IBM conteste la "suprématie quantique" de Google
Google n'a pas vraiment atteint la "suprématie quantique" d'après IBM. Au-delà d'une prouesse technique avérée, révélée fin septembre, les chercheurs de la firme de Mountain View n'auraient pas envisagé toutes les approches permises par l'informatique conventionnelle pour résoudre le problème mathématique au cœur de leur déclaration.
Alice Vitard
Mis à jour
23 octobre 2019
IBM critique une note interne de Google selon laquelle ses chercheurs en informatique quantique auraient réussi à résoudre un problème insoluble par un superordinateur conventionnel, dans un billet publié sur son blog le 21 octobre 2019. Un jalon qualifié de "suprématie quantique". Comme l'avait expliqué L'Usine Digitale le 21 septembre 2019, l'ordinateur quantique aurait résolu en trois minutes et 20 secondes un problème qui aurait demandé environ 10 000 ans de calcul au superordinateur américain Summit, du moins d'après les chercheurs responsables de l'étude.
L'information a été confirmée par Google dans un article paru ce mercredi 23 octobre 2019 dans la revue scientifique Nature. La firme de Mountain View relativise elle-même sa découverte, déclarant que le système ne pouvait effectuer qu'un calcul très spécifique et donc ne pourra pas être utilisé pour des applications concrètes dans l'immédiat. Mais les équipes d'IBM ne sont pas convaincues que le système de Google ait réellement pu supplanter un ordinateur conventionnel même pour ce cas très précis.
IBM n'apporte pas de preuve
La multinationale américaine affirme que le calcul opéré par les chercheurs de Google pourrait être "effectué sur système classique en 2,5 jours et avec une fidélité beaucoup plus grande", et que c'est une estimation très sobre et qui pourrait être révisée à la baisse. Rien que ça. Le fond de la critique d'IBM repose sur le fait de simuler le calcul quantique d'une autre manière que celle proposée par Google, spécifiquement en tirant parti des très grandes capacités de stockage que permet l'informatique traditionnelle. L'explication détaillée est disponible sur arXiv.
IBM reconnaît néanmoins que les résultats de Google sont une belle avancée dans les recherches sur l'informatique quantique. Au-delà de ces questions, IBM critique aussi assez fermement l'utilisation du terme "suprématie quantique", créé par le physicien américain John Preskill en 2012. Il estime que le terme est généralement mal compris et prête à confusion, mais aussi que vérifier l'exactitude de ce type de déclarations n'est pas aisé et qu'elles doivent donc être prises avec des pincettes.
Interrogé par nos confrères de La Tribune, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) tient un propos similaire en expliquant que tout est une question de preuve. "Il faut d'abord prouver que l'ordinateur classique ne peut pas faire le calcul", a estimé le chercheur Simon Perdrix. C'est que l'on appelle une "probatio diabolica" (une preuve du diable) qui nécessite de démontrer la réalité d'un fait négatif – un raisonnement laborieux, voire presque impossible à mettre en œuvre.
Le calcul quantique, un nouveau terrain de compétition
Google a, dans les faits, utilisé un ordinateur quantique d'une puissance de 53 qubits. Un ordre de grandeur en théorie suffisant pour parler de "suprématie quantique", mais Simon Perdrix explique néanmoins que "les qubits peuvent être imparfaits". Conséquence de quoi la machine se situerait en-dessous de cette limite théorique.
La rigueur scientifique des résultats mise à part, Google et IBM sont rivaux dans la course à l'informatique quantique. Et ils ne sont pas seuls. Beaucoup de géants technologiques travaillent sur ces sujets, qui représentent des enjeux économiques colossaux. Celui qui résoudra en premier ce problème sera certain de dominer le marché mondial pendant des années.
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