La start-up française Lynx dévoile son casque de réalité mixte autonome
La pépite parisienne Lynx lève le voile sur son casque de réalité mixte à destination des professionnels. Baptisé Lynx-R1, ce casque autonome est le premier sur le marché à embarquer une puce Qualcomm Snapdragon XR2. Fruit de trois ans de travail, il est capable de faire aussi bien de la réalité virtuelle que de la réalité augmentée grâce à deux caméras frontales soigneusement calibrées.
Julien Bergounhoux
La start-up française Lynx dévoile son casque de réalité mixte, baptisé Lynx-R1, ce 3 février 2020. Une présentation officielle a lieu à la conférence SPIE Photonics West 2020, qui se déroule à San Francisco. L'Usine Digitale a pu s'entretenir en amont avec Stan Larroque, le jeune fondateur de l'entreprise, pour faire le point sur le projet.
Un "vrai" casque de "réalité mixte"
Le Lynx-R1 innove à plus d'un titre. Son usage premier est la réalité augmentée, c'est-à-dire l'intégration d'éléments virtuels dans un environnement réel, ce qu'il fait à l'aide de deux caméras qui capturent le monde réel en 3D, puis l'affichent sur les écrans du casque. Cette méthode est communément appelée "pass-through", car l'image "passe au travers" du système. Elle est à mettre en opposition aux appareils "see-through", comme Microsoft HoloLens ou Magic Leap One, pour lesquels l'image est projetée sur un matériau transparent.
Si Lynx met surtout en avant la réalité augmentée, le casque est donc tout à fait capable de faire de la réalité virtuelle, et de passer de l'une à l'autre à la volée, sans friction. Cela fait de lui un véritable appareil de "réalité mixte".
Prototype du Lynx-R1
Le casque autonome le plus puissant du marché
Le Lynx-R1 est un casque tout-en-un, c'est-à-dire qu'il fonctionne sans ordinateur ni smartphone. Il sera le premier casque sur le marché à être équipé de la puce Qualcomm Snapdragon XR2 (version non-5G), annoncée en décembre. Ses performances sont deux fois supérieures à celles du Snapdragon 835, qui équipe notamment l'Oculus Quest. La XR2 est accompagnée de 6 Go de RAM DDR5 et de 128 Go de stockage interne. Le système d'exploitation est une version d'Android customisée.
Le suivi du positionnement dans l'espace est assuré par deux caméras frontales noir et blanc anglées vers le bas, couplées à une centrale inertielle. L'interaction se fait par suivi des mains, à l'aide d'un module Ultraleap. Un contrôleur d'appoint simple sera disponible en option dans un second temps.Pass-through vs See-through, quel intérêt ?
Pourquoi filmer le monde puis le retranscrire sur des écrans plutôt que de projeter des images sur une visière transparente ? Pour plusieurs raisons. La technologie actuelle utilisée par des appareils comme HoloLens 2 ne tolère qu'une faible luminosité ambiante, un champ de vision réduit, et une interaction limitée des éléments virtuels avec l'environnement. En contrôlant l'intégralité de ce que voit l'utilisateur, un casque comme le Lynx-R1 permet de faire beaucoup plus de choses. Par exemple évoluer dans un environnement extrêmement lumineux sans être ébloui.
Le pass-through se fait à l'aide de deux caméras couleur qui dispose chacune d'une résolution de 4 mégapixels à une vitesse de 90 images par seconde. Cela leur permet d'être synchronisées avec les écrans, dont la vitesse de rafraîchissement est de 90 ips, pour plus de confort. Les écrans utilisent des dalles LCD octogonales fabriquées par Japan Display et affichent une résolution de 1600 x 1600 pixels par œil, avec une technologie de sous-pixel de type "RGB stripe". Stan Larroque et son équipe ont beaucoup travaillé pour obtenir une latence aussi basse que possible pour le pass-through. "Cela varie entre 12 et 15 millisecondes en fonction de l'application", détaille-t-il.
Des lentilles hors norme
Mais le composant dont l'ingénieur est le plus fier est sans aucun doute les lentilles. "Nous utilisons des optiques catadioptriques [composées à la fois de lentilles et de miroirs, ndlr] faites sur-mesure. Cela nous a pris presque un an de développement." Elles sont composées de quatre sous-parties qui fusionnent quatre images similaires pour en produire une seule de très haute résolution sur la rétine. Une sorte de "supersampling optique", en somme.
