Le Sénat approuve l'utilisation de systèmes "intelligents" pour surveiller les JO
Un projet de loi sur les Jeux olympiques voté en première lecture au Sénat prévoit pour la première fois le recours à des techniques d'intelligence artificielle pour détecter les mouvements suspects. Les associations de défense des libertés individuelles s’inquiètent que l’"expérimentation" ne rentre par la suite dans le droit commun.
Dix-huit mois avant le début des Jeux olympiques de Paris, le projet de loi portant sur l’organisation de l’événement a été adopté par le Sénat en première lecture, le 31 janvier. Son article 7 se retrouve au cœur des débats. Celui-ci prévoit "l’expérimentation" de caméras de surveillance ou de drones équipés de systèmes d'intelligence artificielle pour détecter mouvements de foule, colis suspects ou comportements anormaux. Les communistes et écologistes ont voté contre, les socialistes se sont abstenus, tandis que la droite et les centristes ont massivement soutenu le texte.
La reconnaissance faciale ou l’utilisation de données biométriques (ADN, empreintes digitales, iris…) n’y figurent pas, mais le Défenseur des droits estime que "des données corporelles et/ou issues de systèmes biométriques" visant à "identifier ou déduire des émotions, des traits de personnalité ou des intentions" peuvent être considérées comme des données biométriques. L’étude d’impact accompagnant le projet de loi assure, quant à elle, que "la multiplicité des lieux concernés et le niveau de sécurité attendue rend nécessaire l'optimisation de l'emploi des forces de sécurité intérieure et des forces de sécurité civile et le traitement en temps réel des images collectées".
"Une expérimentation de papier" pour les opposants, qui sera forcément pérennisée
Les opposants critiquent le caractère très flou des critères retenus : comment définir "des événements anormaux" ou "des situations présumant la commission d’infractions", comme le précise l’étude d’impact du projet de loi ? Les associations contestent aussi le périmètre, très large, de la loi adoptée à la Chambre haute. Le texte pourra entrer en vigueur dès l’adoption définitive de la loi par le Parlement, et être appliqué jusqu’au 30 juin 2025 - soit bien après la fin des JO, qui se terminent le 8 septembre.
"Une expérimentation de papier", cingle La quadrature du Net dans un rapport publié le 21 janvier : "Nous pourrions évoquer l’exemple de la pérennisation des "boîtes noires" en matière de renseignement ou celle des mesures d’état d’urgence, mesures sécuritaires censées être initialement temporaires et exceptionnelles et systématiquement inscrites dans le droit commun par la suite."
Des "lignes rouges" respectées selon la Cnil
Dans son propre rapport du 4 janvier, la Cnil admet que "le déploiement, même expérimental, de ces dispositifs constitue un tournant". "Ces outils d’analyse des images peuvent conduire à une collecte massive de données personnelles et permettent une surveillance automatisée en temps réel", souligne-t-elle.
Le gendarme du numérique estime pourtant que le projet de loi respecte "les lignes rouges" qu’il avait fixées au législateur, telles que l’absence de traitement des données biométriques, un déploiement expérimental limité dans le temps et l’espace, ou l’absence de décision automatique : un signalement opéré par un algorithme fera systématiquement l’objet d’une analyse humaine. Les sénateurs ont également obtenu que la Cnil "accompagne" l’élaboration des algorithmes et "évalue le dispositif, relève Le Monde.
La Commission s’inquiète davantage de l’article antidopage du projet, qui prévoit "la comparaison d’empreintes génétiques et l’examen de caractéristiques génétiques" des sportifs. Une transposition du code mondial antidopage, certes, mais des tests "particulièrement intrusifs", qui nécessitent "de nouvelles dérogations au code civil", pointe la Cnil.
Les opposants au projet remettent enfin en question l’efficacité même de la vidéosurveillance, avec ou sans intelligence artificielle. "Au vu des constats locaux, aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation", signalait même la Cour des comptes dans un rapport d’octobre 2020. Des données objectives sur le sujet seraient pourtant plus que nécessaires, écrit la Cour, au vu de "l’ampleur des sommes engagées depuis plus de dix ans".
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