Laure de la Raudière (Arcep) : "Orange cherche à gagner du temps"

Tandis que les tensions entre le régulateur des télécoms et l'opérateur se déplacent dans l'arène du Conseil d'État, les collectivités dont le territoire n'est pas couvert en fibre par Orange, contrairement à ce qu'il avait promis, s'impatientent.

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Laure de la Raudière (Arcep) :

Les proportions prises par le désaccord entre l'Arcep et Orange commencent à inquiéter sérieusement les collectivités. Le rythme de déploiement de la fibre dans les zones moyennement denses où celles-ci ne le subventionnent pas, a ralenti et fait l'objet d'un contentieux entre le régulateur des télécoms et l'opérateur historique, qui a lancé des procédures devant le Conseil d'État pour contester plusieurs de ses décisions.

Heureusement, rassure la présidente de l'Arcep Laure de la Raudière, "le dialogue n'est pas rompu avec Orange". Auditionnée ce 8 février par la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, cette dernière a quand même remis gentiment l'opérateur à sa place.

Orange attaque l'Arcep devant le Conseil d'Etat

Orange a déposé récemment une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant le Conseil d'État, à la suite de la mise en demeure de l'Arcep en mars 2022 pour non-respect de ses engagements en matière de déploiement dans les zones AMII. Mise en demeure qui menaçait Orange de sanction.

Concrètement, l'Arcep considère qu'Orange n'a pas respecté son engagement, pris en 2011, de couverture à 100% à la date fixée. Orange, de son côté, estime que son engagement s'exprimait en volume de lignes et que ce volume a été atteint et même dépassé. Le quotidien Les Echos détaille le calcul des deux parties, expliquant qu'un changement de référentiel de calcul intervenu en 2020 est à l'origine de l'imbroglio. Mais peu importent les calculs d'apothicaire, le fait est que le taux de couverture des zones AMII s'élève actuellement à 88%.

Une procédure qui repousse la procédure au fonds

"AMII signifie Appel à manifestation d'intention d'investissement : il s'agit d'un engagement librement consenti", rappelle Laure de la Raudière. De la procédure d'Orange, qui a déposé une demande de QPC portant sur le pouvoir de sanction de l'Arcep et sur la constitutionnalité de l'article L33-13 du Code des postes et des communications électroniques, "l'article qui rend ses engagements juridiquement opposables" précise-t-elle, la présidente du gendarme des télécoms tire la réflexion suivante.

"Orange demande ainsi de surseoir à la mise en demeure de l'Arcep. En réalité ce qu'Orange cherche à faire, c'est gagner du temps." Le Conseil d'État a trois mois pour envoyer ou non la QPC au Conseil constitutionnel, qui dispose lui aussi de trois mois pour statuer.

Un moyen "d'arracher son sifflet au gendarme des télécoms" ?

"Doit-on comprendre qu'Orange renie ses engagements ? Que de nombreux habitants de La-Roche-sur-Yon ou de Brive-la-Gaillarde vont devoir attendre encore longtemps la fibre ? Qu'Orange préfère, plutôt que de viser d'atteindre ses objectifs, tenter d'arracher son sifflet au gendarme des télécoms ?", se demande Laure de la Raudière, qui souligne que "tant que la situation n'est pas débloquée au Conseil d'État, l'Arcep n'a pas de moyens d'avancer sur le sujet", ni les moyens de rassurer les collectivités sur un quelconque calendrier.

Mais comme elle le rappelle, "il y a des tensions mais c'est normal, c'est la vie du régulateur". Et comme le dialogue n'est pas rompu, il pourrait déboucher, comme en 2019, sur le retrait de la QPC formulée par Orange, qui contestait déjà à l'époque le pouvoir de sanction de l'Arcep, à la suite d'une mise en demeure sur le service universel.

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