Le deep learning, la technologie d'intelligence artificielle qui va (encore) tout changer ?
Après l’ère des big data, le “deep learning” est la nouvelle obsession de la Silicon Valley. Depuis plusieurs années, les géants du web courtisent les experts de l'intelligence artificielle et particulièrement de l'apprentissage profond, une technique de machine learning (apprentissage automatique). Ils investissent des sommes faramineuses dans des laboratoires (Facebook a ouvert son propre programme de recherche FAIR) et l’acquisition de start-ups (Apple en a acheté trois en l’espace de quelques mois).
Nora Poggi
Nicolas Pinto est un chercheur français installé aux Etats-Unis depuis 2006. Sa start-up Perceptio a été croquée par Apple en 2015, pour un montant non dévoilé. Elle était spécialisée dans l'intelligence artificielle sur le téléphone mobile, et focalisée sur le “mobile deep learning”. “On faisait de la reconnaissance d'images, de visages et de texte. Nous avions développé une caméra intelligente qui comprenait le contenu des photos - un équivalent de Google Photos avant Google Photos. Un peu ce que fait Facebook maintenant, mais on le faisait entièrement sur le téléphone, sans infrastructure cloud", explique Nicolas Pinto.
La bataille pour les données
Une approche qui a particulièrement intéressé Apple, étant donné son intérêt pour la protection de la vie privée. “A partir du moment où les données sont dans le cloud et ne sont pas cryptées, les entreprises peuvent les regarder pour ensuite construire un meilleur profil de l'utilisateur et le vendre aux annonceurs. Nous voulions montrer qu'il était possible de le faire différemment. Notre but c'était de développer une intelligence locale de confiance au lieu d'utiliser un gros serveur central. (....) Notre business model consistait à vendre des produits [intelligents] plutôt que d'avoir un produit gratuit comme Facebook qui monétise ensuite les données [privées des utilisateurs]", explique Nicolas Pinto.
Une méthode qui prend une signification particulière à la lumière de la récente bataille judiciaire opposant le FBI à firme de Cupertino. Le gouvernement exige de la marque à la pomme qu'elle l'aide à hacker... un iPhone. La lettre ouverte de Tim Cook au gouvernement américain le 16 février a révélé l’étendue du problème de la protection des données.
Course à l’innovation
Pour les géants de l’informatique, le deep learning est crucial pour développer le monde de demain. Facebook l'a notamment utilisé pour construire DeepFace, une application de reconnaissance de visages dont la performance se rapproche de celle d'un être humain. Récemment, un programme développé par les chercheurs de DeepMind, une start-up rachetée par Google en 2014, a battu un joueur de go professionnel, une première mondiale.
IBM a de son côté ajouté à son super ordinateur Watson des fonctions de deep learning dédiées aux entreprises. Déjà en 2014 au festival South by Southwest, IBM avait montré son ambition de développer des applications liées au “cognitive business”. En effet, toutes les industries pourraient être concernées, selon Nicolas Pinto. “Tout ce qui est robotique, autonomie, logistique, éducation, le 'conversational commerce' [notamment les assistants personnalisés]. (…) Toute l'industrie médicale peut être bouleversée", ajoute-t-il.
Remplacer des ingénieurs?
Par ailleurs, le deep learning a un impact direct sur les ressources humaines de ces grandes entreprises. “Ce genre de technologie peut remplacer des ingénieurs, même très qualifiés. Avant, il fallait une grande équipe pour faire de l'identification d'images. Le système était complexe, et toutes ses parties étaient conçues 'à la main'. Maintenant un étudiant dans son garage peut le faire et avoir une meilleure performance qu'un Google", ajoute Nicolas Pinto.
Selon un article du magazine spécialisé Wired intitulé “Pas besoin d’être Google pour construire un cerveau artificiel” le chercheur Alex Krizhevsky a battu le géant de Mountain View sur un test de reconnaissance d’images avec un seul ordinateur, grâce à la technique du deep learning.
Comment s’y mettre
Cela semble expliquer pourquoi les titans du web font la course pour acquérir ces nouvelles start-ups. Cela dit, toutes les entreprises ont la possibilité d’attraper le train en marche et de développer des compétences dans le domaine. "Malgré ce que tout le monde dit, c'est très facile de s'y mettre. Il existe beaucoup d'outils en open source", explique Nicolas Pinto.
"Mon conseil serait de former une petite équipe en interne dans ce domaine, qui peut être très agile. Il faut embaucher des jeunes talentueux et agiles qui ont envie de se lancer dans l'apprentissage des machines au sein de l'entreprise", ajoute-t-il. Une analyse corroborée par le chercheur de Stanford Richard Socher, qui expliquait dans Wired que ces modèles d’intelligence artificielle peuvent être “facilement déployés” notamment par des petites entreprises. Reste à former de nouveaux talents pour démocratiser ces techniques.
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