La pépite grenobloise Kalray creuse son sillon dans les processeurs de nouvelle génération
Créée en 2008, la deep tech iséroise s’apprête à commercialiser le Coolidge 2, un processeur basse consommation parmi les plus performants du marché pour le traitement intensif des données. Une expertise unique en Europe, essentielle notamment pour l’essor de l’intelligence artificielle.
Kalray accélère. La société iséroise, spécialiste des processeurs pour le calcul haute performance et le traitement intensif des données, vient d’annoncer le tape-out (fin de la phase de conception) et le début du processus de fabrication de la nouvelle version de sa puce Coolidge. Cette Coolidge 2 offre des performances de calcul jusqu’à dix fois supérieures à son précédent modèle… sorti il n’y a pourtant que deux ans ! Preuve de la rapidité à laquelle évolue ce type de technologie, fidèle à la célèbre loi de Moore.
Une avancée significative dans la feuille de route de la pépite française, qui se rêve en Nvidia européen, du nom du mastodonte américain du secteur qui frise les 1 000 milliards de dollars de capitalisation boursière.
Intelligence artificielle et edge computing
Deux usages principaux sont ciblés. D’une part, l'Edge computing, c’est-à-dire quand le traitement informatique se fait à l’emplacement même de la source de données, à l’image de l’Internet des objets, des réseaux de télécommunications ou des véhicules connectées. En novembre dernier, Kalray annonçait la signature d’un contrat de plusieurs dizaines de millions de dollars par an avec un acteur américain d’envergure dans ce domaine (sans en révéler le nom, par mesure de confidentialité).
D’autre part, l’intelligence artificielle, un secteur qui traite des quantités gigantesques de données et en plein boom depuis le phénomène ChatGPT. Rien qu’au mois de mai, les investisseurs ont injecté 11 milliards de dollars dans des entreprises d’IA aux États-Unis ! "Quand on parle de ChatGPT, on pense au processeur qui fait marcher le réseau de neurones. Mais il y a un autre besoin : la capacité de stockage ultra-rapide de données. Il se trouve qu’on est la société la plus avancée sur ce marché", assure Éric Baissus, le président du directoire de Kalray.
Le pionnier des "DPU"
Ce positionnement privilégié est le fruit d’une technologie de rupture née dans les laboratoires de recherche du CEA de Grenoble… en 2008 ! À l’époque, la vision est clairement avant-gardiste : la société va générer de plus en plus de données qu’il va falloir analyser tout de suite. Exemple : une voiture autonome, bardée de capteurs, va devoir transformer en temps réel les données récoltées sur la route en informations de conduite.
Problème : les processeurs traditionnels n’ont pas été développés pour cet usage. Kalray va donc développer un type de processeur spécifique qu'il appelle DPU (pour Data Processing Unit), distinct des processeurs généralistes (CPU) ou des puces graphiques (GPU), qui ont fait la renommée de Nvidia et qui sont au coeur de l’essor de l’IA générative. "En tant que pionnier, notre ambition est de devenir le leader des DPU", affirme Éric Baissus.
Il faut dire que le marché est désormais mature et que les gros acteurs du secteur ont commencé, à leur tour, à se positionner sur ce type de processeurs. Ce qui n’inquiète pas outre mesure cet entrepreneur, ancien vice-président innovation d’Alcatel-Lucent à San Francisco : "D’après plusieurs experts, nous avons la meilleure technologie et architecture. Ça fait quand même 15 ans qu’on travaille dessus !", sourit-il. Ses puces sont basées sur une architecture brevetée nommée Massively Parallel Processor Array, ou MPPA.
Pour lui, les clients regardent en priorité une mesure : le montant d’informations traitées par dollar et par watt. À ce petit calcul, l’entreprise côtée à Euronext se démarque par sa très basse consommation énergétique, sa haute performance et, de surcroît, son interface programmable.
Un acteur unique en Europe
Kalray compte près de 200 salariés dont plus d’une centaine dans son siège de Montbonnot-Saint-Martin, dans l’agglomération grenobloise, au sein de la technopole d’Inovallée. Des effectifs qui vont croître de 20 % cette année, pour accompagner la croissance d’un chiffre d’affaires multiplié par dix en 2022 (16,4 millions d'euros) et estimé à 40 millions d'euros pour 2023. Ceci afin de finaliser la 4e génération de son processeur, dont la taille du transistor devrait passer de 7 à 4 nanomètres, avec de meilleures performances encore. Sortie prévue : fin 2025.
Dans les bureaux sur place, de grandes baies vitrées donnant sur les montagnes, des rangées d’ingénieurs derrière leurs écrans mais, excepté le service de tests techniques… aucune puce à l’horizon. Kalray est en effet fabless : la fabrication est délocalisée chez l’un des seuls acteurs au monde capable de fabriquer des processeurs avec un tel niveau de précision, le taïwanais TSMC.
Il n’empêche, la société iséroise est le seul acteur en Europe à concevoir de A à Z des processeurs DPU. D’autant que, depuis le rachat du britannique Arcapix, en mars 2022, elle a ajouté la brique logiciel de stockage à son activité matériel, pour accroître sa chaîne de valeur.
Ce qui en fait un réel enjeu de souveraineté européenne sur ce marché stratégique à l’avenir… même si elle fait figure de David contre les Goliath américains et chinois. Au point d’être rachetée par l’un d’eux à terme ? “La question ne se pose pas, nous avons une marge de progression énorme devant nous”, assure Éric Baissus.
La pépite grenobloise Kalray creuse son sillon dans les processeurs de nouvelle génération
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir