Fibre optique : le Sénat vote une loi pour remettre de l'ordre dans les raccordements

Les opérateurs télécoms ayant été trop lents à réagir aux problèmes de qualité du déploiement de la fibre optique, c'est une loi qui est en passe de régler les dysfonctionnements de raccordement. La proposition de loi déposée en juillet 2022 par Patrick Chaize a été adoptée en première lecture au Sénat le 2 mai.

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Fibre optique : le Sénat vote une loi pour remettre de l'ordre dans les raccordements
Patrick Chaize, sénateur de l'Ain et président de l'Avicca, au Sénat le 2 mai 2023.

Il ne faut pas oublier que le Sénat représente les collectivités. C'est à l'unanimité que les sénateurs ont voté, le 2 mai en première lecture, la proposition de loi de Patrick Chaize pour garantir la qualité des raccordements à la fibre optique. Excédées par les couacs du déploiement du réseau très haut débit dans leurs territoires, les collectivités ont pesé de tout leur poids face aux réserves exprimées par le gouvernement et la filière des télécoms.

Cette proposition déposée en juillet 2022 du sénateur de l'Ain, pour la "pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit", a pour objet d'encadrer la sous-traitance et de renforcer la protection des usagers, d'un côté, les pouvoirs du régulateur des télécoms (l'Arcep) de l'autre.

La sous-traitance au cœur des débats

Dans son collimateur, une singularité technique du déploiement de la fibre à la française : le "mode STOC". Il s'agit d'une pratique, devenue la règle sur le marché depuis une décision de l'Arcep en 2015, qui autorise les opérateurs d'infrastructure (OI), qui fibrent le territoire, à sous-traiter aux opérateurs commerciaux (OC) le raccordement du dernier kilomètre, celui qui va connecter l'abonné au réseau d'Orange, de SFR, Bouygues Telecom ou Free.

Cette pratique a été l'une des chevilles ouvrières de la rapidité du déploiement. Mais il se trouve que les OC sous-traitent eux-mêmes la plupart du temps ce raccordement, et des abus ont été commis avec une sous-traitance en cascade entraînant d'une part des malfaçons avec en bout de chaîne des techniciens mal formés / mal payés, et d'autre part des opérateurs qui ne cessent de se renvoyer la balle en cas de problème de qualité.

Encadrement, contrôle et sanction

La proposition de loi vise à remettre de l'ordre dans ce mode STOC, qui était censé fonctionner "seulement si les OC respectaient strictement les règles de l'art", ce qui n'a pas été le cas. "Au regard des sommes engagées par les collectivités et l'Etat, et des attentes des consommateurs, ce n'est pas acceptable", a répété Patrick Chaize au Sénat mardi.

La proposition de loi, qui a été retravaillée en commission de l'Aménagement du territoire, prévoit plusieurs leviers pour améliorer la situation. Tout d'abord encadrer les modalités de recours au mode STOC, en créant notamment un guichet unique auprès de l'OI chargé de traiter les difficultés rencontrées par les consommateurs, en faisant de cet OI le garant de la qualité du réseau qu'il a déployé, et en instituant un certificat attestant de la conformité des opérations conformément au cahier des charges imposé.

Ensuite, l'interdiction pure et simple du mode STOC pour les raccordements "longs et complexes", et donc de la sous-traitance, dans les zones où la fibre est la plus largement déployée, notamment celles où le réseau cuivre sera éteint en premier.

La PPL instaure également plus de contrôle par les collectivités qui opèrent des réseaux d'initiative publique (RIP), en leur permettant par exemple de ne pas rémunérer l'opérateur s'il ne produit pas de certificat ou d'obtenir un calendrier des interventions sur demande en 48h. Elle renforce le pouvoir de contrôle et de sanction de l'Arcep (publication trimestrielle d'indicateurs de qualité de service, réalisation d'audits, pouvoir d'astreinte). Et elle renforce la protection des consommateurs en leur permettant, en cas d'interruption prolongée de service, de suspendre le paiement de leur abonnement, de recevoir des indemnités, voire de résilier sans frais.

Les collectivités ne croient plus aux promesses des opérateurs

Les opérateurs se sont mobilisés contre ces initiatives, la filière avançant qu'un plan qualité a été adopté pour répondre exactement aux problèmes rencontrés (limitation à deux rangs de sous-traitance, formation des intervenants, compte-rendu d'intervention obligatoire, agréments nécessaires…). Mais elle s'y est prise trop tard.

"La refonte de tous les processus opérationnels et contractuels déstabiliserait l’ensemble de la filière, sans aucune garantie d’amélioration. Concrètement, la remise en cause du cadre actuel provoquerait un arrêt brutal des raccordements", avertissent de concert la Fédération française des télécoms et Infranum, qui représente notamment les OI et les sous-traitants.

"Nous sommes en droit d'être dubitatifs quant à la crédibilité de ces annonces et à la capacité de la filière à mettre rapidement en place les mesures promises. On ne peut plus se permettre de repousser les échéances", répond Patrick Chaize, qui fait écho aux inquiétudes des collectivités. "Comment assurer le déploiement de la fibre partout et pour tous quand, après plus de six ans de signalement à l’État et aux instances de régulation, six ans de demandes d’intervention répétées auprès de la filière télécoms, la situation ne s’est pas améliorée et s’est même dégradée dans certains territoires ?", s'alarme par exemple l'association Départements de France.

Une loi plutôt qu'une charte

Le gouvernement, de son côté, accueillait favorablement les articles renforçant les pouvoirs de sanction de l'Arcep en cas de défaillance des OC, et améliorant la protection des usagers dans les cas où un problème ne trouvait pas de résolution pendant un délai trop important. En revanche, le ministre délégué au Numérique Jean-Noël Barrot se montrait plus réservé sur l'interdiction du mode STOC, préférant un encadrement.

Le principal apport de la loi si elle est votée en l'état, sera d'inscrire dans la loi des pratiques qui autrement auraient été de l'ordre de l'auto-régulation du secteur. Comme la réalisation de compte-rendu systématique. Le texte doit désormais être examiné à l'Assemblée nationale.

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