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Les casques de réalité virtuelle sont arrivés sur le marché grand public en 2016, mais les grands industriels s'en servent depuis près de vingt ans pour améliorer leur processus de conception. Le constructeur automobile Ford a été l'un des pionniers du domaine, et il continue aujourd'hui à innover en la matière, mettant à profit de nouvelles technologies comme le HTC Vive ou HoloLens. Pour faire le point sur la question, nous nous sommes entretenus avec Elizabeth Baron, spécialiste VR et architecture de la plateforme Ford Immersive Vehicle Environment (FiVE).
Julien Bergounhoux
L'Usine Digitale - Depuis quand Ford s’intéresse-t-il à la réalité virtuelle ?
Elizabeth Baron - Je travaille personnellement sur la réalité virtuelle immersive depuis très longtemps. Nous avons commencé en 1995, avec des casques conçus pour des utilisations militaires. Puis nous avons cherché à marier le virtuel et le réel, et c’est pourquoi nous préférons les casques aux CAVEs (des salles qui créent un environnement virtuel à l’aide de projecteurs), afin d’avoir l’environnement physique des voitures.
Ensuite nous avons intégré de l'impression 3D, entre 2010 et 2012. Cela nous permet de renforcer l'immersion en permettant un contact physique. En 2013 nous avons tout mis à jour, nous avons acheté un Powerwall [ndlr : un grand écran avec affichage stéréoscopique pour le travail collaboratif] avec une résolution 4K et nous avons commencé à utiliser des kits de développement Oculus Rift. Nous avons été l’un des premiers industriels à le faire. Et en 2015 nous avons commencé à utiliser le HTC Vive.
Concrètement, à quoi ressemble l’expérience FiVE ?
Nous utilisons une pièce de 4 mètres sur 4 m et de 2,5 m de haut. Elle est vide, mais quand vous mettez le casque le véhicule apparaît dans la pièce ainsi que les autres participants s’il y en a. Et nous avons rendu ce système global, ce qui permet à quelqu’un basé en Australie de travailler en immersion avec quelqu’un aux Etats-Unis. Les autres participants sont représentés par des casques. Nous utilisons des casques professionnels NVIS dont les champs de vision sont restreints [ndlr : 50° ou 60°] mais qui ont une densité de pixels 4 fois supérieure à celle du HTC Vive. Le tracking est effectué avec des caméras Optitrack. Nous utilisons en parallèle des HTC Vive et des Oculus Rift, plus d’autres systèmes que nous sommes en train d’évaluer, dont des casques HoloLens. Ils nous servent entre autres à ébaucher de nouveaux concepts.
Dans quels centres Ford possède-t-il des installations de réalité virtuelle ?
Nous en avons plusieurs à Dearborn, dans le Michigan. Il y en a aussi un à Palo Alto en Californie, et un autre à Melbourne en Australie. Nous avons par ailleurs des pôles "satellites" d’observation immersive au Mexique, au Brésil, en Inde, en Chine, en Angleterre et en Allemagne. Ils permettent aux équipes de donner leur feedback en temps réel lors des sessions immersives.
Quel impact, quels gains ont ces technologies pour l’entreprise ?
Cela nous a beaucoup aidé à étudier des variations pour de nouveaux composants ou des alternatives que nous n’aurions pas pu explorer autrement. Nous travaillons avec les équipes de designers pour optimiser la création des pièces. Nous avons aussi démultiplié le nombre de vérifications de contrôle qualité que nous effectuons. On parle de dizaines de milliers de vérifications sans avoir à construire de modèle physique. Et le niveau de détail que nous pouvons atteindre a bien sûr fortement augmenté.
L’objectif est aussi de permettre aux gens de mieux communiquer, même s’ils viennent d’univers différents : ingénierie, marketing, expérience client, ergonomie, assurance qualité, design carrosserie, motorisation, fabrication industrielle… On gagne énormément de temps en confrontant différents points de vue plus tôt dans le processus de création. En parallèle, nous simulons et testons nos moyens de production afin d’optimiser nos lignes s’assemblage pour limiter l’apparition de troubles musculosquelettiques chez nos ouvriers.
Exemple de reproduction virtuelle d'un habitacle de voiture
Quelle forme cela prend-il côté logiciel ?
Nous avons des exigences très strictes par rapport à nos outils CAO et nos outils de gestion. Nous construisons d’abord le véhicule virtuel dans son intégralité, puis nous utilisons le moteur de rendu VRED d’Autodesk et nous mettons l'expérience à disposition via une interface web. Depuis 2015, nous utilisons un outil nommé Immersive Cinematic Engineering (ICE), développé en interne, qui nous permet de modifier les paramètres environnementaux (conditions atmosphériques, environnement, etc.) en temps réel, sans préparation. Nous faisons aussi du "ray tracing" en 4K en temps réel, ce que nous sommes à ma connaissance les seuls à faire.
Que pensez-vous de la démonstration de travail collaboratif dévoilée par Nvidia en mai ?
J’ai vu ce qu’ils ont présenté, mais nous faisons déjà mieux. Pour moi cela prouve la justesse de notre approche. Pour la conception de véhicules chez Ford, tout ce qui a un impact que le consommateur peut voir est disponible dans un environnement virtuel.
La collaboration est possible entre différents types d’équipements ?
Pour le moment elle n’est pas possible avec les HoloLens et les Vive, elle se fait seulement entre les casques militaires et les Oculus Rift. Le Vive utilise un système de tracking différent et on ne peut pas en faire abstraction pour le travail collaboratif à l’heure actuelle, ce n’est pas assez solide.
Exemple d'insertion d'un véhicule virtuel dans un environnement pour étudier l'impact de la lumière et autres paramètres sur son design
Justement, êtes-vous enthousiaste vis-à-vis de la technologie de tracking Lighthouse qu’utilise le Vive ?
Oui, je suis très intéressée par Lighthouse et nous allons l’intégrer dans notre système FiVE. Nous l’avons conçu de tel manière que nous pouvons facilement ajouter une nouvelle solution dans notre boîte à outils.
Quelle est la prochaine étape ?
Il y a deux choses. La première est la démocratisation de ces technologies. Peu importe quel équipement vous utilisez ou dans quel endroit vous vous trouvez, vous devriez pouvoir vous immerger dans une scène, pouvoir passer de la 2D à la 3D instantanément. Nous voulons rendre ces ressources disponibles à toute l’entreprise.
Le deuxième point est la réalité mixte, c’est-à-dire l’augmentation du monde réel avec des données virtuelles. Aujourd’hui nous utilisons des maquettes en polystyrène pour répliquer certains aspects du véhicule, pour permettre au testeur d’interagir physiquement avec les boutons, d’allumer les lumières et autres dans l’environnement virtuel, tout en s’assurant que tout est bien au bon endroit dans le monde réel. A l’avenir nous serons capable d’aller plus loin que ça.
Vous comptez mettre un casque sur le bureau de chaque ingénieur ?
Peut-être pas sur chaque bureau, mais il y en aura beaucoup plus qu’aujourd’hui. Et puis il y a aussi les smartphones ou les tablettes. Pour certains ingénieurs il sera logique d’avoir un casque, oui. Le but est d’être capable d’augmenter un espace physique.
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