La start-up Lemnis a créé un système de mise au point variable pour que la VR ne rende plus malade

La start-up singapourienne Lemnis cherche à résoudre l'une des causes principales des maux de têtes et nausées que peut provoquer la réalité virtuelle chez certaines personnes. Elle développé pour ce faire un système capable de faire varier la distance de mise au point des lentilles, dit "varifocal". Nous avons pu tester son kit d'évaluation, qu'elle destine aux fabricants de casques VR, à l'occasion du Siggraph 2018.

Partager
La start-up Lemnis a créé un système de mise au point variable pour que la VR ne rende plus malade
Le système que Lemnis présente sur son stand au Siggraph 2018.

Au Siggraph 2018, qui se déroule à Vancouver du 12 au 16 avril, une petite start-up baptisée Lemnis présente une technologie dont l'impact sur l'industrie de la réalité virtuelle pourrait être immense.

Pourquoi la réalité virtuelle rend parfois malade ?

L'un des freins à l'adoption des casques réalité virtuelle est qu'une partie de la population est sujette à la nausée, à des migraines ou à une fatigue des yeux lorsqu'elle les utilise. Ces maux peuvent avoir plusieurs causes, mais ils sont dus en partie à un phénomène communément appelé "vergence-accommodation conflict". Pour comprendre d'où vient ce conflit entre la "vergence" et "l'accommodation", il faut d'abord revenir sur la façon dont nos yeux font la mise au point.

Lorsqu'on regarde un objet, nos yeux se focalisent dessus de deux façons pour s'assurer qu'il soit perçu nettement. La première est qu'ils tournent sur eux-mêmes. Vers le nez lorsque l'objet est proche (ils convergent), et vers les tempes lorsqu'il est lointain (ils divergent). C'est la vergence. La seconde est l'accommodation. C'est le procédé de déformation du cristallin qui est effectué par de petits muscles dans l'œil. Notre cerveau combine naturellement ces deux techniques pour produire notre vision du monde en trois dimensions.

Le problème, c'est que les casques de réalité virtuelle, dans l'état actuel de la technologie, n'utilisent qu'un seul de ces deux phénomènes pour créer l'illusion de voir en 3D. En affichant deux images légèrement différentes à l'œil gauche et l'œil droit (procédé dit stéréoscopique), ils impactent la vergence. Mais les lentilles qu'ils utilisent pour donner l'illusion que ces écrans sont loin des yeux (alors qu'ils sont très près) font la mise au point à une distance fixe, typiquement située à quelques mètres. Il n'y a donc pas d'accommodation. Que l'on regarde un objet à l'horizon ou qu'il soit tout prêt, la mise au point à la même. Chez certaines personnes, le cerveau, face à ces informations conflictuelles, réagit mal.

La solution : un système à la mise au moint variable

Résoudre ce problème est donc essentiel, mais cela reste très difficile. La solution considérée la plus efficace est de créer un système "varifocal", c'est-à-dire avec une mise au point variable. On sait qu'Oculus y travaille, l'entreprise ayant récemment présenté un prototype sur ce thème baptisé Half-Dome. Lemnis y travaille aussi. La jeune pousse est basée à Singapour. Elle a été fondée en mars 2017 et emploie aujourd'hui 8 personnes, dont cinq sont titulaires d'un doctorat. Pris ensemble, ils ont plus de 60 publications scientifiques à leurs noms.

Ils ont deux systèmes varifocaux : un premier dans lequel c'est l'écran qui se déplace (même approche qu'Oculus), et un second dans lequel se sont les lentilles qui le font. C'est ce dernier qu'ils proposent à la vente depuis mardi sous la forme d'un kit d'évaluation. Le système s'appuie dans ses deux versions sur des capteurs de suivi du regard ("eye tracking") développés en interne par Lemnis. Le troisième composant est logiciel : il utilise les données des capteurs de suivi pour déterminer sur quel élément virtuel l'utilisateur concentre son regard et déplace les lentilles en conséquence pour fournir l'accommodation. On notera que le rendu fovéal n'est pas géré pour le moment, mais qu'il est prévu à une date ultérieure.

Le système fonctionne avec un PC, les casques tout-en-un n'ayant pas la puissance nécessaire. L'une des caractéristiques les plus impressionnantes du système, que Lemnis a annoncé mardi, est sa compatibilité avec la majeure partie de la librairie d'applications SteamVR. Aucune action requise de la part des développeurs, pas de partage de données entre l'application et le casque, Lemnis gère tout en vase clos.

Le varifocal permet aussi de corriger "nativement" la myopie

Autre problème résolu par l'approche varifocale : la correction des troubles de la vision, et en particulier de la myopie. Plutôt que de porter un casque par-dessus ses lunettes de vue, un système varifocal permet d'appliquer directement la correction requise. Pour le moment Lemnis gère une correction allant de 0 à 4,5 dioptries. "Certains de nos prototypes montent jusqu'à 8 D, révèle Pierre-Yves Laffont. C'est comme ça que nous avons commencé, au Siggraph Asia 2016, avec une solution de correction de la vue. Pour certains utilisateurs, cela leur permet enfin d'utiliser la VR correctement."

Lemnis courtise les fabricants de casques VR

Les clients visés sont les fabricants de casques. "Nous savons qu'Oculus investit beaucoup de ressources pour résoudre ce problème, commente Pierre-Yves Laffont, cofondateur et CEO de l'entreprise. Cela prouve l'intérêt de ce que nous faisons. Tous les constructeurs vont devoir s'attaquer à la question, mais ils ne pourront pas le faire sans investir énormément d'argent. Or notre solution est déjà prête aujourd'hui. Nos clients potentiels sont tous ceux qui n'ont pas les moyens financiers d'Oculus à leur disposition."

Un concept convaincant, même s'il est loin de pouvoir passer au stade de produit

L'Usine Digitale a été parmi les premiers à faire l'essai du kit d'évaluation de Lemnis au Siggraph 2018. Nous avons pu constater qu'il fonctionne comme le décrit la start-up, même s'il s'agit d'un prototype et qu'il est donc loin d'être prêt pour une utilisation en conditions réelles. Le mouvement des lentilles est par exemple clairement visible et le changement de mise au point est parfois un peu brusque. Néanmoins le système nous a paru prometteur et nous sommes impatients d'en voir les prochains développements. À noter que le prototype utilisé par Lemnis au Siggraph 2018 est équipé d'une caméra Zed mini et d'un contrôleur Leap Motion qui servent à donner une démonstration supplémentaire en réalité augmentée. Les kits d'évaluation sont en recherche livrés sans ces ajouts.

SUR LE MÊME SUJET

Sujets associés

NEWSLETTER L'Usine Digitale

Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.

Votre demande d’inscription a bien été prise en compte.

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes...

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes du : Groupe Moniteur Nanterre B 403 080 823, IPD Nanterre 490 727 633, Groupe Industrie Service Info (GISI) Nanterre 442 233 417. Cette société ou toutes sociétés du Groupe Infopro Digital pourront l'utiliser afin de vous proposer pour leur compte ou celui de leurs clients, des produits et/ou services utiles à vos activités professionnelles. Pour exercer vos droits, vous y opposer ou pour en savoir plus : Charte des données personnelles.

ARTICLES LES PLUS LUS