La chirurgie augmentée, c'est maintenant, et c'est en France !

La réalité augmentée a un fort potentiel de transformation pour les métiers manuels, en particulier quand ils évoluent dans des environnements complexes ou sensibles. Pas étonnant donc qu'elle intéresse autant les chirurgiens. L'accès simplifé aux images scanner des patients, à une meilleure visibilité "à travers la peau" et à une collaboration vidéo à distance promet de révolutionner leur métier. Et cette révolution est déjà là. La première opération "augmentée" aura lieu en France le 21 novembre 2017.

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La chirurgie augmentée, c'est maintenant, et c'est en France !
De gauche à droite : Gaël Kuhn, Stephan Haulon, Thomas Gregory, et Laurent Schlosser, directeur en charge du secteur public chez Microsoft.

La toute première présentation faite à Microsoft Expériences 2017, le 3 octobre au matin, était sans aucun doute la plus impressionnante. Son thème : l'utilisation de la réalité augmentée par les chirurgiens. Microsoft avait réuni pour l'occasion les professeurs Thomas Gregory, chirurgien orthopédiste à l'hôpital Avicenne et président de la fondation Moveo, et Stephan Haulon, chirurgien cardio-vasculaire au centre chirurgical Marie Lannelongue. Ils étaient accompagnés par Gaël Kuhn, directeur produit chez l'éditeur de logiciels de visualisation médicale TeraRecon. Ils présentaient ensemble les avancées de leurs travaux pour révolutionner le workflow des chirurgiens au bloc opératoire.

Un casque pour remplacer trois écrans

Le principe est simple. Aujourd'hui, les chirurgiens disposent d'une multitude d'écrans sur lequels sont affichés radiographies, coupes de scanner et autres informations. L'équipement est encombrant et oblige le personnel médical à naviguer autour. Avec des casques de réalité augmentée HoloLens, les médecins pourront désormais voir ces informations en un seul endroit. Le contrôle se fera par la gestuelle et les commandes vocales, ce qui leur laissera les mains libres pour opérer. "C'est une révolution en matière d'ergonomie, explique le professeur Haulon. Il n'y a plus besoin de se tourner entre trois écrans différents, tout est intégré sur le casque. Chaque personne dispose de l’information et peut la personnaliser en fonction de ses besoins."

Mais cela va plus loin. La réalité augmentée permet d'afficher le modèle 3D natif du scanner, que le chirurgien peut tourner dans tous les sens et observer sous toutes les coutures pour mieux planifier l'intervention avant qu'elle n'ait lieu. "L'information est calculée dans le cloud et seule l'image est diffusée jusqu'à notre application HoloPortal, détaille Gaël Kuhn. Cela permet une qualité maximale, sans compromis, avec une visualisation 3D impossible sur un écran traditionnel." Il nous a par ailleurs assuré que la latence entre les inputs du chirurgien et leur répercussion à l'écran reste très faible. "J'ai effectué un test entre Paris et le Texas où la latence n'était que de 30 millisecondes. Mais nous privilégions de toute façon les data centers locaux de Microsoft, qui garantissent une latence minimale dans chaque zone géographique", précise-t-il.

Collaboration à distance entre chirurgiens

Pendant l'opération, le chirurgien peut se référer à ces informations en permanence. "C'est un bond en avant du même acabit que le passage de l’encyclopédie papier au moteur de recherche, s'enthousiasme le professeur Grégory. Le chirurgien reste 100% stérile mais a toutes les informations sur le patient en temps réel dans le bloc. Imagerie médicale, notes et observations, reconstructions 3D ou coupes 2D…" Il peut aussi faire appel à des collègues basés dans d'autres hôpitaux (voire situés dans d'autres pays) et leur partager ce qu'il voit durant l'opération pour obtenir des conseils en cas de besoin.

