
C'est un tournant important pour la "gig economy". Le projet de loi dit "AB5" requalifiant les chauffeurs VTC en salariés a été approuvé mercredi 18 septembre 2019 par le gouverneur de l'Etat, Gavin Newsom. Ce projet de loi avait auparavant été adopté par le Sénat californien par 29 voix pour et 11 contre ainsi que par l'Assemblée à 59 voix contre 15, selon le New York Times.
Cette nouvelle provoque un bouleversement considérable pour le modèle économique d'entreprises comme Uber et Lyft. En effet, la banque américaine Morgan Stanley estime que le passage au statut de salarié de leurs chauffeurs (qui sont aujourd'hui traités comme des indépendants) augmenterait leurs coûts de 35%.
Bénéficier d'une protection sociale
Selon ce texte qui entrera en vigueur au 1e janvier 2020, les chauffeurs devront être considérés comme des salariés dès lors qu'ils travaillent principalement ou régulièrement pour ces plates-formes de transport. Cette requalification leur permettra de bénéficier d'une protection sociale (salaire minimum, congés maladies, chômage…) dont ils étaient dépourvus auparavant. Le syndicat "California Labor Federation" s'est félicité de cette nouvelle dans un tweet, en déclarant "qu'il était temps de reconstruire la classe moyenne et de s'assurer que tous les travailleurs bénéficient des protections de base qu'ils méritent".
BREAKING #AB5 has passed the CA Senate! This is a huge win for workers across the nation! It's time to rebuild the middle class and ensure ALL workers have the basic protections they deserve. Thank you to everyone who helped #DisruptInequality ???? @LorenaSGonzalez #YesonAB5
— California Labor Federation (@CaliforniaLabor) September 11, 2019
Inscrire durablement une décision de la Cour Suprême de Californie
Cette loi vise à inscrire durablement la décision de la Cour Suprême de Californie nommée Dynamex Operations West v. Cour Supreme, rendue en avril 2018, dans laquelle la haute juridiction avait incité les sociétés de la "gig economy " à utiliser le test dit "ABC" pour déterminer si un travailleur devait être considéré comme un employé.
L'un des trois critères est que le travailleur doit effectuer des tâches "en dehors du cours normal des activités de l'entité qui embauche". Et c'est justement sur ce point qu'Uber construit son argumentation : "plusieurs décisions précédentes ont montré que le travail des conducteurs était en dehors des activités habituelles d'Uber, qui sert de plate-forme technologique pour plusieurs types de marchés numériques", a déclaré Tony West, responsable juridique de la plate-forme, au site américain Gizmodo.
Proposer des avantages sociaux tout en préservant la flexibilité
Uber et Lyft se battent depuis plusieurs mois pour éviter cette requalification en proposant des solutions alternatives. Le 30 août 2019, les plates-formes s'étaient dites prêtes à verser 60 millions de dollars (30 millions chacune) pour financer un référendum à l'horizon 2020. Un porte-parole de Lyft confiait alors au site Techcrunch : "Nous travaillons à l’élaboration d’une solution qui offre aux conducteurs des protections solides, notamment une garantie de revenu, un système d’avantages sociaux, sans compromettre la flexibilité que les conducteurs nous disent apprécier énormément."
Uber proposait, par exemple, l'établissement d'un salaire minimum de 21 dollars par heure d'activité. Lyft, de son côté, suggérait la mise en place d'une protection pour les accidents du travail et des congés payés pour les chauffeurs qui passent plus de 20 heures par semaine en course.
Une question toujours pas tranchée par la justice française
En France, cette question n'est toujours pas tranchée. Quelques tribunaux estimaient que la liberté horaire dont ces prestataires disposaient faisait obstacle à "la reconnaissance d'un contrat de travail". La Cour de cassation et la cour d'appel de Paris ont statué différemment quelques mois plus tard.
Par un arrêt en date du 28 novembre 2018, la Cour de cassation a reconnu l'existence d'un contrat de travail entre un livreur à vélo et la plate-forme "Take Eat Easy". Puis c'était au tour de la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 10 janvier 2019, de rendre une décision similaire. Pour la première fois, elle a considéré que la relation contractuelle liant la société Uber à l'un de ses chauffeurs était une relation de travail. Par un "faisceau d'indices", la juridiction française a jugé qu'un lien de subordination existait entre les deux protagonistes.
En parallèle, depuis mars 2018, neuf chauffeurs Uber s'opposent au géant américain devant les prud'hommes de Paris. Ils exigent une requalification de leur contrat de travail afin d'être reconnu comme "salariés" et de bénéficier des droits en découlant. Le verdict devait tomber le 11 mars 2019. Mais les conseillers saisis du dossier n'ayant pas réussi à se mettre d'accord, "une audience de départage" a dû être instaurée, rallongeant la procédure de plusieurs mois au minimum.
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