L’avenir de Soitec en électronique est suspendu au choix de Samsung
Soitec veut sortir du solaire. Mais pour le développement de ses substrats de silicium sur isolant, son activité d’origine, la société grenobloise ne peut compter sur STMicroelectronics et IBM, ses deux grands clients actuels. La solution pourrait venir de Samsung. Le géant coréen retiendra-t-il cette technologie pour ses futures puces avancées ? C’est probable.
L’avenir de Soitec est plus que jamais en question. Après son abandon du solaire et son recentrage sur les substrats de puces électroniques, qui constituent son activité d’origine, la société grenobloise va-t-elle réussir à rebondir ? "La réponse est difficile, car les ennuis de Soitec ne sont pas dus à la qualité de sa technologie, qui est très bonne, mais à des considérations plutôt politiques", répond Guy Dubois, consultant en semi-conducteurs et expert auprès de Decision, cabinet parisien d’études de marché high-tech.
Soitec fabrique des plaques de silicium sur isolant (SOI pour Silicon on insulator) avec une technologie unique de scalpel électronique (baptisée SmartCut), qui permet de découper une couche nanométrique de silicium ultra pur et de la coller sur une plaque de silicium classique dont la surface de collage est transformée en isolant. Par rapport aux plaques traditionnelles de silicium massif, ce substrat en forme de sandwich a l’avantage de réduire les courants de fuite, et donc la consommation de courant, tout en améliorant la vitesse de traitement. C’est nécessaire pour les dernières générations de puces, car la miniaturisation augmente les courants de fuite, et donc la consommation.
Technologie FD-SOI contre technologie FinFET
Problème ? La dernière technologie FD-SOI (Fully depleted SOI), développée conjointement avec le CEA-Leti et STMicroelectronics pour les gravures de 28 nm et moins, n’a été adoptée que par STMicroelectronics et IBM. Deux clients en recul sur le marché. Le premier a arrêté son aventure dans les puces pour mobiles en démantelant ST-Ericsson, sa coentreprise avec Ericsson. Le second souffre de la baisse de ses serveurs à hautes performances basés sur ses propres processeurs Power. Ni Intel ni Qualcomm, les deux leaders mondiaux des circuits intégrés numériques, n’ont opté pour la technologie FD-SOI. Et AMD, un ancien grand client, a totalement abandonné le silicium sur isolant à partir de 2008.
"Cette technologie a tout pour plaire, mais elle a le grand défaut d’être française, estime Guy Dubois. C’est pourquoi les grands américains des semi-conducteurs, comme Intel ou Qualcomm, ont choisi son alternative FinFET de transistors 3D, développée, elle, aux États-Unis." Son échec s’explique aussi par sa disponibilité auprès d’un nombre limité de fournisseurs. Certes, Soitec a tenté de créer des secondes sources d’approvisionnement en licenciant deux grands fournisseurs de plaques de silicium : l’allemand Siltronics et le japonais Sumitomo. Mais la société hexagonale domine toujours l’offre avec plus de 85% du marché. "Vous voyez Intel ou Qualcomm dépendre d’un petit fournisseur français, qui est, en plus, en difficulté depuis des années ?", s’interroge Jean-Pierre Della Mussia, ancien directeur de la rédaction d’Electronique Hebdo, aujourd’hui consultant indépendant.
Global Foundries en arbitre
STMicroelectronic, qui mise à fond sur le FD-SOI, a tenté, lui aussi, d’ouvrir la technologie en la licenciant au fondeur américain GlobalFoundries. Une façon pour le groupe-franco-italien de semi-conducteurs de disposer d’une seconde source pour la fabrication de ces circuits numériques avancés en 28 nm et de mettre la technologie à la disposition d’acteurs fabless, clients de GlobalFoundries. "Mais la position de GlobalFoundries au sujet du FD-SOI n’est pas claire, constate Guy Dubois. Elle est du style 'je t’aime moi non plus'." Le fondeur américain ne fait rien pour promouvoir la technologie FD-SOI. Sa priorité est de développer la technologie FinFET en 14 nm pour la fabrication de la prochaine génération de processeur A9 d’Apple.
Une solution de sortie d’Apple pour Samsung
L’avenir de Soitec en électronique reste suspendu au choix de Samsung, l’autre licencié de STMicroelectronics pour la technologie FD-SOI. Le géant coréen de l’électronique, qui développe également la technologie FinFET en 14 nm pour la fabrication du processeur A9 d’Apple, va-t-il faire appel à la technologie française pour ses futurs processeurs Exynos au cœur d’une partie de ses tablettes et smartphones Galaxy ? C’est probable, selon Jean-Pierre Della Mussia. "En difficulté dans les mobiles, Samsung est pris en sandwich entre Apple dans le haut de gamme et les chinois dans l’entrée et le milieu de gamme, explique-t-il. Pour s’en sortir, seule solution : attaquer Apple dans le haut de gamme en utilisant des processeurs plus performants que ceux de son grand concurrent." Pour sa prochaine génération de processeur A9, la firme à la pomme a choisi la technologie FinFET en 14 ou 16 nm. " En privilégiant la technologie FD-SOI pour ces propres processeurs, Samsung prendrait une avance d’une génération technologique sur Apple ", estime Jean-Pierre Della Mussia.
A ce stade, Samsung, d’habitude agnostique sur le plan technologique, joue sur les deux tableaux, avec une priorité pour la technologie FinFET. La licence FD-SOI dont il dispose se limite aux puces en gravure de 28 nm. S’il décide de l’utiliser pour ses futurs circuits, il devra en acquérir des licences pour des gravures plus fines. Peut-être auprès d’IBM qui la met déjà en œuvre pour ses processeurs Power en 20 nm. Il n’y a aucune certitude à ce qu’il le fasse. C’est juste une forte probabilité.
Ridha Loukil
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