Le Club Med capitalise sur l'IA pour mieux servir ses prospects et clients

Le groupe de tourisme a déployé une solution de lead scoring reposant sur un data lake et des techniques d’intelligence artificielle sur-mesure. Utilisant le deep learning, le gradient boosting et des modèles bayésiens, le système calcule 14 milliards de scores chaque jour.

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Le Club Med capitalise sur l'IA pour mieux servir ses prospects et clients
Barbara Vandeputte, Directrice customer & business intelligence monde au sein du Club Med et Mathieu Choux, Partner chez Ekimetrics, sur la scène du Salon Big Data 2020.

Avec 67 villages et 840 000 clients répartis dans le monde, le Club Med est devenu, après 70 ans d’existence, un incontournable du tourisme haut de gamme "tout compris". Le groupe doit sa longévité et son succès, entre autres, à la qualité et à la profondeur de la connaissance qu’il a de sa clientèle. Il maîtrise en effet l’intégralité du parcours client, depuis la vente (plus de 60 % de la distribution sont réalisés en direct) jusqu’à l’expérience en village.

Évoluant dans un environnement mondialisé et toujours plus concurrentiel, le Club Med décide en 2018 d’accélérer le rythme de sa transformation data. Son objectif global est de mieux comprendre comment ses clients se décident et achètent des voyages. Le groupe se fait accompagner pour cela par Ekimetrics, une société de conseil spécialisée en data science.

"Avant de nous lancer dans le projet data en tant que tel, nous avons mené une étude en profondeur sur le parcours d’achat de nos clients. Une analyse sémantique a été réalisée à partir des appels et des chats pour comprendre comment se déroulait l’acte d’achat. La durée moyenne de réflexion d’un prospect intéressé par les prestations du Club Med est de quatre mois, période pendant laquelle il fait appel à nous à huit reprises, via le web, le téléphone ou les visites en agence", déclare Barbara Vandeputte, directrice customer & business intelligence monde au sein du Club Med.

Cette étude permet également au Club Med d’identifier quatre axes prioritaires :

  • Rendre le client le plus autonome possible au cours des différentes étapes de son achat,
  • Mieux identifier les leads pour être plus proactif tout au long du parcours d’achat,
  • Renforcer l’expertise des forces de vente pour les aider à vendre mieux (et plus),
  • Fiabiliser les données et enrichir la connaissance client

Identifier le bon cas d’usage
Mais par quel projet commencer ? Quel cas d’usage sélectionner ? "Pour arrêter un choix, une cartographie des projets a été réalisée, avec les équipes métiers, selon deux critères : la valeur métier du cas d’usage et sa difficulté technique. Le premier projet sélectionné a été un projet de lead scoring", commente Mathieu Choux, Partner chez Ekimetrics.

Les raisons de ce choix ? "Ce projet avait suffisamment de valeur métier pour être emblématique, stratégique. Transverse à toute l’entreprise, il avait une réelle force de transformation. D’autre part, son niveau de difficulté technique, bien qu’élevé, nous permettait de revenir vers le métier sur un temps relativement court. Nous n’en avons sélectionné qu’un car nous choisissons nos combats et nous voulons à tout prix respecter les plannings annoncés aux équipes, avec une vision la plus ROIste possible", ajoute Mathieu Choux.

Le lead scoring est la capacité à quantifier et qualifier l’appétence d’achat d’un prospect ou d’un client à tout moment. Trois ambitions sont alors clairement affichées à son sujet :

  • Anticiper l’acte d’achat grâce au score, qui se nourrit des signaux faibles laissés par le client tout au long de son parcours. Cela permettra alors d’être présent au bon moment, sur le bon canal
  • Identifier le lead le plus propice à une activation marketing versus celui sur lequel il n’est pas nécessaire d’investir
  • Proposer l’offre la plus précise possible en fonction des scores d’appétence pour tel ou tel village ou telle ou telle date, que ce soit en agence ou via le CRM

"Pour mener à bien un tel projet, vous devez mobiliser à la fois les équipes data, métier et IT, en amont mais aussi tout au long du projet. Pour les équipes métier, ce n’est pas toujours facile car elles ne voient pas immédiatement le résultat concret. Cette mobilisation consiste notamment à les faire participer activement à l’écriture des use cases précis que nous allons développer. Il est également important de les impliquer dans le choix de la technologie", précise Barbara Vandeputte.

