L’archivage électronique, futur service de confiance ?
Afin de terminer l’analyse de la proposition de Règlement eIDAS, voici la dernière brique intégrée par la Commission européenne : l’archivage électronique comme service de confiance. Certains experts diront "enfin". Cette chronique du Cabinet Caprioli & Associés a pour objectif d’identifier les nombreuses questions restées en suspens.
Certains Etats membres ont introduit de nombreuses exigences concernant les services fournissant un archivage électronique de confiance afin de permettre la conservation des documents électroniques sur le long terme.
Ainsi en est-il de la loi belge du 21 juillet 2016 mettant en œuvre et complétant le règlement (UE) n° 910/2014 du parlement européen et du conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE qui définit le service d'archivage électronique comme "un service de confiance supplémentaire à ceux visés par l'article 3, paragraphe 16, du règlement 910/2014, qui consiste en la conservation de données électroniques ou la numérisation de documents papiers, et qui est fourni par un prestataire de services de confiance au sens de l'article 3, paragraphe 19, du règlement 910/2014 ou qui est exploité pour son propre compte par un organisme du secteur public ou une personne physique ou morale".
Ou encore la Loi luxembourgeoise du 25 juillet 2015 relative à l'archivage électronique et portant modification : 1. de l'article 1334 du Code civil; 2. de l'article 16 du Code de commerce; 3. de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier qui définit la conservation électronique comme "l’activité qui consiste à conserver un original numérique ou une copie à valeur probante dans des conditions qui assurent des garanties fiables quant au maintien de l’intégrité du document conservé" (art. 2).
De même, la principauté de Monaco a également inclus dans sa Loi n° 1.482 du 17 décembre 2019 pour une Principauté numérique, l’archivage électronique dans la liste de ses services de confiance. Selon cette loi, l’archivage électronique consiste en "l’ensemble des actions, outils et méthodes mis en oeuvre pour conserver à court, moyen ou long terme des données sous forme numérique dans des conditions de fiabilité qui assurent l’intégrité des données conservées dans le but de les exploiter ultérieurement" (art.2). Ce service de confiance peut être qualifié s’il satisfait aux exigences fixées par arrêté ministériel.
L’intégration de l’archivage électronique comme service de confiance
La proposition de Règlement eIDAS intègre l’archivage électronique comme service de confiance et la définit comme un "service ensuring the receipt, storage, deletion and transmission of electronic data or documents in order to guarantee their integrity, the accuracy of their origin and legal features throughout the conservation period" (projet d’art. 3-47). Cette définition reprend les fonctionnalités attendues d’un Système d’archivage électronique ou d’un coffre-fort numérique en termes de gestion du cycle de vie d’un document électronique. On notera avec intérêt que la définition précise bien quels sont les objectifs à atteindre :
- L’Intégrité des documents conservés ;
- L’authenticité de leur origine ;
- Mais aussi les caractéristiques juridiques ;
Et ce pendant toute la durée de conservation légale. Il y a ici une intrication de fond comme de forme entre droit national et droit communautaire. En effet, si l’intégrité ou l’authenticité d’origine des documents conservés peuvent être assurées techniquement, il n’en va pas de même des caractéristiques juridiques des documents qui dépendent strictement du cadre légal applicable sur un territoire déterminé. Dès lors, tout projet d’archivage électronique qui entend être reconnu comme qualifié à l’échelle européenne ne pourrait s’affranchir d’une analyse des règles juridiques applicables à telle ou telle catégorie particulière de documents.
Un service qualifié rendu par un prestataire de services de confiance qualifié
Le projet d’article 45 g prévoit :
"A qualified electronic archiving service for electronic documents may only be provided by a qualified trust service provider that uses procedures and technologies capable of extending the trustworthiness of the electronic document beyond the technological validity period. Within 12 months after the entry into force of this Regulation, the Commission shall, by means of implementing acts, establish reference numbers of standards for electronic archiving services. Those implementing acts shall be adopted in accordance with the examination procedure referred to in Article 48(2)."
Ce projet de disposition met en exergue deux points majeurs :
- Le Tiers archiveur qui entend délivrer un service d’archivage électronique qualifié va devoir être qualifié en qualité de Prestataire de services de confiance au sens du futur Règlement eIDAS. Cette qualification pourrait venir en complément des différentes certifications réalisées par les Tiers archiveurs par rapport à des normes techniques foisonnantes comme les normes NF Z42-013 ou Z42-026. Cette qualification peut nécessiter pour les Tiers archiveurs des efforts complémentaires et il convient de s’assurer qu’elle ne serait pas en contradiction avec certaines exigences formulées dans les normes.
- Les services d’archivage visés doivent permettre d’étendre la confiance en un document électronique au-delà de la période de validité technologique. On ne peut penser ici qu’aux certificats dont la durée de validité est de deux ou trois ans au maximum et dont la validité juridique au moment du versement du document dans le SAE ou le CFN ne pourrait être rapportée au-delà. Une solution comme les fichiers de preuve pourrait permettre de répondre à cet impératif fixé par les textes.
Pour l’heure, il ne s’agit encore que d’un projet, susceptible d’évolutions. Certaines instances comme la Fédération des Tiers de Confiance du Numérique veilleront à ce que ce texte puisse correspondre à un état de l’art réel pour ce marché.
Eric A. Caprioli et Pascal Agosti, avocats associés, docteurs en droit
Caprioli & Associés, société d’avocats membre du réseau Jurisdéfi
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