"La loi de programmation militaire donne une connotation très négative au numérique", affirme Guy Mamou-Mani
Trois questions à Guy Mamou Mani, président du Syntec Numérique, au sujet de l’article 13 du projet de loi de programmation militaire, qui fait polémique.
Propos recuillis par Emmanuelle Delsol
L'usine Digitale - Quelle est votre réaction à l’article 13 du projet de loi de programmation militaire qui fait polémique ?
Guy Mamou-Mani - Ma réaction sur le sujet n’est pas tellement longue. Comme nous l’avons exprimé [dans la déclaration du Syntec, ndlr], cela nous inquiète pour deux raisons. Pour commencer, elle donne une connotation très négative au numérique qui n’a pas besoin de cela. De plus en plus, on explicite les dangers du numérique plutôt que d’en voir les avantages. C’est mon observation personnelle, car je mène un combat pour rendre le numérique populaire et on ne parle que réduction d’emploi, principe de précaution … Ce qui fait que nous n’avançons pas. Je préfèrerais que l’on travaille sur la construction d’un climat de confiance.
Quelle est la deuxième raison de votre inquiétude ?
La deuxième raison, c’est qu’avant de toucher à ce genre de sujet, il faut y travailler longuement. L’article 13 tel qu’il est écrit aujourd’hui ne donne aucune garantie que n’intervienne pas un jour une utilisation abusive de la loi. Et nous regrettons vraiment qu’il n’y ait pas eu de consultation en amont.
Cette loi semble faire l’unanimité du secteur contre elle ? Qu’en pensez-vous ?
Effectivement. Mais je veux insister sur le fait qu’il ne s’agit pas que de l’unanimité des industriels du numérique, mais il s’agit bien d’un problème de réflexion citoyenne. Il est important que tout le monde soit consulté. Et les industriels du numérique ne sont pas les seuls inquiets. Cependant, je pense que c’est différent de ce qui s’est passé avec PRISM aux Etats-Unis. J’ai trouvé certaines réactions excessives. Le terme de dictature me parait excessif, par exemple. Il reste que le bon sens, ce serait plutôt d’aller contrôler ce que font les Etats-Unis en matière d’abus, de mettre une certaine pression sur eux, plutôt que de se mettre dans une position défensive en écrivant ce type de loi.
Ce n’est pas un Prism à la française, mais c’est quand même une mauvaise démarche. Et c’est ce que nous soulignons. Il n’y a aucun cadrage, aucune limite. On comprend bien qu’il y ait des problèmes, comme la pédophilie, qui nécessitent des lois. Mais on pouvait déjà accéder aux données au travers d’un juge d’instruction. Avec cette loi, c’est un accès direct par le réseau. C’est ce qui nous préoccupe, sans faire de procès d’intention. Nous demandons une consultation, mais de tous l’écosystème, pas seulement des industriels. En ce qui nous concerne, au Syntec numérique, nous adhérons complètement à la position du CNNum.
Propos recuillis par Emmanuelle Delsol
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