"La réalité virtuelle n'est pas inaccessible pour les PME", juge Indira Thouvenin

L'Usine Digitale a recontré Indira Thouvenin, présidente de l'association française de réalité virtuelle, lors du deuxième Printemps numérique à Compiègne. Elle estime que la France a des atouts à faire valoir dans le secteur mais elle doit faire preuve de davantage d'audace.

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L'Usine Digitale - Les industriels français s'approprient-ils la réalité virtuelle ? Comment le paysage a-t-il évolué ces dernières années ?

Indira Thouvenin - Depuis dix ans, on est passés du combat pour la validation industrielle de l’ingénierie en environnement virtuel à des technologies matures. Auparavant, il avait fallu batailler pour mettre au point l'image en haute résolution visualisée en temps réel ou le retour d'effort convaincant. La réalité virtuelle est aujourd'hui arrivée à maturité, du coup elle intéresse davantage les industriels et le grand public.

Pour certains industriels, la réalité virtuelle est devenue un standard de travail. Elle fait partie du process de conception, de décision, de validation, de maintenance. C'est un élément clé de l'usine numérique complète. Depuis longtemps, les véhicules sont conçus à l'aide de salles immersives, de caves (un cube dans lequel on visualise sur toutes les faces y compris le sol et le plafond). C'est un outil répandu dans la filière automobile, aéronautique ou dans le monde du pétrole.

Il existe d'autres industriels qui, tout à coup, réalisent que la réalité virtuelle pourrait leur être utile mais ne disposent pas encore des moyens pour la mettre en œuvre. Prenons un exemple : un fabricant de verres optiques travaille sur du prototypage de lunettes avec de la réalité virtuelle. Il a besoin de faire du calcul de géométrie optique, pour permettre de visualiser un environnement de la même façon que si l'on portait des lentilles ou des lunettes. Cela demande des compétences spécifiques. L’industriel a alors besoin de mettre rapidement en place des modèles et des systèmes innovants. De nouveaux usages apparaissent, la technologie et les modèles scientifiques évoluent, il faut s'adapter.

Cette technologie est-elle hors de portée des PME et petites structures ?

Elle n'est pas inaccessible : le casque Oculus coûte 300 euros. Demain, une PME qui veut visualiser son prototype, naviguer virtuellement dans un nouveau bâtiment, mettre en situation son client face à un futur système, peut le faire. La question, c'est plutôt de savoir comment le faire, être curieux, savoir s'entourer et se faire conseiller.

Certaines PME peuvent travailler en partenariat et mutualiser les moyens pour répondre à des besoins communs.

Comment se situe la France dans la compétition internationale ?

Du point de vue technologique, la France se trouve plutôt en pointe. Il y a des domaines qui touchent aux mathématiques dans lesquels on est même excellents. On est bien placés dans le rendu de haut niveau et dans l’interaction 3D, par exemple, avec des publications régulières au niveau international. Il y a un vrai dynamisme aussi bien dans les labos que dans les start-up, les deux communautés se connaissent bien et travaillent ensemble.

C'est la frilosité des investisseurs, des banques, des institutions publiques, et de la règlementation en général qui freine le développement, et explique le fait que la France risque de se faire dépasser par d'autres pays. On bute sur la question du financement, mais il faut aussi changer les esprits. Ne pas penser compétition entre entités, mais être dans un esprit plus collaboratif et se compléter, arrêter de miser sur l'excellence, solitaire et inefficace, à tout prix. Concevoir une offre experte qui ne correspond pas à la demande et ne répond pas à un usage, ça ne sert à rien. Il faut se dire qu'il faut tester, avancer pas à pas, faire des expériences pilotes, et revenir en arrière en cas de problème, plutôt que de rester dans un schéma ancien et d’arrière garde. Ne rien faire, et attendre que les autres s'emparent du sujet, ce n'est pas non plus la solution.

Mais des pépites françaises existent, et peuvent exister en marge des géants du secteur comme Oculus-Facebook, Sony, Samsung ?

On peut être petit, malin, flexible, et faire de très belles innovations. Il faut en finir avec les visions du passé, celle des grands projets bien cadrés et à très long terme. Le numérique n’est pas comme d’autres secteurs industriels de ce point de vue. Une innovation en réalité virtuelle, augmentée, mixte doit être très rapide à porter sur le marché et les PME ont besoin d’urgence de flexibilité, de soutien et d’une sensibilisation de la haute administration qui est réellement démunie face à ce tsunami de dématérialisation.

On a de très belles start-up en France. Light and shadow développe une technologie pleine de promesses, un système qui permet de mettre un smartphone à l'intérieur d'un casque de réalité virtuelle. Reviatech apporte une nouvelle vision de la formation avec le numérique et maîtrise parfaitement à la fois les aspects pédagogiques, humains, et les technologies de haut niveau. Il faut accompagner ces initiatives, encourager les prises de risques.

Propos recueillis par Sylvain Arnulf

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