Le "Save now buy later", une alternative viable au BNPL ?

Dans une économie où l'inflation galope et les taux d'intérêt augmentent, plusieurs start-up proposent une solution permettant de gagner du pouvoir d'achat sans recourir au crédit à la consommation. Une sorte d'épargne de destination, qui offre des réductions sur les produits pour lesquels le consommateur place régulièrement de l'argent de côté. 

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Le monde de la fintech ne manque pas d'imagination. Cette année a vu apparaître un nouveau concept, né en Inde, prenant le contre-pied du "Buy now pay later" (BNPL, ou paiement fractionné) qui consiste à acheter à crédit en optant pour un paiement en plusieurs fois. Il s'agit du "Save now buy later" (SNBL). A l'opposé des comportements d'achat immédiat et impulsif, même sans avoir les fonds disponibles, le SNBL offre aux consommateurs des avantages s'ils économisent sur la durée pour s'acheter un bien ou un service.

Tout comme le BNPL, plus qu'un nouveau mode de paiement le SNBL répond à un objectif marketing pour les sites d'e-commerce et les plateformes spécialisées : minimiser les abandons de panier, et faire entrer le consommateur dans une relation avec le marchand.

Un modèle inventé en Inde

Le pionnier de ce système se nomme Multipl, start-up fondée à Bangalore en 2020. En Inde, où le salaire moyen est inférieur à 200 dollars, la fintech a identifié un besoin d'alternative au crédit pour les dépenses élevées des populations manquant de pouvoir d'achat immédiat. On en parle peu, mais l'écosystème fintech indien est extrêmement développé, la dynamique reposant notamment sur les besoins en matière d'inclusion financière. Par exemple, la start-up indienne Moneyview vient de lever 75 millions de dollars pour rendre le crédit plus accessible aux 90% d'Indiens non éligibles à des prêts bancaires. Selon le cabinet de conseil BCG, le pays compterait près de 7500 fintechs.

Le modèle de Multipl consiste à nouer des partenariats avec des marques, qui permettent aux consommateurs d'obtenir des réductions (autour de 10%) tandis qu'ils "épargnent" directement sur un compte auprès de ces marques, ou qu'ils le font par l'intermédiaire de Multipl, qui investit cet argent au fur et à mesure dans des instruments financiers, à l'aide d'un robo-advisor développé en interne. La start-up a levé 3 millions de dollars en mai 2022. La plateforme revendique une soixantaine de marques partenaires, dont Décathlon, pour lesquelles elle joue le rôle de marketplace, exactement comme le fait Klarna dans l'univers BNPL. Elle se rémunère sur un modèle d'affiliation, le service étant gratuit pour le consommateur.

Une tendance qui a pris de l'ampleur en 2022

Cette idée a essaimé depuis le lancement de Multipl. On peut citer l'américain Accrue Savings, fondé en 2021, qui a levé 25 millions de dollars auprès du richissime fonds Tiger Global en janvier 2022 ; l'indien Hubble Money, soutenu par Sequoia Capital, qui a levé 3,4 millions de dollars en avril 2022 ; une autre start-up indienne, Tortoise ; ou encore Monkee, une application autrichienne, partenaire notamment de Booking.com et eBay. La néobanque autrichienne Up a également lancé une offre de ce type.

"Ces start-up proposent ces solutions à des populations jeunes qui ne peuvent plus ou n'ont pas envie de prendre de crédit", explique Pierre Lion, chief growth officer chez Mangopay, un établissement français spécialisé dans les services de paiement pour les places de marché, qui se charge de cantonner et de garantir les fonds pour Monkee. "Pour les marques, c'est un nouveau canal d'acquisition et un moyen de fidéliser un consommateur avant qu'il ait acheté le produit. Une sorte de programme de fidélité à l'envers." "Le prix final du produit est garanti, et l'argent récupérable à tout moment", ajoute-t-il. Dans le cas où l'achat ne se fait pas, l'abondement de la marque au compte épargne du consommateur est supprimé.

Vendre malgré la baisse du pouvoir d'achat

En moyenne, les consommateurs effectuent leurs versements entre 8 et 12 mois. Les achats concernent essentiellement des produits et services relativement onéreux, comme un iPhone, des voyages, des bijoux, et dans des pays comme l'Inde des assurances santé par exemple.

Il est intéressant d'observer que les dernières innovations des fintech, dans les services aux particuliers, concernent les publics qui n'ont pas accès au crédit ou ne souhaitent pas s'endetter davantage. En septembre dernier, la start-up américaine Kafene a par exemple levé 18 millions de dollars en série B, après un premier tour de table de 30 millions, pour sa solution de location avec option d'achat. Elle permet à des consommateurs de payer un produit sur 6 à 18 mois, et de le retourner avant le terme s'ils ne peuvent plus assurer les paiements. S'ils effectuent l'intégralité des versements – calculés en fonction de leur risque de crédit et de leur capacité financière-, ils deviennent propriétaires du bien.

Un contexte moins favorable au BNPL

Outre le contexte de hausse des taux d'intérêt et de l'inflation, qui resserrent les budgets des consommateurs et limitent la solvabilité, ces nouvelles tendances se développent alors que la réglementation sur le BNPL est en passe de se durcir. Au moins en Europe, où l'adoption de la directive révisée sur le crédit à la consommation est prévue début 2023. Celle-ci envisage des règles plus strictes en matière d'information du consommateur pour les petits crédits de moins de 200 euros qui concernent notamment le paiement fractionné, et un nouveau cadre pour évaluer la solvabilité. Cela dans le but de limiter les situations de surendettement.

S'agissant d'une directive européenne, chaque État membre sera libre de la transposer en droit national. L'historique de la France, dans ce domaine, montre une application de règles plus strictes qu'ailleurs.

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