Le ciblage publicitaire n'apporte aucun "avantage significatif", décrit un rapport destiné à l'UE

L’agence spécialisée dans le traitement des données AWO liste dans un rapport dédié à la Commission européenne les errances du traçage en ligne, dommageable "pour la sécurité, la démocratie et l’environnement". Les auteurs appellent l’UE à renforcer encore les droits des internautes face aux entreprises technologiques.

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Le ciblage publicitaire n'apporte aucun
10% des dépenses publicitaires sont dédiées à des sites dits "clickbait", uniquement faits pour la publicité, nous apprend le rapport.

Un statut quo "indéfendable". L’étude de l’agence spécialisée dans le traitement des données Awo, réalisée pour le compte de la Commission européenne et publiée le 30 janvier, propose d’interdire purement et simplement aux entreprises technologiques d’utiliser les données personnelles à des fins publicitaires. "Il existe peu de preuves indépendantes pour étayer les affirmations selon lesquelles l'utilisation d'un suivi et d'un profilage à grande échelle apporte un avantage significatif par rapport aux modèles de publicité numérique qui n’en font pas", écrit le rapport.

"La publicité est actuellement un moyen fondamental et légitime de financement des services et du contenu sur internet ; cette étude ne remet pas cela en cause", assurent les auteurs. Le tracking en ligne et l’aspiration des données personnelles des utilisateurs peuvent néanmoins poser des risques "pour la sécurité, la démocratie et l’environnement", alertent-ils.

10% des dépenses publicitaires dédiées à des sites "clickbait"

En plus de "bafouer les droits fondamentaux des internautes", le marketing programmatique (qui fournit automatiquement de la publicité ciblée) soutient ainsi tous les sites qui l'utilisent, y compris des sites de désinformation, soulignent les auteurs : il cherche en effet à placer des publicités "en fonction des individus susceptibles de les regarder, plutôt que de l’environnement dans lequel elles apparaîtront".

Les méthodes de tracking facilitent même les discriminations, "en sélectionnant ou en excluant des publics cibles en fonction de catégories protégées par la loi", fait remarquer le rapport. Meta a ainsi été accusée d'avoir permis aux annonceurs d'exclure des publics cibles des annonces de logement et d'emploi en fonction de leur "affinité ethnique", une pratique pourtant interdite par la loi fédérale américaine.

Une grande partie du pistage des internautes s’avère par ailleurs inutile, dommageable pour la nature et finance des escroqueries sur internet. 10% des dépenses publicitaires sont ainsi dédiées à des sites dits "clickbait", uniquement faits pour la publicité. 8 à 15% du temps de chargement des pages web des 350 premiers sites d’information est par ailleurs lié à la publicité, alourdissant leur empreinte carbone.

Les grandes plateformes sont intouchables

En outre, ces pratiques ne font que renforcer la position des acteurs déjà dominants sur le marché, affaiblit celle des éditeurs et des annonceurs et empêche ces derniers de communiquer directement auprès de leurs clients, ce que l’étude nomme "une course à l’abîme". "Les éditeurs européens ont des difficultés à rivaliser pour les revenus de la publicité numérique car les grandes plateformes ont un meilleur accès qu'eux aux données", constate le rapport.

Les revenus publicitaires de Google ou de Meta ont ainsi augmenté de plus de 500% dans la dernière décennie, mais ont stagné pour les grands éditeurs européens, accroîssant encore leur dépendance envers les Gafam. Ces éditeurs sont d’ailleurs persuadés que la situation permet à Google de garder pour lui les vrais chiffres de ses dépenses publicitaires.

Une seule interface européenne ?

Notant des "lacunes dans le cadre réglementaire", le rapport appelle à renforcer le règlement européen sur la protection des données, afin que les utilisateurs aient la possibilité de refuser l’utilisation de leurs données à des fins personnelles, au besoin en créant une interface européenne pour tous les sites, où les internautes pourraient choisir quelles données transmettre.

Les auteurs admettent bien que les Digital Services Act et Digital Markets Act, centrés sur la régulation de la prospection commerciale en ligne et la lutte contre les contenus haineux, actuellement en discussion, comportent des avancées sur la question de la transparence, "mais il n’est pas sûr qu’ils réduisent la tentation pour les plateformes et les intermédiaires à poursuivre leur suivi" des utilisateurs, regrettent-t-ils.

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