L'internet des objets, allié des ressources humaines ou outil de deshumanisation du travail ?
Notre vie quotidienne est envahie par les objets connectés… y compris nos lieux de travail. Dans ce contexte, comment ne pas se sentir espionnés voire déshumanisés ? Quelle sera la place de l’Humain dans l’usine 4.0 et ses unités automatisées et connectées ? Comment répondre en tant que RH à ces problématiques ? Elisabeth Noirfontaine, consultante Senior chez SQLI Toulouse, apporte des éléments de réponse.
Mis à jour
22 décembre 2015
Nous percevons l'internet des objets (IoT) dans notre vie quotidienne comme un ensemble d'innovations bienveillantes destinées à améliorer notre confort. Nous n’hésitons pas à confier le fonctionnement de nos objets de tous les jours à des objets connectés (M2M = Machine To Machine) dans nos villes, nos maisons, nos voitures…
Mais aurons-nous la même perception positive de l’IOT dans les 5 prochaines années, lorsque ces objets auront aussi pris le pouvoir sur le poste de travail ? Comment en tant que RH aborder ce virage majeur en gardant un caractère humain ?
L'IoT comme outil de confort et de prévention
Vous rêvez certainement d’être guidés le matin vers les places libres de parking sur votre lieu de travail, que l’éclairage de votre bureau ou votre PC ou tout autre dispositif soit mis en marche dès votre arrivée sur ce parking ou à distance, à la demande. Tout ceci relève en fait de la domotique étendue au travail.
Personne ne s’oppose non plus à l'IOT dès lors qu’il s’agit de diminuer les TMS ou autres maladies et risques professionnels touchant par exemple les manutentionnaires, les employés soumis aux radiations et ceux exposés au risque biologique qui pourront déléguer certaines tâches à des exosquelettes ou des engins connectés. Aucun problème pour utiliser notre badge pour accéder à notre lieu de travail, comme moyen de paiement de la cantine, comme sésame afin d’autoriser et de vérifier nos habilitations et leur validité à utiliser telle machine ou tel PC. En réalité, tout ceci existe depuis longtemps, seule la technologie change : nous sommes passés de la puce à l’IOT.
Les problèmes apparaissent lorsque nous devenons nous-mêmes IOT par l’implantation de dispositifs sur nos corps.
L'Iot pour mesurer la pénibilité
Ce virage a déjà été pris en douceur par nos RH dans le souci de veiller à notre sécurité et notre santé au travail; la législation introduisant le compte pénibilité. Des capteurs intelligents, parfois intégrés aux vêtements de travail (tissu connecté Cityzen Sciences), ont commencé à être développés depuis 2015; ils permettront de mesurer les valeurs et le temps d’exposition aux facteurs de pénibilité.
Regardez par exemple le POC (Proof Of Concept) boitier pénibilité SQLI : il s'agit d'une application mobile permettant de comptabiliser et de vérifier le nombre d’heures de pénibilité pour chaque salarié d’une entreprise. L’application fournit, pour chaque salarié, un graphique qui indique le temps de travail passé sur des machines et son total d’heures de pénibilité. Côté RH, un tableau de bord permet de visualiser tous les collaborateurs, par machine et par jour. En termes d'équipement, le dispositif détecte grâce à un capteur de mouvements infrarouge les cartes RFID portées par les salariés, permettant ainsi de définir le début et la fin de l'activité.
L'IOT comme outil de surveillance ?
Des voix s’élèvent contre ces dispositifs considérés comme de véritables trackers d’activité ; comment seront exploitées les données et .. à quelles fins ? Le caractère invasif des IOT est ici perçu comme une menace sur nos libertés semblant sortir tout droit de “1984”. Rassurez-vous : dans ce cadre, imposé par la législation, la solution existe déjà dans la Loi "Informatique et Libertés". Les RH des entreprises devant pour le législateur, veiller à bien utiliser ces données personnelles au seul usage du compte pénibilité.
Espérons que le cas de cette entreprise suédoise qui a proposé à ses salariés de se faire implanter une puce qui remplacera leur badge d’accès bâtiment, cantine et photocopie reste isolé.
L'IoT comme outil de transformation... et de lien social
L’usine 4.0 … ses machines-outils autonomes, connectées, auto diagnostiquant les pannes, les anticipant grâce à de l’analyse prédictive. Cela est futuriste oui mais déshumanisé. Un futur toujours plus froid, aseptisé et robotisé, un futur où tout est prévu et prédit, en deux mots : Minority Report.
La réalité est tout autre : pour les activités les plus complexes, le salarié est bien là ; un salarié différent, dont le geste métier est optimisé en temps réel. Celui-ci-ci est formé et assisté à chaque instant avec une documentation adaptée à jour, ou la correction de ses imprécisions.
Or, pour ce faire, l'IOT a besoin de communiquer en temps réel avec l’humain, sortant de leur univers de M2M pour imaginer une nouvelle IHM (Interface Homme Machine) adaptée à leur niveau d’innovation. Hors de question de revenir aux vieux écrans de PC alors que la mobilité est notre leitmotiv ! Dans notre quotidien, les tablettes et smartphones ont logiquement servi de points d’accès à ces IOT. Au travail nous avons besoin d’avoir les mains libres.
Alors, quelle solution ? Airbus a trouvé récemment une réponse à cette question en décidant d’adopter une solution de lunettes de Réalité Augmentée sur la chaine d'assemblage final (FAL) de ses A330.
En conclusion, oui c’est un enjeu majeur pour les RH de donner aux salariés l’accès à la révolution des IOT pour travailler mieux, plus sûrement et plus rapidement et afin de contribuer au développement de leurs compétences et de leurs talents.Tout repose sur la communication et la conduite du changement pour les RH : il faut expliquer aux salariés tous les gains que leur apportent les IOT au niveau de leur bien-être au travail et de leur montée en compétence.
Mais pour ne pas ressembler à un Big Brother du XXIe siècle, il faut aller plus loin en relevant le défi de laisser à ces mêmes salariés le contrôle sur l'Internet des objets grâce à une interface adaptée, par la réalité augmentée par exemple : une interface tout simplement humaine. La cohabitation entre les hommes et les machines fonctionnera alors naturellement et sans résistance.
Elisabeth Noirfontaine, consultante Senior chez SQLI Toulouse
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