Elles incorporent également deux miroirs pour raccourcir le champ optique, ce qui permet d'avoir un espacement de seulement 35 millimètres entre l'écran et l'œil. Cela rend le casque très compact par rapport à l'existant. Une minuscule lentille au milieu des quatre "pétales" complète le tout et sert à laisser passer l'eye tracker. Un design ingénieux, qui permet un bien meilleur suivi qu'avec une caméra placée de biais, sur le côté de la lentille. Le suivi du regard est utilisé pour alléger le GPU en faisant du rendu fovéal. Enfin, le champ de vision est de 90° horizontal x 90° vertical. L'image étant quasi-circulaire, le champ de vision diagonal est aussi de 90°.
ouvert à la recherche et aux modifications
Deux batteries sont positionnées à l'arrière du casque pour un meilleur équilibre et lui confèrent jusqu'à trois heures d'autonomie. Son poids total est "aux alentours de 500 grammes", d'après Stan Larroque. Il sera livré avec deux mousses pour le visage, une qui en couvre tout le pourtour et l'autre qui reste ouverte sur le bas. Le système de fixation est un "halo design" classique qui se resserre à l'aide d'une molette à l'arrière. Il est aussi équipé d'une charnière qui lui permet d'être relevé sans effort. Côté son, deux haut-parleurs sont intégrés au système d'attache (à la façon du Quest), accompagnés de deux microphones pour communiquer.
Le Lynx-R1 étant destiné aux développeurs, un port USB-C est disponible pour connecter des périphériques (les connexions WiFi et Bluetooth sont aussi librement accessibles). Stan Larroque évoque même la possibilité de faire du remote rendering, comme sur l'Oculus Quest avec Oculus Link. A noter que le kit de développement logiciel est compatible avec le moteur Unity (pas Unreal pour le moment).
Plusieurs pilotes déjà en cours
Le Lynx-R1 est vendu en tant qu'appareil de développement et s'adresse strictement aux professionnels. Des projets pilotes sont déjà en cours au sein de certaines grandes entreprises françaises, et la start-up travaille publiquement sur un cas d'usage médical avec le professeur Patrick Nataf, chef du service de chirurgie cardiaque et vasculaire de l'hôpital Bichat à Paris. Une démonstration de chirurgie cardiaque augmentée devrait avoir lieu au mois de mars ou d'avril. Une variante du casque est également en cours de développement pour le secteur de la défense (en France et aux Etats-Unis).
"Lynx s'adresse aussi bien aux industriels qu'aux architectes et au monde du bâtiment, aux chercheurs et même aux artistes, déclare Stan Larroque. Je veux avant tout voir ce que les gens vont faire avec ce casque, voir des use cases que je n'avais même pas imaginés." Evidemment, l'objectif est d'avoir des déploiement à grande échelle, que ça ne s'arrête pas aux preuves de concept. Stan Larroque en est conscient, et nous assure que le Lynx-R1 sera produit en quantité "conséquentes" – pour un kit de développement. Les précommandes sont d'ores et déjà ouvertes au prix de 1499 dollars, et les premières livraisons auront lieu en juin. L'Usine Digitale aura l'occasion de le prendre en main d'ici là.
A la recherche de fonds pour passer le prochain cap
Une "origin story" à l'américaine
L'aventure Lynx a débuté en 2017, alors que Stan Larroque était étudiant en école d'ingénieur. "J'ai eu un Oculus Rift DK2 dans les mains, et je me suis dit que ce serait bien si on pouvait voir à travers le casque... Tout est parti de là." Il abandonne ses études et se lance dans le projet avec l'aide du général Guillaume Gelée, ancien commandant des forces aériennes françaises, pilote de chasse et pilote d’essais ayant contribué au programme Rafale. Trois ans plus tard, le projet est en passe d'aboutir.
Si la sortie de ce premier casque est une étape majeure pour la pépite française, Stan Larroque planche déjà sur la suite. "Je veux que Lynx soit une référence de l'AR/VR sur le long terme. On va commencer à travailler sur la prochaine version dès cet été." Le jeune dirigeant cherche actuellement à lever des fonds pour financer cette ambition et passer le prochain cap. A noter que son capital d'amorçage provient d'une levée de 2 millions d'euros réalisée auprès de business angels français en août 2019.
La start-up emploie aujourd'hui 12 personnes basées à Paris, dont certains anciens membres de StarVR, autre projet français qui n'a pas survécu à la gestion calamiteuse de Starbreeze après son rachat. L'équipe est en place depuis juin 2019, et les recrutements continuent. "Nous recherchons en particulier des ingénieurs mécaniques et des spécialistes optiques", précise le jeune dirigeant. Avis aux intéressés.
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