"La solution pour STMicro : créer l’Airbus des puces", juge Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes

Jean-Jack Queyranne, Président PS de la Région Rhône-Alpes et candidat à sa propre succession, s’est saisi du dossier STMicroelectronics. Il remet sur la table une vielle idée qui n’avait jusqu’ici jamais abouti : créer l’Airbus des puces en rapprochant le fabicant franco-italien des semi-conducteurs de l’allemand Infineon et du néerlandais NXP. Il répond aux questions de L’Usine Digitale.

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L'Usine Digitale - Vous avez porté le dossier de STMicroelectronics au niveau politique jusqu’à l’Elysée. Qu’attendez-vous du gouvernement et du Président de la République ?

Jean-Jack Queyranne - J’attends une mobilisation européenne à l’instar de ce qui a été fait en aéronautique avec la création d’Airbus. Il est urgent d’organiser la filière industrielle des semi-conducteurs en Europe. Sans un projet européen ambitieux, il n’y aura plus de constructeurs européens dans le secteur dans 10 ans. Le risque de laisser les trois champions européens – STMicroelectronics, Infineon et NXP - jouer chacun ses propres cartes est de les voir s’intégrer à terme dans des ensembles asiatiques ou américains. Il est nécessaire de mutualiser les moyens en R&D et innovation et d’amplifier l’effort de développement collaboratif à travers les quatre clusters en Europe : Grenoble, en France, Dresde en Allemagne, Eindhoven aux Pays-Bas et Louvain en Belgique. Le rôle des Etats européens est de fixer les éléments de cette coopération. La bataille dans les semi-conducteurs est mondiale. Si on avance en ordre dispersé, on est condamné à perdre.

Sur le problème de STMicrolectronics dans les circuits numériques, quelle solution proposez-vous ?

L’abandon de cette filière stratégique, qui représente 15% du chiffre d’affaires de STMicroelectronics, aurait des conséquences catastrophiques en termes d’indépendance technologique et d’emploi. Compte tenu de l’argent public investi dans la société, nous voulons éviter à tout prix ce risque. Il est vrai que STMicroelectronics a vu sa compétitivité décliner, alors que NXP et Infineon, qui se sont focalisés sur des produits leaders sur le marché, se portent bien. Il est aujourd’hui en position de faiblesse. Le risque est de le voir céder l’activité circuits numériques à des acteurs non européens. Il est nécessaire de réfléchir à une autre vision et une autre stratégie. C’est un enjeu à la fois national et européen.

Vous proposez une idée ancienne : la création d’un Airbus des puces par rapprochement de STMicroelectronics, Infineon et NXP. Est-ce envisageable aujourd’hui ?

Jusqu’ici, les trois industriels pensaient s’en sortir tous seuls. Ils ne pourront plus continuer à la faire car le secteur réclame une mobilisation financière toujours plus importante en R&D et investissement industriel. La solution passe par une politique industrielle européenne. C’est un secteur stratégique. Si on ne régit pas maintenant, on s’expose au syndrome de Nokia : les champions d’aujourd’hui n’existeront peut-être pas demain. C’est un moment crucial. Le Président de la République en est parfaitement conscient. Il en discute avec Angela Merkel, en Allemagne, et d’autres chefs d’Etat et de gouvernement européens. Les Etats ont les moyens de faire pression sur STMicroelectronics, NXP et Infineon pour se rapprocher. Je ne sais pas si cette idée va aboutir. La mondialisation impose de le faire. Sinon l’Europe risque de reculer. Il y a le cap actuel et il y a le futur. Compte tenu des enjeux, l’avenir de ST, Infineon et NXP ne peut s’envisager qu’au niveau européen.

En matière de R&D, il y a le programme Nano 2017 auquel la Région Rhone-Alpes contribue financièrement. Que proposez-vous de plus ?

Le programme Nano 2017 représente un effort d’investissement de 3,1 milliards d’euros, dont 1,1 milliard de financement public : 600 millions d’euros de l’Union européenne, 400 millions de l’Etat français et 100 millions des collectivités locales dont 25 millions pour la Région Rhône-Alpes. Ce n’est pas suffisant. Il faut au moins doubler l'engagement en portant l’effort entre 5 à 10 milliards d’euros. Sinon on risque de voir ce secteur stratégique disparaitre en Europe et les acteurs européens finir comme sous-traitants. Un tel engagement ne peut s’imaginer que dans le cadre d’une alliance entre la France, l’Italie et l’Allemagne. C’est vital de conserver la maîtrise des puces électroniques, une technologie au cœur des usages de demain dans des secteurs comme l’aéronautique, l’énergie, le médical ou le numérique. Si nous voulons que l’Europe soit forte dans les usages de demain, elle doit rester forte dans les semi-conducteurs.

STMicroelectronics s’apprête à faire un point d’étape sur sa stratégie dans les circuits numériques avancés. Que craignez-vous ?

Je crains l’abandon de cette activité stratégique avec ses conséquences sur l’indépendance technologique de l’Europe et sur l’emploi. Le groupe compte près de 6 000 personnes dans la Région Rhône-Alpes et l’écosystème de la microélectronique 17 000 emplois directs et indirects.

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