L'utilisation croissante de YouTube comme outil pédagogique inquiète les chirurgiens américains

YouTube est de plus en plus utilisé par les chirurgiens comme outil complémentaire dans leur formation médicale. Cette utilisation pose des problèmes quant à l'exactitude des techniques proposées dans ces contenus qui pourraient induire en erreur les jeunes professionnels.

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L'utilisation croissante de YouTube comme outil pédagogique inquiète les chirurgiens américains

Les vidéos montrant des opérations chirurgicales explosent sur YouTube. Dans une étude publiée en janvier 2019, des chercheurs ont recensé 20 000 vidéos liées à la prostate contre 500 seulement en 2009. Et le nombre de vues est parfois étonnant. Une vidéo qui montre une ablation de la cataracte (opacification partielle ou totale du cristallin) a été vue plus de 1,7 million de fois sur YouTube.

Les vidéos sont une aubaine pour les médecins en formation. Interrogé par CNBC dans un article publié le 24 novembre 2019, Barad, qui vient de terminer ses études en chirurgie, explique l'importance qu'a pris YouTube. Il raconte qu'il se préparait à une opération en regardant une vidéo. Parfois, il utilisait même ces contenus pendant un acte particulièrement difficile ou qui présentait une complication. "Je ne connais pas de chirurgien qui n'ait pas eu d'expérience similaire", indique-t-il au média américain.

Un outil pédagogique

Ces vidéos répondent alors à une vraie demande : la formation initiale en médecine est jugée compliquée et insuffisante. Comme la tradition le veut, le chirurgien transmet ses connaissances en opérant avec une ribambelle d'internes qui tentent d'enregistrement chaque mouvement. Mais que reste-t-il dans leur mémoire après un ou deux ans sans avoir pratiqué ? Par exemple, sur la prise en charge de l'arrêt cardiaque, les performances commencent à diminuer au bout de trois à six mois après une formation.

Pour mesurer cet engouement, l'Université d'Iowa a interrogé ses chirurgiens et étudiants. Elle a constaté que YouTube était de loin la source vidéo la plus utilisée pour la préparation chirurgicale. Les chirurgiens plus expérimentés utilisent également cet outil.

l'Absence de peer review

Mais comment être sûr que les techniques utilisées pendant la vidéo sont exactes ? Une autre étude publiée en octobre 2017 révèle des chiffres quelque peu inquiétants. Les chercheurs ont recensé environ 68 000 vidéos montrant l'immobilisation d'une fracture du radius distal (os de l'avant-bras). Ils ont évalué leur contenu en fonction des compétences techniques et éducatives pour créer un score. Conclusion : seules 16 vidéos répondaient à des critères de base correspondant au travail d'un professionnel de santé. D'autres études pointent du doigt les algorithmes utilisés par YouTube qui mettent en avant des contenus où la technique utilisée n'est pas optimale. Les chercheurs se désolent de cette situation où la popularité d'une vidéo prime sur sa qualité éditoriale.

En réalité, ils regrettent l'absence de revue par les pairs (peer review), qui est au cœur de la méthode scientifique. Un groupe de chirurgiens esthétiques américains a d'ailleurs publié une tribune dans la revue Plastic and Reconstructive Surgery pour proposer des lignes directrices reprenant les quatre grands principes de l'éthique médicale : le principe d'autonomie, de bienfaisance, de non-malfaisance et justice.

Google se penche sur la question

En France, l'Ordre des Médecins a rappelé à plusieurs reprises qu'il n'existait aucune contre-indication au partage d'images d'opérations chirurgicales à condition de respecter certains principes au rang desquels le secret médical, l'accord et l'anonymat du patient… A défaut, le professionnel s'expose à une procédure disciplinaire, voire judiciaire.

La plate-forme américaine n'a jamais prétendu être agréée pour la formation médicale. Mais Google, société mère de YouTube, n'est pas totalement sourde aux inquiétudes des professionnels. Lors d'une conférence organisée début novembre 2019, le vice-président de la firme en charge de la division santé, David Feinberg, a indiqué que ses équipes cherchaient à mieux gérer le contenu médical dans un objectif plus global de lutte contre les fausses informations.

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