pépite française spécialiste de la nutrition à base d’insecte, est contrainte de fermer son usine néerlandaise et de licencier 20% de ses effectifs. Elle espère que cette restructuration lui permettra d’atteindre plus rapidement la rentabilité, et qu'elle la rendra plus attractive auprès des investisseurs. Elle a déjà levé 160 millions d'euros dans le cadre de sa série D.
Mélicia Poitiers
Mis à jour
18 avril 2023
Ynsect, la pépite française de la food tech, a annoncé ce 17 avril 2023 licencier environ 70 de ses 360 employés, soit 20% de ses effectifs. Une restructuration "nécessaire à la pérennité de l’ensemble de l’entreprise", selon son communiqué de presse.
Dans un contexte économique maussade et alors qu'elle cherche à boucler sa levée de fonds de série D, la start-up a dû prendre des décisions radicales pour tenter d'atteindre la rentabilité après douze années d’exercice. Elle évoque également la flambée des prix de l’énergie et des matières premières agricoles en Europe, ainsi que l'augmentation du coût des capitaux propres et de la dette.
Arrêt de la production aux Pays-Bas
36 des licenciements annoncés sont liés à l’arrêt de la production de son usine située à Ermelo, à une heure d’Amsterdam. Cette dernière avait été récupérée par la start-up en avril 2021 grâce à l’acquisition de l’acteur néerlandais Protifarm pour accélérer son développement sur le marché de la consommation humaine de produits à base d’insectes.
Ynsect indique que la production pour l'alimentation humaine sera rapatriée sur son usine de Dole (Jura), à des fins d'optimisation industrielle. Une partie de l'usine d'Ermelo devrait être conservée et transformée en centre de R&D, et huit salariés néerlandais continueront d'y travailler, selon les précisions obtenue auprès de l'entreprise par L'Usine Digitale.
38 autres salariés vont quitter l'entreprise en France dans le cadre d'un plan de départs volontaires. Il s’agirait "d’employés parisiens qui travaillaient sur des projets de développement futurs", selon les vagues explications que L’Usine Digitale a pu obtenir. Le développement à l'international se fera désormais surtout "par le biais de coentreprises et d’accords de licences avec des partenaires locaux".
175 millions d’euros de contrats déjà signés
L’entreprise a en revanche insisté sur les 175 millions d’euros de contrats pluriannuels déjà signés, ajoutant qu’un milliard d’euros supplémentaires sont actuellement en négociation. Elle doit donc maintenir la cadence dans ses usines et pour ce faire, elle compte en priorité sur celle de Poulainville, près d'Amiens, baptisée Ynfarm, qui a accueilli ses premiers insectes fin 2022 et devrait, à terme, fournir jusqu’à 120 000 tonnes de produits par an.
Elle explique aussi dans son communiqué vouloir "se concentrer sur des produits à forte valeur ajoutée" à l'avenir, c'est-à-dire principalement pour l’alimentation des animaux de compagnie et la nutrition des plantes.
Son usine Ynsite, située à Dole dans le Jura, aurait dépassé de 25% son objectif de production depuis son démarrage en 2022 et continue donc de tourner. Tout comme celle d’Omaha (Nebraska) aux Etats-Unis, acquise l’année dernière avec le rachat de Jord Producers, spécialisé dans les produits à base d’insectes destinés à l’alimentation des volailles. Cette dernière aurait dépassé 100% de production et de vente supplémentaire par rapport au budget prévu et voté en board en décembre 2022 selon Ynsect.
Vers un modèle "capital light"
La start-up indique avoir levé 160 millions d’euros dans le cadre de sa série D, mais ne mentionne pas les investisseurs ni sa valorisation. Il s’agit du premier round d’une série qui devrait être clôturée cette année. Il pourrait s'avérer difficile pour Ynsect de réunir la somme escomptée à l'origine, étant donné la conjoncture. Elle avait, pour rappel, terminée sa série C en 2020 avec 372 millions de dollars.
"Dans un monde où le coût des capitaux propres et de la dette ont augmenté de manière significative, nous nous recentrons sur une trajectoire de profitabilité pour soutenir notre croissance durable en évoluant vers un modèle capital light, fortement plébiscité par les investisseurs", a déclaré Ynsect par voie de communiqué.
Un secteur aussi prometteur qu'incertain
Outre le contexte actuel, les difficultés de la start-up sont certainement dues au sujet aussi prometteur que complexe sur lequel elle se positionne. Le succès des produits alimentaires à base d’insectes destinés aux humains est certainement indubitable, mais son timing, qui correspond au moment où les consommateurs seront véritablement prêts à les faire entrer dans leurs habitudes, est encore incertain.
De plus, le secteur de la nutrition à base d'insectes est très concurrentiel et Ynsect a certainement intérêt à être vite profitable si elle souhaite prendre de l'avance sur ses principaux concurrents français, InnovaFeed et Agronutris, ainsi que sur les autres entreprises qui débarqueront probablement sur le marché dans les années à venir.
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