Flambée du bitcoin : les raisons du succès... et des peurs

Le bitcoin vaut désormais plus de 10 000 dollars. C'est dix fois plus qu'au début de l'année. Quels facteurs expliquent cette flambée ? S'agit-il d'une bulle financière ? Peut-elle éclater ? Le bitcoin est-il néfaste ou posititif pour notre économie ? Eléments de réponse à travers quatre questions.

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Flambée du bitcoin : les raisons du succès... et des peurs

Quelles sont les raisons de cette folle ascension du cours du bitcoin ?

"Il faut être extrêmement prudent quant aux raisons qui expliquent cette flambée", prévient Clément Jeanneau de la start-up Blockchain Partner. Selon lui, il est très difficile de déterminer le poids des différents facteurs responsables de cette incroyable hausse. Nous pouvons quand même citer plusieurs éléments. D'abord, le nombre limité de bitcoins. "Dans le code informatique du protocole il est indiqué que 21 millions de bitcoins pourront être mis en circulation. C'est une masse qui devrait être atteinte en 2140, précise-t-il. Nous en sommes à un peu plus de 16 millions aujourd'hui, mais de moins en moins de bitcoins vont être crées car la rémunération des mineurs est divisée par deux tous les quatre ans". "Or, lorsque vous créez un objet et que vous dites qu'il n'en existera qu'un certain nombre et pas plus, vous attirez tout le monde dans un réflexe qui consiste à spéculer sur sa future rareté", complète Pierre-Antoine Gailly, rapporteur en 2015 d'une étude sur le bitcoin et les monnaies virtuelles pour le Conseil économique, social et environnemental.

Deuxième facteur : l'engouement pour les ICO (Initial Coin Offering). Ces nouvelles levées de fonds en cryptomonnaie ont également participé à l'augmentation du cours du bitcoin. Il s'agit d'un mode de financement participatif basé sur la technologie de la blockchain et un système de jetons virtuels : les tokens. L'année 2017 devrait recenser environ 2000 opérations de ce type, contre une soixantaine seulement en 2016.

Nous pouvons également citer le récent intérêt de pays et d'institutions pour la cryptomonnaie. En avril dernier, le Japon a reconnu le bitcoin et les monnaies virtuelles comme des moyens de paiement légaux. Fin octobre 2017, CME Group, la plus importante bourse d'échange de marché à terme, a annoncé qu'elle allait proposer aux investisseurs des produits dérivés du bitcoin d'ici la fin de l'année. Le Nasdaq a fait une annonce similaire il y a quelques jours.

Peut-on parler d'une bulle financière ?

Selon Pierre-Antoine Gailly, le bitcoin a tout d'une monnaie spéculative, notamment parce qu'il ne permet pas de réaliser les trois fonctions classiques d'une monnaie. "D'abord, le bitcoin ne permet pas de donner une valeur à une chose ou à un service. Deuxièmement, s'il permet des transactions entre les parties, il ne permet pas de prêter ou d'emprunter. Troisième élément : il peut difficilement servir de monnaie de réserve", explique-t-il. Et d'ajouter : "Il n'y a aucune raison matérielle qui explique que la valeur du bitcoin soit passée de 1000 à 10 000 dollars en une année. Il n'y a pas un quelconque service qui ait pris une telle valorisation".

De son côté, Clément Jeanneau invite à prendre du recul pour "comprendre pourquoi des personnes croient au bitcoin au-delà de la simple spéculation". Le site bitcoin.fr a récemment fait un sondage auprès de ses lecteurs pour comprendre les motivations des détenteurs de bitcoin. "Moins d'un détenteur de bitcoin sur cinq serait motivé par des motifs spéculatifs", affirme le cofondateur de Blockchain Partner. Près de 50%, en revanche, seraient intéressés par la technologie Bitcoin. Ecrit avec une majuscule, le Bitcoin désigne le protocole distribué qui permet d'échanger l'unité de compte bitcoin (qui s'écrit, elle, avec une minuscule).

Cette bulle risque-t-elle d'éclater ?

"500 dollars, 1000 dollars, 1500 dollars… A chaque fois que le bitcoin a passé un palier, nous avons entendu parler de bulle avec les mêmes arguments", répond Clément Jeanneau. "On parle beaucoup de spéculation mais on oublie souvent que la spéculation a souvent été le moteur de l'adoption d'une nouvelle technologie, comme le montre le travail de l'économiste Carlota Perez", ajoute-t-il. Le spécialiste s'inquiète néanmoins de l'entrée du grand public dans cette sphère. "Certains risquent d'investir dans le bitcoin pour de mauvaises raisons, c’est-à-dire pour des raisons spéculatives. Or ce sont ces mêmes personnes qui souhaiteront revendre à la moindre rechute du cours sans comprendre qu'il s'agit d'une volatilité à court terme, et sans voir la valeur du bitcoin sur le long terme", estime-t-il.

"Une bulle explose lorsque tout le monde veut vendre et lorsqu'il n'y a pas de contrepartie en face", répond, de son côté, Pierre-Antoine Gailly. Mais dans le cas où la majeure partie des bitcoins était détenue par une faible quantité de personnes, ces dernières n'auraient pas intérêt à revendre. "La deuxième hypothèse, c'est celle de l'accident à l'image de la plate-forme d'échange Mt.Gox (en 2013, la plate-forme qui brassait 76% des échanges en bitcoins fait disparaître l'équivalent de 350 millions d'euros, ndlr)", ajoute-t-il.

Le bitcoin a-t-il un impact positif pour la société ?

Oui et non. Plusieurs économistes, dont le prix Nobel Jean Tirole, estiment que le bitcoin n'a aucun rôle social. "Il ne met en relation aucun individu, mais que des ordinateurs. Toutes ces transactions échappent à toute contribution sociale ou fiscale", explique Pierre-Antoine Gailly. "Une monnaie est en général liée à une société ou à un type de société. Ce sont d'abord des hommes et des femmes qui se font confiance pour aller au-delà du troc", poursuit-il.

En revanche, spécialistes et économistes s'accordent à dire que le Bitcoin (avec une majuscule) est une formidable innovation technologique. "Ce système de transmission de paquets de données qui est très sécurisé, très rapide et très peu coûteux peut être utilisé pour de très nombreuses applications dans l'industrie", conclut Pierre-Antoine Gailly.

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