La start-up française VirtualiSurg veut former les chirurgiens en réalité virtuelle
Si "c'est en forgeant qu'on devient forgeron", c'est aussi en opérant qu'on devient chirurgien. Difficile pourtant de bien s'entraîner lorsque la moindre erreur peut avoir des conséquences dramatiques pour la vie des patients. La start-up française VirtualiSurg veut pallier ce dilemme cornélien grâce à la réalité virtuelle. Elle a développé un prototype de formation à la sleeve gastrectomie et compte devenir la référence de la formation chirurgicale à travers le monde.
Julien Bergounhoux
L'une des utilisations de la réalité virtuelle ayant le plus de valeur ajoutée dans le monde professionnel est la formation. Elle permet de mettre l'apprenant en situation même pour des cas rares, complexes à reproduire ou dangereuses. Ce potentiel a motivé Nicolas Mignan, ancien directeur général des services de l’université de médecine Paris Descartes, à fonder la start-up VirtualiSurg en mai 2017.
"Je me suis beaucoup intéressé à l’évolution de la formation des étudiants en médecine, explique le dirigeant. Je me suis notamment impliqué auprès du centre iLUMENS sur la formation initiale et continue, qui utilise des corps de synthèse. Lorsque j'ai découvert la réalité virtuelle, son potentiel m'est apparu évident." Le projet mobilise une dizaine de personnes à l'heure actuelle, localisées principalement à Paris.
Un premier prototype sur la chirurgie de l'obésité
VirtualiSurg propose des simulations d’opérations chirurgicales en réalité virtuelle à des fins d'apprentissage. Le logiciel se destine à la formation des internes mais aussi à la mise à niveau des experts lorsqu'apparaîssent de nouveaux équipements ou de nouvelles techniques d'opération. La start-up a développé un premier prototype qui met en scène une "sleeve gastrectomie", c'est-à-dire une ablation partielle de l'estomac.
"C'est l'une des quatre chirurgies de l'obésité, qui est devenu un problème de santé mondial. C'est une technique de plus en plus employée mais qui reste nouvelle et pas encore suffisamment maîtrisée, car elle a une courbe d'apprentissage assez élevée. Par ailleurs elle se prête à des risques sérieux de fistule ou d'hémorragie. Il y a eu un certain nombre d'incidents dans le monde à cause du manque de formation, ce qui nous a poussé à commencer par elle."
Lancement commercial début 2018
Le prototype sera présenté le 21 septembre lors des journées d’échanges sur la chirurgie bariatrique, devant 150 médecins spécialistes de la chirurgie de l’obésité. Une démonstration sera ensuite faite lors du congrès de l’association française de chirurgie, qui se déroulera du 27 au 29 septembre. "Nous allons demander aux chirurgiens de nous faire des retours pour pouvoir mettre à jour et enrichir le module avec tous les incidents possibles." La start-up passera ensuite dans une phase de démarchage commercial avec comme objectif la mise en service du module complet de formation sur la sleeve gastrectomie au cours du premier trimestre 2018.
En quête de financement pour avoir les moyens de réussir
Financée sur fonds propres jusqu'à présent, la jeune pousse soumettra son projet à Bpifrance le 3 octobre. "Dans cinq ans on ne se posera plus la question, la formation virtuelle sera dans tous les hôpitaux, déclare Nicolas Mignan, CEO de VirtualiSurg. Mais nous aimerions que cela vienne d’une entreprise française, afin de valoriser l’expertise nationale en la matière." Car si les start-up françaises ne saisissent pas l'opportunité, d'autres le feront.
Le prototype ne comprend en effet qu'une seule séquence de l'opération : l'agrafage de l'estomac, qui permet de le scinder avant de retirer la partie indésirable. "Nous avons choisi de commencer par l’agrafage car c'est la partie la plus sensible, détaille Nicolas Mignan. Il est très important de respecter la courbure de l'estomac et d’identifier les repères anatomiques." Les autres étapes (pose des trocarts, libération de l'estomac, suture des plaies, etc.) seront incluses dans le module final. Le produit est à vocation internationale, avec une clientèle principalement à l'étranger. "Nos clients sont les concepteurs et fabricants d'appareils médicaux, et notamment pour ce module les fabricants d’agrafeuses."
La technologie en soutien à la pédagogie
L'application a été réalisée avec Unity et VirtualiSurg en fait la démonstration sur un casque HTC Vive. "Pour le moment l'apprenant utilise les contrôleurs standards du Vive. Ils sont à peu près du même calibre que l'agrafeuse, donc ça ne gêne pas le réalisme. Mais nous réfléchissons à développer nos propres contrôleurs pour maximiser le réalisme avec d'autres instruments," révèle Nicolas Mignan.
Le logiciel n'a d'ailleurs pas pour vocation d'entraîner à la précision du geste pour le moment. C'est un outil de mémorisation des temps opératoires, d'identification des risques, d'apprentissage des bonnes pratiques et des réflexes de sécurité. "Notre approche est très pédagogique, car une personne qui a appris de mauvais réflexes à beaucoup de mal à se corriger par la suite. La technologie n'est qu'un soutien à la pédagogie. Avec le développement du retour haptique, nous pourrons à l'avenir incorporer l'exactitude du geste dans la formation virtuelle, mais ce n'est pas encore au point."
Le réalisme est un point très mis en avant par Nicolas Mignan, entre autres pour le bloc opératoire virtuel, dont il estime la finition "largement supérieure à tout ce qui s'est fait jusqu'ici". De la même manière, le prototype dure entre 5 et 10 minutes suivant la maîtrise du pratiquant, soit un temps équivalent à sa réalisation sur un vrai patient.
La future pierre angulaire de la formation chirurgicale ?
Pour autant, l'idée n'est pas de former les étudiants à 100% en environnement virtuel. "C’est complémentaire aux autres modes de formation, juge Nicolas Mignan. Le compagnonnage [ndlr: assister aux opérations à côté de son mentor] restera essentiel, mais je suis persuadé que la réalité virtuelle va devenir la pierre angulaire de la formation. La chirurgie est un métier pratique, et c'est en la pratiquant qu’on devient bon. Pouvoir s'exercer par la pratique virtuelle va tout changer."
Plusieurs modes d'apprentissage sont disponibles en fonction du niveau de l'apprenant. Un mode semi-guidé permet de s'entraîner sur chaque acte jusqu'à le réussir, tandis que le mode libre laisse le chirurgien réaliser l'opération du début à la fin, puis lui fait un compte-rendu des erreurs qu'il a pu commettre, de ses hésitations et autres. L'idée est d'accompagner chaque individu à mesure qu'il progresse. Un autre aspect auquel réfléchit VirtualiSurg est celui de l'accompagnement du patient. "On pourrait lui montrer son opération dans une version simplifiée. Comprendre le déroulement de l'opération facilite en général énormément son acceptation par les patients".
Une fois le premier module terminé, la start-up s'intéressera à d'autres types de chirurgie : orthopédique ou neurochirurgie. La start-up a notamment un projet de collaboration avec l’Institut de biomécanique humaine Georges Charpak d'Arts et Métiers, qui a déjà modélisé certaines parties anatomiques en 3D. Elle envisage de plus d'ouvrir une activité à l'Institut hospitalo-universitaire de Strasbourg. "Ils sont intéressés par un partenariat, ils veulent accueillir des start-up et ils n'ont rien encore en matière de VR," confie Nicolas Mignan.
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