Fairme veut bouleverser le modèle de distribution du lait avec son atelier de transformation autonome

La start-up grenobloise Fairme a de grandes ambitions pour son atelier de transformation laitière autonome, actuellement à l'état de prototype. Cette machine mystérieuse serait capable de transformer le lait chaud en une large gamme de produits laitiers directement après la traite. Fairme compte louer 50 m2 aux éleveurs, leur acheter leur lait et revendre directement les produits finis aux consommateurs via une application mobile.

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Fairme veut bouleverser le modèle de distribution du lait avec son atelier de transformation autonome

Fairme est une start-up grenobloise fondée en 2020 qui développe un atelier de transformation laitière autonome et multi-produit. Actuellement à l’état de prototype, la machine et son concept ont été dévoilés à la presse le 21 février. Elle est également présente au Salon de l’Agriculture, qui se tient jusqu'au 5 mars 2023.

Lauréate DeepTech (BPI) et I-nov (Ademe et France 2030), la start-up a pu obtenir 2,6 puis 1,7 millions d’euros de financement pour le développement de son produit. Son concept ? Un éleveur de vaches laitières loue 50 m2 à Fairme au sein de son exploitation pour y installer l’atelier de transformation autonome et il vend à la start-up tout ou partie de son lait (le volume est convenu au départ).

Ce lait chaud est directement relié à la machine et transformé en crème, beurre, fromages (crus ou cuits, à pâtes dures ou molles), fromages blancs, etc. en fonction de la demande des consommateurs, qui commandent leurs produits laitiers sur une application mobile conçue par Fairme, puis viennent les récupérer sur place munis d’un QR code.

Un mystérieux cabanon en bois "rempli de robotique"

Le système, protégé par le secret industriel, "serait très loin de ceux de l’industrie" et "s’apparenterait plutôt à de la robotique fine, qui permet de reproduire des gestes artisanaux", expliquent Loïc Lecerf, président-fondateur et multi-entrepreneur dans l’IoT et l’IA, et Nathan Freret, directeur des opérations et du développement. Il permettrait de transformer jusqu'à 1000 litres de lait par jour. Une vingtaine d’ingénieurs en IA, IoT et robotique travailleraient à sa mise au point.

"L’atelier se présente comme un cabanon en bois et à l’intérieur, il y a différents modules : de mise à température, de caillage, de pressage, de salage, de saumurage, de moulage, d’affinage même, grâce à des espaces reproduisant l’environnement et le taux d’humidité particulier d’une cave, et d'emballage", décrit Loïc Lecerf, assurant que "rentrer tout ceci dans un cabanon en bois pas trop volumineux et réplicable à grande échelle était un challenge".

À l’entrée, une analyse physico-chimique du lait est réalisée (PH, eau, état de la matière) et un système intégré détermine automatiquement l’ajustement des paramètres de la machine en fonction. À la sortie, une gamme assez large de produits laitiers "qui permet que les gens se déplacent, ce qu'ils ne feraient pas sur le long terme pour quatre yaourts", espère le président de Fairme.

Il est nécessaire de noter que les fondateurs sont restés très vagues sur la solution elle-même lors de leur présentation, et ont refusé de détailler les technologies utilisées ou de fournir des photos du système, malgré les demandes répétées de L'Usine Digitale. Ils semblent particulièrement inquiets à l’idée de se faire voler l’idée par des industriels, d’où leur grande discrétion depuis 2020. "Des brevets ont été déposés et devraient être prochainement publiés", précise pourtant Nathan Freret.

Casser le modèle collecteurs-transformateurs-supermarchés

Fairme est née d'une insatisfaction avec l'état du marché. "Le modèle de productivité actuel, conçu pendant la période d’après-guerre, arrive à ses limites. D’un côté, les consommateurs ont envie de produits frais, non transformés, avec du goût, et de savoir d’où vient ce qu’ils consomment ; de l’autre, les éleveurs de vaches laitières, comme beaucoup d’éleveurs agricoles, ont du mal à tirer parti de leurs exploitations," déclare Loïc Lecerf.

La machine de transformation laitière autonome développée par la start-up est pensée pour casser ce modèle collecteurs-transformateurs-supermarchés, établi de longue date, et donc de supprimer les intermédiaires entre le consommateur et l’éleveur.

Le système est censé assurer des revenus stables à l'éleveur. Fairme dit vouloir racheter le lait aux éleveurs entre 60 et 80 centimes le litre, soit entre 1,5 et 2 fois le prix du marché. Elle leur versera un loyer pour l’emplacement de la machine et assumera les coûts de l’énergie utilisée pour la faire fonctionner.

"Les fermiers sont déjà souvent endettés, on leur évite tout risque financier", explique le fondateur. L'idée est qu'une fois la machine connectée à la salle de traite ou au robot de traite, l'éleveur ne se charge plus de rien. Le cœur de cible visé par la start-up sont les fermiers possédant entre 30 et 40 vaches, pas en dessous de 20, pas au-dessus de 80. "L’objectif c’est de rendre possible le fonctionnement rentable de petites exploitations. Elles sont de moins en moins nombreuses", déplore-t-il.

Des produits frais en circuit court

Le but est aussi de permettre au consommateur d’accéder à des produits frais en circuit-court. "Entre la traite et le début de la transformation, il n’y a que quelques minutes, entre la transformation et la récupération par le client, il n’y a que quelques heures", poursuit Loïc Lecerf. L'avantage de transformer sur place est que cela évite le transport du lait par camion-citerne, les traitements thermiques superflus et les ajouts d’entrants. Mais cela présume une demande soutenue et une disponibilité des clients pour venir chercher les produits dans des délais très courts.

Outre la récupération à la ferme, "qui pourrait redynamiser les territoires ruraux et rapprocher éleveurs et consommateurs", l’entreprise réfléchit à un service de livraison à domicile sur créneaux dans les villes proches, pour que les citadins puissent profiter aussi de leurs produits. "Mais la livraison se fera exclusivement en interne au vu de la fraîcheur des produits, qui demande beaucoup de rigueur", assure le président. À la revente, Fairme entend pratiquer des prix "équivalents à ceux des produits fermiers bio en vente sur le marché. On n’est pas sur du bas coût mais pas non plus sur des prix hype", précise-t-il.

Première ferme expérimentale dans le Vercors et lancement commercial cet été

La machine, encore à l’état de prototype, a été testée et les fondateurs se disent "fiers de la qualité des produits obtenus". Les premiers tests en condition réelle vont être réalisés en avril au sein d’une ferme expérimentale située dans le Vercors, à 20 minutes de Grenoble. Une deuxième exploitation, en région parisienne cette fois, essaiera l’atelier de transformation de Fairme quelques temps plus tard. Le fondateur espère qu’une dizaine en seront équipées avant la fin de l’année, une centaine en 2024 et un millier en 2025 grâce au déploiement européen de la solution.

Le prototype est actuellement présenté au Salon de l’Agriculture (Hall 1 stand 026), mais seul l'extérieur du cabanon est présenté, pas la technologie elle-même. Le lancement commercial est prévu d’ici cet été. Le plan de communication n’est pas très clair car Loïc Lecerf a "bon espoir que le concept et les produits parlent d’eux-mêmes et que cela suffise à faire connaître Fairme". Mais dans les faits, la start-up vend surtout une idée aujourd'hui, et en l'absence d'éléments concrets, elle demande à ce qu'on la croit sur parole.

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