Le gouvernement va réguler son recours aux cabinets de conseil en numérique

Le recours de l’État à des prestations de conseil externes est très (trop) systématique dans le domaine de l’informatique. Dans une circulaire publiée mercredi 8 février, le gouvernement a annoncé des mesures permettant de le limiter pour stopper l’influence grandissante des cabinets privés et réduire les coûts astronomiques alloués à des projets qui s'avèrent parfois inefficaces.

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Le gouvernement va réguler son recours aux cabinets de conseil en numérique
Elisabeth Borne Ministre des transports

Dans une circulaire publiée mercredi 8 février 2023 par Matignon, le gouvernement a durci les règles concernant le recours à des prestations de conseil en matière de numérique. Il devenait trop systématique, accordant aux cabinets privés une influence grandissante sur les actions étatiques et devenant trop coûteux dans un contexte où l’utilisation des deniers publics est de plus en plus regardée.

Par cette circulaire, Elisabeth Borne instaure des seuils maximums d’externalisation, prévoit un contrôle des dépenses en conseil et demande le renforcement des équipes internes de conseil de l’État.

Des prestations coûteuses et pas toujours efficaces

Boston Consulting Group (BCG), Capgemini, Eurogroup, EY, McKinsey ou encore Roland Berger, au quotidien, des cabinets privés conseillent l’État sur sa stratégie et son organisation. Le recours aux consultants constitue aujourd’hui un réflexe notamment très fréquent dans le cadre de la transformation numérique du service public, objectif sans cesse rabâché par le gouvernement.

Il s’agit aussi "d’expertises techniques pointues de courtes durées pour faire face à un besoin aigu", comme la mise en œuvre d’un chatbot sur le site web des impôts ou l’intégration d’un système d’intelligence artificielle dans la lutte contre la fraude à l’immatriculation, comme le mentionne la circulaire.

Les prestations très couteuses associées à la numérisation des services de l’état ne sont, de surcroît, pas toujours efficaces, voire tournent au fiasco. On se souvient par exemple du projet SIRHEN, lancé en 2007 : 300 millions d’euros pour regrouper en une seule application les systèmes d’information de ressources humaines (SIRH) de l’Éducation nationale. Dix ans après, il n’a jamais fonctionné, il n'assure la gestion administrative que de quelques milliers de salariés sur les plus d’un million de personnes que l’Education Nationale emploie et va donc être décommissionné courant 2025.

Influence et intérêts propres

Outre les dépenses hallucinantes allouées, se terminant parfois en gros gâchis, on peut craindre l’influence sur les décisions étatiques de cabinets très privilégiés et être persuadés qu’ils utilisent leur proximité avec le gouvernement pour servir leurs propres intérêts. Certaines prestations sont même réalisées gratuitement, (on peut citer l’appui de Mc Kinsey dans l’organisation des sommets Tech for good par exemple), et "récupérées" dans l’optique d’améliorer leur réputation ou de booster leur crédibilité.

Le gouvernement, qui semble prendre conscience de ces risques, admet, dans la circulaire publiée hier, que "les prestations intellectuelles informatiques" ne faisaient pas jusqu’à présent l’objet d’un "suivi" particulier. Elisabeth Borne "souhaite que des travaux soient dorénavant conduits par la direction interministérielle du numérique (DINUM) et la direction des achats de l’État (DAE) afin que soient définis les objectifs et les modalités de mise en œuvre de la stratégie des achats informatiques de l’État".

Par ailleurs, les conseils en stratégie numérique des politiques publiques, qui concernent "un volume relativement limité de prestations" mais peuvent "présenter des risques d'influence de la décision publique", devront être publiés par chaque ministère tous les ans et indiquer leur montant et le nom du prestataire. Le recensement et le contrôle des dépenses en conseil serait effectivement un début…

Pas de projets externalisés à plus de 80%

Ensuite, elle fixe des seuils maximums d’externalisation pour renforcer le pilotage du gouvernement. Un projet externalisé à plus de 60% doit à présent "être considéré à risque", au-delà de 80%, il ne peut tout bonnement pas démarrer. Enfin, elle s’attaque au manque de ressources gouvernementales dans ces domaines, le recours aux cabinets de conseil étant effectivement toujours justifié par le manque de compétences internes, les autorités publiques ayant renoncé aux embauches et aux formations nécessaires dans le domaine du numérique.

Elisabeth Borne évoque la nécessité du "recrutement d’une équipe de direction expérimentée" et la formation des "directeurs de projets en poste afin qu’ils maîtrisent les savoir-faire fondamentaux de la conduite de projet". Stanislas Guerini serait justement en train de recruter 25 personnes pour la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), afin de renforcer les compétences internes de l’Etat en consulting.

Cette circulaire fait suite à l’annonce de ce dernier, qui indiquait, il y a quelques jours qu’en 2022, les dépenses des ministères auprès de cabinets privés avaient diminué de près de 35% par rapport à l’année précédente, dépassant l'objectif de 15% que s’était fixé le gouvernement, mais culminant tout de même à 176,8 millions d'euros.

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