Autre point à ne pas négliger : la nécessité de travailler toutes les données, qu’elles soient offline ou online. "L’algorithme que nous avons mis en place intègre plus de 50 variables. Elles proviennent des campagnes CRM (taux d’ouverture et de clic des campagnes...), des informations clients (historiques d’achat, segmentation familiale...), des appels entrants et sortants mais aussi de la navigation web (navigation, options choisies, abandon de panier, activation du webchat...)", ajoute Barbara Vandeputte.


Un data lake couplé à une solution d’Intelligence artificielle
La plateforme technologique repose sur deux composants distincts : un data lake et une solution d’intelligence artificielle. "Le data lake est un élément crucial. Il permet de mettre fin à la fragmentation des données, où chaque source de donnée provient d’un système opérationnel distinct. Nous avons apporté tout le soin possible à son développement. Notre objectif était, en partant de l’existant, de le professionnaliser, de le faire monter d’un cran en termes de maturité", note Mathieu Choux.

La solution IA est, quant à elle, tout d’abord composée d’un réseau de neurones récurrent qui permet d’apprendre (deep learning) sur tous les parcours clients passés. "Nous avons automatisé un flux de machine learning. L’entrainement des modèles est réalisé régulièrement et les divergences sont monitorées et corrigées. Au final, cette technologie nous permet de modéliser non pas une somme d’événements mais une succession d’événements et ainsi d’appréhender le parcours client dans sa complexité", précise Mathieu Choux.

Mais pour répondre précisément à la question métier qui en jeu dans ce projet, à savoir "Proposer la bonne offre en fonction des scores d’appétence pour tel ou tel village ou sur une date précise, que ce soit en agence ou via le CRM", un réseau de neurones unique ne suffit pas. "L’idée était de compléter le score d’appétence issu du réseau de neurones par un score de préférence, obtenu grâce aux technologies de Gradient boosting (pour le score lié aux 'destinations') et de distribution bayésienne (pour le score lié aux 'mois de départ')", complète Mathieu Choux.

Le score de préférence "éclate" ainsi le score individuel sur chaque village et pour chaque mois de départ, donnant au total 828 scores différents. Cela permet de qualifier plus précisément l’envie et la probabilité d’achat d’une personne donnée. Au global, 14 milliards de scores sont calculés chaque jour.

Trois facteurs clés de succès pour un tel projet
Entre les phases de cadrage stratégique et l'industrialisation, le déploiement du projet a été réalisé en 18 mois. "Pour y parvenir, le premier facteur clé de succès est l’humain, qui doit constamment rester au cœur du processus. 30 % du succès de la mise en place d’un use case reposent sur la compétence data et la technologie. Mais les 70 % restants tiennent à l’appropriation par les métiers. Si vous ne co-construisez pas le cas d’usage avec eux, si vous ne suivez pas le ROI avec eux tout au long du projet, les probabilités d’échec sont élevées", commente Barbara Vandeputte.

Le deuxième facteur clé de succès tient à l’organisation. On l’a vu précédemment, le trio gagnant est composé des équipes IT, data et métier. Et pour ce projet, une chef de projet dédiée a été nommé pour orchestrer l’ensemble des acteurs. Concernant les équipes data, elles ont été regroupées sous une même direction, celle que dirige Barbara Vandeputte.

"Cette organisation nous permet d’être agile à tous les stades du projet et surtout, de créer une ‘industrialisation by design’. Cette dernière repose sur le fait de réaliser les développements de l’architecture du data lake en même temps que ceux du machine learning pour être capable, en permanence, de s’autoévaluer sur la capacité du modèle et de s’ajuster en continu", ajoute Barbara Vandeputte.

Enfin, si le projet veut réussir, il doit constamment rester "business first". "La valeur business doit rester l’étoile du Nord. Il ne s’agit pas que d’un développement technologique, on est avant tout là pour dégager de la valeur business. C’est l’absolue priorité dans ce type de projet", conclut Barbara Vandeputte.

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