Voir à travers la peau du patient

Cette capacité de visualisation est encore plus utile pour les interventions micro-invasives, c'est-à-dire pour lesquelles le patient n'est ouvert que sur une toute petite surface. "Il va nous être possible de cibler la zone d'intérêt en début d'opération avec une très grande précision, et de conserver ce marquage même si le patient bouge. Cela diminuera les tailles de cicatrices", explique Stephan Haulon.

L’hologramme est réinséré en surimpression sur le corps du patient, ce qui fournit un guide visuel au chirurgien. Il peut voir "à travers la peau" du patient. "Pour la pose d'un stent par exemple, il sera possible de naviguer en 3D à l'intérieur du système vasculaire sans ouvrir le patient, reprend le professeur Haulon. Surtout, on pourra à la fin de l'intervention faire une acquisition 3D pour vérifier son succès technique et étudier la réparation qui a été faite. Aujourd'hui, le patient part en réanimation, puis change d'étage, il va faire un scanner et s'il y a un souci, il doit revenir au bloc. Avec HoloLens, on pourra vérifier directement et corriger dans la foulée. Cela va faire passer le temps moyen d'hospitalisation de 7 jours à 3."

Le professeur Gregory va même plus loin. "Le numérique va transformer la chirurgie comme l'aviation civile a été transformée par le pilotage automatique. Aujourd'hui, les gens essaient de choisir leur chirurgien car ils savent que la qualité des opérations peut beaucoup varier. La réalité augmentée va lisser tout ça pour nous donner une qualité plus constante."

De nombreux défis demeurent

Sans surprise, au stade actuel la précision d'HoloLens ne suffit pas à complètement se passer des techniques traditionnelles. "Il a bien évidemment fallu apprendre à gérer la précision des outils et leur marge d'erreur. Lorsque nous avons besoin d'être précis au millimètre près, nous effectuons des mesures pour ajuster", dit le professeur Haulon. Il s'agit pour lui d'une nécessaire phase transitoire, le temps que les outils s'améliorent. Il rappelle aussi que tout ce qui permet de diminuer l’exposition aux rayons X des patients et des personnels est bénéfique.

Le temps opératoire est également un facteur clé. "Toute minute supplémentaire expose le patient à un risque d’infection, rappelle Stephan Haulon. Si la technologie rajoute 45 minutes pour recaler le modèle 3D avec sur le patient, elle n’a aucun intérêt. Nous avons fait un gros travail sur le workflow et nous avons atteint des délais de quelques minutes, le recalage se faisant en moins d'une minute." Cela a représenté un vrai défi pour TeraRecon, explique Gaël Kuhn. "Lorsque le patient bouge, le système vasculaire se déforme à l'intérieur de son corps, et il nous faut pouvoir recalculer le modèle 3D à la volée pour qu'il reste utile. Nous utilisons pour cela des algorithmes d'intelligence artificielle combinés à la puissance d'Azure GPU."

La première "intervention augmentée" aura lieu en France le 21 novembre

La première intervention utilisant ce système aura lieu le 21 novembre 2017 à l'hôpital Avicenne (Bobigny, 93). "Il s'agira de la pose d'une prothèse d’épaule, explique le professeur Gregory. Elle montrera en quoi l'utilisation d'HoloLens est une révolution." Quatre confrères suivront l'opération en direct à travers le monde : le professeur Sledge de l'Université Lafayette en Louisiane, les docteurs Emery et Riley de l'Imperial College de Londres, et le professeur Young Lae Moon, de l'hôpital universitaire de Chosun, en Corée du Sud. "Ils pourront afficher des hologrammes sur mon champ de vision. Eux n'auront pas besoin d'HoloLens, un simple ordinateur ou même un smartphone suffira," précise le médecin.

Si HoloLens a été retenu comme la situation la plus adaptée à l'heure actuelle, elle n'est en effet pas une finalité. "Nous souhaitons développer l'aspect multiplateforme, révèle Gaël Kuhn. Nous voulons que le système puisse fonctionner avec tout type d'appareils, d'un casque HTC Vive à un smartphone équipé d'ARKit (iPhone) ou ARCore (Android)."

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