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Le CDO va-t-il tuer le DRH ?
C'est la version numérique du calife qui veut la place du calife. Face à des DRH pas toujours armés pour affronter la transformation numérique, les CDO portent le changement interne dans les entreprises...
L'avenir n'est pas écrit. Tout dépendra de la formation des équipes RH, de leur appétit pour les nouveaux outils et de leur capacité à s'adapter.
Si l'histoire ne fait que commencer, elle pourrait être très rapide. Certains experts pronostiquent la victoire par KO du CDO sur le DRH dans la décennie qui vient.
Christophe Bys
Un peu comme le marketing depuis quelques années, la fonction RH est en train de vivre une révolution. Ces spécialistes du droit social, rigoureux et à cheval sur les procédures prennent de plein fouet les changements de culture induits par la transformation digitale, qui broie les "silos", dé-hiérarchise l'entreprise et promeut l'expérimentation plus ou moins dans les clous. Tout ce que n'aiment pas les DRH classiques.
Avec la multiplication des applications et les avancées du big data, ils vont devoir accélérer leur mutation digitale et acquérir des compétences indispensables en informatique… sinon d’autres s’en chargeront. "Si les DRH ne maîtrisent pas les nouveaux outils numériques comme le big data, ces outils les maîtriseront", prévient François Gueuze, enseignant à l’Université de Lille, où il supervise un master en RH.
L'histoire commence
A moins que d’autres fonctions dans l’entreprise se chargent de prendre ces outils en main et finissent par déborder les DRH. Parmi les candidats au remplacement, les chief digital officer (CDO) ne sont pas les plus mal placés. A force de travailler à l’instillation d’une culture numérique dans les firmes (la fameuse acculturation dont on parle en jargon numérique) ou de choisir les meilleurs outils numériques pour le compte des DRH, ils pourraient bien être tentés de récupérer leurs missions, et pourquoi pas le poste. Etre le calife à la place du calife reste un scénario plausible, y compris dans le monde numérique.
Pour l’heure, tout va bien en apparence pour les RH. Le phénomène n’en est qu’à ses débuts. On teste ici une application, on expérimente là des outils de big data pour repérer les profils les plus à mêmes de quitter l’entreprise et anticiper leur départ. Certains cabinets spécialisés annoncent pouvoir modéliser les départs à la retraite.
Ces nouveaux outils semblent compatibles avec l’organisation actuelle. C’est toujours la direction des ressources humaines qui sélectionne le salarié à embaucher même si le premier tri a été réalisé grâce à un algorithme. Le directeur du cabinet spécialisé dans l'accompagnement des transformations Carewan, Eric Alonso, indique travailler sur des missions "où l’on traite des données internes et externes afin de mieux gérer les ressources humaines." Il cite ainsi l’exemple d’une banque qui, cherchant les variables expliquant les performances de ses agences, a découvert que les résultats augmentaient avec le nombre d’intérimaires !
Mesurer l'effet financier des actions RH
Pour certains, ces changements sont plutôt une bonne nouvelle pour des RH qui pourraient ainsi conquérir leurs galons dans les Comex. Philippe Burger, associé chez Deloitte est de ceux-là. Il estime que si le DRH savent se saisir de ces outils, ils pourront être enfin "orientés vers les résultats." Pour lui, avec les outils numériques, les DRH pourront mesurer l’effet financier de leurs décisions. Ils pourront, comme n’importe quel autre membre de l’équipe dirigeante, dire combien rapporte ce qui est encore trop souvent considéré comme une dépense, alors que c’est un investissement. Ce qui ne manque pas de soulever des inquiétudes dans le monde parfois frileux des RH : "si le DRH devient un business partner, que restera-t-il de la dimension humaine de la fonction ?", s’inquiètent certains.
Fabien Lucron, directeur du développement du cabinet Primeum spécialisé dans les outils de rémunération variable, considère que la numérisation des RH offre une promesse supplémentaire. Pour lui, elle signifie que les DRH vont être déchargées des tâches rébarbatives qui les occupaient la plupart du temps. Le résultat sera de dégager du temps pour des missions plus nobles, avec "davantage de valeur ajoutée."
le problème des compétences
Reste que pour qu’elle se réalise, cette mutation bute sur un problème de compétences. Comme l’expliquait le président d'Altaïde, Jacques Froisant lors d’un événement privé organisé par un éditeur de logiciels : "le manque de data scientists cache une pénurie autrement plus importante : celle de managers, de dirigeants capables de décider avec les résultats des outils numériques."
Le problème est particulièrement épineux pour les DRH, qui sont souvent des littéraires. "Avouons-le, explique un consultant spécialiste des RH qui reste discret pas ne pas se fâcher avec ses clients, les DRH n’ont bien souvent pas les compétences d’analyse et d’interprétation nécessaires. C’est pour cela que l’on commence à voir l’embauche de data scientists pour travailler sur les problématiques RH."
charlantans et applis gadgets
François Gueuze, le responsable du master RH de Lille, possède également une formation en informatique. Pour lui, la première étape à franchir pour que les RH montent en gamme est encore plus en amont : "il faut qu’elles prennent conscience que les informations dont elles disposent ont beaucoup de valeur", prévient-il. Perdu dans une gestion quotidienne, sous tension, obligée de suivre les évolutions législatives au jour le jour, les RH seraient (à quelques exceptions près) véritablement lost in transition.
Ce qui les expose à deux risques : celui de se faire dépasser par d’autres fonctions - parmi lesquelles le CDO est décidément bien placé - ou de céder à ce que l’universitaire appelle "l’illusion informatique" et de succomber aux "applis gadgets". Face à une évolution qui les dépasse, les DRH seraient alors tentés de feindre de l'orchestrer, quitte à recourir aux multiples charlatans du numérique, qui promettent tout et son contraire. Résultat : les DRH croiraient faire du big data, alors que, de fait, ils continueraient à faire du traitement de données à peine plus poussées que ce qu’ils peuvent faire aujourd’hui avec un tableur !
Subir le sort du marketing ?
A écouter les uns et les autres, trancher entre les différents scénarios n’est pas aisé. Tous s’accordent à dire que les DRH devront s’adapter, sinon ils risquent d’être dépassés par de nouveaux profils plus aptes à marier numérique, data et ressources humaines. Ceux qui doutent doivent se rappeler ce qui s’est passé dans le marketing. Comme le résume fort bien Marie Canzano, fondatrice du cabinet Digital Jobs, "hier le marketing produit était la fonction reine. Avec le numérique, cette place a été prise par le marketing client, notamment avec tous les développements sur la data."
A l’instar de cette évolution, parions que le DRH spécialiste des affaires sociales ou avec une dimension très administrative verra son étoile pâlir. Là où le futur reste ouvert, c’est sur le profil de son remplaçant. Parions que cela sera très variable d’une entreprise à l’autre...
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