Le digital fait-il perdre du pouvoir aux managers ?
Julien Pouget, fondateur du cabinet spécialisé dans le recrutement et le développement des talents JP Associés, décode chaque semaine pour L’Usine Digitale les enjeux de l’intégration d’une génération de digital natives dans le monde du travail.
Pour la rentrée, il nous livre ses réflexions sur la meilleure façon de manager les jeunes et les moins jeunes à l'heure du digital.
Pendant longtemps, être manager c'était "savoir avant" ou "être seul à savoir" dans l’entreprise. L’accès privilégié à l’information s’inscrivait dans une logique de commandement en vertu de laquelle les managers diffusaient, de manière verticale, l’information qu’ils estimaient utile à leurs subordonnés.
Est-il besoin de le préciser, l’avènement du numérique et d’Internet a considérablement modifié la donne. Les technologies de partage de l’information suivent la règle du triple A de l’internet : Anything, Anytime, Anywhere. L’information est accessible par tous, à tout instant et s’affranchit des niveaux hiérarchiques de l’entreprise.
L'effritement des murs des services RH
Google en a récemment fait l’expérience au sein même de son organisation. Des salariés ont mis en place un tableur qui permet de partager et de comparer son niveau de rémunération. Adopté spontanément par des milliers de "Googlers", l’outil permet d’accéder à des informations qui traditionnellement n’auraient jamais quitté les murs des services RH ou de la direction.
Pour les managers, la transition vers ce nouveau monde de l’information ubiquitaire n’est pas toujours évidente. Beaucoup continuent de voir dans l’asymétrie informationnelle une reconnaissance de leur statut, voire de leur légitimité. En conséquence, ils ne vivent pas toujours bien les pratiques d’échange d’informations "horizontales" (email collectifs, réseaux sociaux d'entreprise, documents partagés, etc.) qui les dépossèdent de ce privilège. Certains tentent même de réintroduire le "mode pyramidal" dans des technologies horizontales en soumettant, par exemple, les publications des RSE à une modération a priori. Échec garanti.
Un symptôme plus qu'une erreur
Cette lutte désespérée des managers pour conserver un temps d’avance dans l’information appelle deux remarques.
D’abord, elle confirme le besoin criant de reconnaissance. Si certains managers s’accrochent à ces formes artificielles de reconnaissance, c’est aussi parce qu’ils n’en obtiennent pas suffisamment par ailleurs.
Ensuite, le fait qu’ils ne comprennent pas toujours ce que les jeunes générations (et une partie grandissante de salariés) attendent d’eux. Avoir un responsable qui sait tout et partage au compte-goutte n’est plus le rêve absolu. Beaucoup préféreront un manager qui partage l’information au maximum et en continu. Et tant pis, si un "je ne sais pas" s’invite dans les échanges. Le manager idéal n’est plus nécessairement omniscient à leurs yeux.
Julien Pouget est le fondateur de JP Associés
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